Le peintre et ses motifs - article ; n°1 ; vol.47, pg 133-158
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Description

Communications - Année 1988 - Volume 47 - Numéro 1 - Pages 133-158
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 78
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M Georges Roque
Le peintre et ses motifs
In: Communications, 47, 1988. pp. 133-158.
Citer ce document / Cite this document :
Roque Georges. Le peintre et ses motifs. In: Communications, 47, 1988. pp. 133-158.
doi : 10.3406/comm.1988.1710
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1988_num_47_1_1710Georges Roque
Le peintre et ses motifs
I. THEME ET ASSEMBLAGE
II m'est difficile, voire presque impossible, de donner ne serait-ce
qu'un aperçu de la notion de thème concernant l'ensemble des arts
visuels. Chacune des disciplines concernées doit faire face à des pro
blèmes spécifiques, dont la résolution nécessite la mise en œuvre
d'une, ou plutôt de plusieurs méthodes propres : l'étude thématique de
l'art rupestre, qui a profondément enrichi la connaissance des rel
igions de la préhistoire, a peu en commun avec l'analyse
des vases grecs, lesquels posent aux archéologues des questions diffé
rentes (et qui varient d'ailleurs suivant l'idéologie dont les archéolo
gues se réclament ').
En dehors des problèmes relatifs aux différentes disciplines et aux
différentes périodes envisagées, la classification des thèmes picturaux
en pose d'autres, plus généraux, qui sont loin d'être résolus, bien qu'un
net progrès ait été enregistré récemment, pour l'époque classique du
moins, celle qui, sans doute, se prête le moins mal à semblable clas
sification 2.
Je ne parlerai donc pas tant des thèmes et motifs picturaux que de
quelques-unes des manières dont ils peuvent être analysés, et me
limiterai de surcroît à la période contemporaine, qui a mis en évidence
un certain nombre d'interrogations. Dans un premier temps, je m'en
tiendrai à une série de remarques qui visent à jeter quelques ponts
entre la problématique picturale et les approches théoriques des
thèmes littéraires, avant de proposer l'analyse d'un des motifs propres
à un artiste.
Pour point de départ, je prendrai la méthode iconologique de
Panofsky, parce que l'articulation thème/motif, dont on a déjà beau
coup parlé, y fait l'objet d'une théorisation explicite. Je rappelle, pour
mémoire, les trois niveaux d'analyse de l'image qui sont distingués :
133 Georges Roque
1) Signification primaire ou naturelle
On la saisit en identifiant de pures formes (c'est-à-dire des configu
rations de lignes et de couleurs) comme représentation d'objets natur
els (animaux, humains, plantes), et en identifiant leurs relations
mutuelles comme événements.
L'univers des pures formes que l'on reconnaît ainsi chargées de
significations primaires ou naturelles peut être appelé l'univers des
motifs artistiques 3.
Le dénombrement de ces motifs constitue une description pré-icono
graphique des œuvres d'art.
2) Signification secondaire ou conventionnelle
On la saisit en prenant conscience du fait que, par exemple, un
personnage masculin muni d'un couteau représente saint Barthélémy.
Ce faisant, on met en relation des motifs artistiques et des combinai
sons de motifs artistiques (compositions) avec des thèmes ou concepts.
Ce niveau de description constitue le domaine de l'iconographie.
3) Signification intrinsèque ou contenu
On la saisit en prenant connaissance des principes sous-jacents qui
révèlent la mentalité de base d'une période, d'une nation, particulari
sée par la personnalité de tel artiste et condensée dans telle œuvre d'art
unique. Il s'agit d'interpréter ces éléments comme des valeurs symbol
iques au sens de Cassirer. Ce troisième niveau constitue l'iconologie
proprement dite.
Cette méthode, rapidement résumée, appelle quelques remarques.
Tout d'abord, le contenu propre de l'œuvre, sa « signification intrin
sèque », n'est pas le thème, même si celui-ci permet d'y accéder. Si le
thème doit bien être « extrait », le contenu ne se découvre qu'en se
replaçant dans l'ensemble du contexte culturel de l'œuvre, de sorte que
le sens de cette dernière n'est pas envisagé comme transcendant —
avec toutes les difficultés qu'entraîne cette vision — , mais comme
immanent. Panofsky fait ici appel à l'idée d'une intuition synthétique
qui permet de saisir le contenu propre de l'œuvre et qui doit être
contrôlée par une enquête sur « la manière dont, en diverses condi
tions historiques, les tendances générales et essentielles de l'esprit
humain furent exprimées par des thèmes et concepts spécifiques ».
Par ailleurs, Panofsky emploie indifféremment concepts et thèmes.
De son point de vue, en effet, les deux notions sont équivalentes, dans
leur commune opposition aux motifs. Car c'est entre motif et thème que
réside l'opposition forte : la différence est ici de nature, de degré dans
l'analyse. Et une telle différence est précisément requise pour que ces
134 Le peintre et ses motifs
deux termes puissent être érigés en structure, comme c'est le cas, en
particulier pour ce que Panofsky a nommé, à propos du Moyen Age, le
principe de disjonction :
II est significatif qu'à l'apogée même de la période médiévale (aux
XIIIe et XIVe siècles), des motifs classiques n'aient jamais servi à la
représentation de thèmes classiques, et, corrélativement, que des
thèmes classiques n'aient jamais été exprimés par des motifs clas
siques 4.
Ainsi, le personnage d'Orphée a-t-il servi pour représenter David, ou
le type d'Hercule qui ravit Cerbère à l'Hadès le Christ
qui arrache Adam aux limbes. Et, inversement, les artistes représen
taient Médée et Jupiter sous l'apparence, respectivement, d'une prin
cesse et d'un juge du Moyen Age.
Ce principe de disjonction, dont Panofsky nous dit qu'il serait éga
lement valable pour la littérature 5, limite cependant la méthode du
fait de ses présupposés, car la disjonction médiévale, cette « incapacité
à prendre conscience de l'intime unité entre thèmes et motifs class
iques 6 », n'a de sens qu'opposée à une « conjonction », la Renaissance
apparaissant comme une période de réunification, comme « la syn
thèse retrouvée entre thèmes et motifs classiques 7 ». La lecture thémat
ique qu'est l'iconologie, coupe transversale dans l'histoire de l'art et
de la culture, ne peut en fait s'organiser que sous forme d'un récit, dont
la finalité (explicite ou implicite) est de valoriser une période histori
que, la Renaissance, en l'occurrence. Mais, indépendamment des pré
supposés qu'elle véhicule, on notera que cette lecture iconologique se
déploie en analyses diachroniques et « macroscopiques », c'est-à-dire
portant sur de très longues périodes. (Ainsi, l'analyse du thème de
Pandore s'étend depuis Hésiode jusqu'à Paul Klee et Max Beck-
mann 8.)
C'est dire que le danger est grand de verser dans une simple nomenc
lature, un catalogue, un index, un fichier. Il a fallu à Panofsky toutes
les ressources de son érudition, et toutes les astuces de son intelligence,
pour s'en garder en structurant la plupart de ses études iconologiques
comme autant d'enquêtes policières. Ce qui revient à dire qu'une
lecture iconologique qui veut échapper au catalogue (au reste jamais
exhaustif) doit bien adopter une forme narrative : dans les cas les plus
brillants, elle s'organise chez Panofsky autour d'un renversement de
sens (suite à une erreur de compréhension de nature philologique, par
exemple, lors de la transmission du thème d'une époque à une autre).
Ou, pour le formuler différemment, les ruptures et discontinuités sont
135 Georges Roque
négligées, dans la mesure où les éléments thématiques retenus —
prélevés dans le discontinu du corpus de l'histoire de l'art — tendent à
former une chaîne continue, le long du déroulement diachronique de
l'analyse. Sont de ce fait laissées de côté les époques et les cultures pour
lesquelles les sources littéraires ne sont pas nombreuses 9.
C'est l'occasion de souligner, pour revenir à l'articulation
motif/thème, combien le premier est soumis

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