Le Nora du sud de la Thaïlande : un culte aux ancêtres - article ; n°2 ; vol.79, pg 261-282
23 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Le Nora du sud de la Thaïlande : un culte aux ancêtres - article ; n°2 ; vol.79, pg 261-282

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
23 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient - Année 1992 - Volume 79 - Numéro 2 - Pages 261-282
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Christine Hemmet
Le Nora du sud de la Thaïlande : un culte aux ancêtres
In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 79 N°2, 1992. pp. 261-282.
Abstract
The Nora of Southern Thailand, an Ancestral Cult
by Christine Hemmet
The very ancient Nora dance, like the shadow theatre Nang Talung, is a tradition of Southern Thailand. It is a hereditary, family
dance, performed by troupes who are not full time professionals but ordinary villagers who dance occasionally. Dancers must
nonetheless undergo a long apprenticeship, and they are initiates who can convoke and send off the spirits, as well as
communicate with them. Performances are not mere entertainment, but propitiatory and votive rituals which remain an
indispensable part of village religious life. The ritual of invocation of the Nora ancestors described here is a perfect illustration of
the moralizing role of these ancestor cults.
Citer ce document / Cite this document :
Hemmet Christine. Le Nora du sud de la Thaïlande : un culte aux ancêtres. In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient.
Tome 79 N°2, 1992. pp. 261-282.
doi : 10.3406/befeo.1992.1881
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/befeo_0336-1519_1992_num_79_2_1881Le Nora du sud de la Thaïlande
un culte aux ancêtres
Christine HEMMET
Le Nora est une danse propre au sud de la Thaïlande, une région restée très fidèle à
un certain nombre de ses traditions particulières. La partie méridionale de la Thaïlande
occupe le territoire situé entre la mer Andaman et la mer de Chine depuis la province de
Chumphon, à cinq cents kilomètres de Bangkok, jusqu'à celle de Yala, à la frontière
malaise.
Les Thaïs du Sud ont la réputation de se soutenir les uns les autres et de tenir
compte, plus fortement qu'ailleurs, de leur origine régionale. Tous se retrouvent dans
une opposition fondamentale au « nivellement centralisateur » de la culture dominante
venue de Bangkok. Pour marquer leur individualité, ils continuent d'utiliser un dialecte
totalement incompréhensible dans le reste du pays, et, bien qu'aujourd'hui, grâce à la
radio, à la télévision et à l'école pour les plus jeunes, tous comprennent la langue offi
cielle, celle-ci reste peu employée.
Le fait dominant dans la Péninsule est la présence de la plus importante commun
auté de musulmans en Thaïlande, les quatre provinces du Sud concentrant 50 % de la
population musulmane du pays. Chacune de ces communautés, les bouddhistes comme
les musulmans, a ses propres traditions, le Nora étant spécifiquement bouddhiste, alors
que le théâtre d'ombres (autre tradition de la région) est implanté dans les deux com
munautés.
La pénétration du bouddhisme rencontra une longue résistance dans le sud de la
Thaïlande, comme en témoigne la nature d'un grand nombre de rituels villageois. La
crémation, par exemple, y est une tradition que l'on peut considérer comme récente
puisqu'au début du siècle Nelson Annandale (1904) pouvait encore observer couram
ment que la plupart des morts étaient soit enterrés, soit exposés dans les arbres avant la
crémation ou l'enterrement définitif. Les bouddhistes de ces provinces les plus méridio
nales ont donc mis longtemps à renier le schéma propre à la « double inhumation » du
domaine malayo-polynésien (Hertz, 1970).
Le Nora n'est implanté que dans le sud de la Péninsule, à partir de la province de
Nakhon Sithammarat, mais il est surtout extrêmement populaire dans les régions de
Phathalung et de Songkhla, sur la côte est. Le terme Nora désigne aussi bien la danse
que les danseurs. Pour les plus connus d'entre eux, les responsables de troupes en parti
culier, Nora devient un titre qui précède leur nom et sert d'appellation pour la troupe
tout entière. Celle-ci est plus ou moins étendue selon le nombre de ses danseurs.
Réduite à sa plus simple expression, elle se compose d'un danseur responsable de la
troupe, d'un « chasseur », phra:n, et de quatre ou cinq musiciens : un hautbois, deux
sortes de tambours, deux petits gongs et des cymbales.
Le costume du danseur est très particulier et ne se retrouve nulle part ailleurs en
Thaïlande. Il se compose d'une tiare, appelée soet en dialecte local, de décorations
BEFEO 79.2 (1992), p. 261-282. 262 Christine Hemmet
Chum Phon
«о
х^СуК0 samu/
**
Phánq' ..•-' Nakhon4Sithammarat Nga
\*
/Phathálung#
Trang*
Songkhla* . ,
MER
Pattanj*
Saibury
Л A N D A M A N
50 100 km MALAISIE} Le Nora du sud de la Thaïlande 263
perlées sur le haut du corps, d'un pantalon que recouvre au-dessus des genoux un
sarong ou pa:nung (pièce de tissu portée traditionnellement autour de la taille), drapé
de façon particulière au Nora, d'une queue dans le dos à la hauteur de la taille, dite
« queue de cygne », de différentes sortes de foulards retombant de la ceinture et de
bijoux et accessoires dont font partie les ongles longs et effilés emboîtant les doigts.
Tout rappelle ici le Jataka Manora К qui est très populaire en Thaïlande du Sud. Le
terme même de NORA est une abréviation de MANORA (dans le dialecte local, les mots
sont souvent réduits à leurs dernières syllabes). Le costume du danseur est celui d'un
oiseau, c'est la kinnari que capture le chasseur, l'autre personnage de la troupe de Nora.
Pourtant, les danseurs réfutent ce lien ne rattachant le Nora qu'à sa légende d'origine2,
qui est purement locale (et même localisée autour du lac de Songkhla).
Traditionnellement, le Nora s'appelait LAKHON CHATRI . Il semblerait, en effet, que
l'association du Jataka Manora et du Chatri ne remonte pas au-delà du XIXe siècle.
C'est l'extrême popularité de ce Jataka dans le Sud qui lui aurait, petit à petit, donné ce
rôle important dans la danse, substituant même son nom à celui de Chatri. Il faut ajouter
que le Nora est loin de ne représenter que cette légende ; douze histoires font partie du
répertoire, dont Phra Aphai Mani, un récit très renommé du poète Sunthon Phu, qui
vécut au XIXe siècle. Une tradition n'est jamais figée, mais se transforme avec le temps
et les modes. Aujourd'hui encore, le Nora continue d'évoluer.
Par ailleurs, si l'on fait l'analyse du Jataka Manora et de la légende d'origine, on se
rend compte que leur trame est semblable : un exil, une famille séparée, un héros dont
les grandes vertus et la persévérance (pour le Nora, cela est symbolisé par la danse)
provoquent le pardon du père et la réunion de la famille. Les deux récits tendent à
démontrer la même chose : l'importance de la morale et de la cohésion familiale.
Malgré la concurrence du cinéma et de la télévision, ce spectacle villageois est resté
très populaire dans les zones rurales bouddhistes de ces provinces méridionales du pays.
Cette popularité tient au rôle majeur qu'il assume encore aujourd'hui auprès de la popul
ation. Il est d'abord, comme le théâtre d'ombres nang talung, une tradition régionale
spécifique, totalement inconnue dans le reste du pays, en qui tous se reconnaissent.
Aucune fête, grande foire commerciale itinérante ou fête de temple, ne se tient sans l'un
de ces deux spectacles.
Mais il est surtout resté une part importante de la vie religieuse villageoise. Les
danseurs étant des intercesseurs privilégiés entre le monde des hommes et celui des
génies et des ancêtres, le Nora joué dans les villages est toujours essentiellement rituel.
C'est un culte, et l'on emploie, en dialecte du Sud, pour ceux qui suivent ces rites,
l'expression chUa no:ra:, ce qui se traduit exactement par « faire partie de la lignée des
Nora ». En effet, les familles qui observent ce culte (si elles sont moins nombreuses
aujourd'hui, il s'agissait d'une grande majorité de la population villageoise au début de
ce siècle, surtout dans les provinces de Songkhla et Nakon Si Thammarat) se disent
apparentées au Nora par des danseurs vivants ou morts. Aussi, comme les danseurs
1 . Le Jataka Phra Suthon Manora fait partie du Pannâsajâtaka, recueil des « cinquante Jataka »
apocryphes, non orthodoxes, répandu au Laos, en Birmanie, au Cambodge et en Thaïlande. C'est l'his
toire de la kinnari, Nang Manora, une femme-oiseau capturée par un chasseur, que l'on donne en
mariage au prince local Phra Suthon. Réussissant, par ruse, à r

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents