Le personnage de bande dessinée et ses langages - article ; n°1 ; vol.28, pg 101-111
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Description

Langue française - Année 1975 - Volume 28 - Numéro 1 - Pages 101-111
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1975
Nombre de lectures 28
Langue Français

Extrait

Pierre Fresnault-Deruelle
Le personnage de bande dessinée et ses langages
In: Langue française. N°28, 1975. pp. 101-111.
Citer ce document / Cite this document :
Fresnault-Deruelle Pierre. Le personnage de bande dessinée et ses langages. In: Langue française. N°28, 1975. pp. 101-111.
doi : 10.3406/lfr.1975.6094
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1975_num_28_1_6094Pierre Fresnault-Deruelle, IUT de Tours.
LE PERSONNAGE DE BANDE DESSINÉE
ET SES LANGAGES
La bande dessinée (BD) fait partie d'un ensemble qu'on pourrait
appeler « Arts narratifs ». Comme telle, elle est le lieu d'une mise en
abyme du procès de la communication, si tant est que l'on s'accorde à
voir dans les comics (qui sont aussi des messages du cartoonist au
lecteur) les faits et gestes de personnages subordonnés à l'échange
verbal et/ou gestuel. C'est l'aspect linguistique ou para-linguistique de
cette communication « abymée » qui nous retiendra ici. Mais tout
d'abord, peut-être, quelques généralités.
L'infusion du verbal au domaine iconique, ou si l'on préfère l'int
égration par les lecteurs de deux systèmes sémiotiques relevant respect
ivement de l'espace et du temps (pratique maintenant stabilisée par quatre-
vingts années de production quasi industrielle) a permis que les person
nages de comics soient parfois conçus autrement que comme de vul
gaires « porte-paroles ». Certes, c'est la figure (le héros) qui d'abord est
donnée, les paroles ne venant qu'ensuite ; reste que c'est le ballon qui,
pareil à l'étiquette attachée aux espèces végétales dans les jardins bota
niques, donne réellement son assiette à la figure qu'il désigne, la faisant
accéder à la dignité actancielle. Autrement dit, plus qu'un attribut, le
ballon — ce sac à mots — joue un rôle comparable à celui d'une
désinence par rapport à un radical. De fait, saisis ensemble figures et
ballons forment une unité originale : le ballon comme frappé d'un indice
de corporeïté \ le personnage, symétriquement, enserré du même trait
que le phylactère. Actualisé par la parole — à moins que son silence ne
soit fonctionnel — le personnage n'existe qu'en tant que personnage
proférant (d'aucuns diraient qu'il appartient à la catégorie de la loquence
et qu'il manifeste la locution 2).
La façon de traiter le message verbal est un point à considérer
1. Cf. la série « Le Sergent Lalerreur », journal Pilote pour la période 1967-1974.
2. La catégorie de la loquence (cf. M. Maillard, « Essai de Typologie des substituts
diaphoriques », Langue française, n° 21, 1974).
101 pour qui veut mettre un peu d'ordre dans la production « stripologique ».
Ce message est soit purement instrumental, orienté si l'on veut
vers la distillation d'un savoir qui se constitue (ou feint de se constituer)
au fur et à mesure que le scénario se déroule \ soit plutôt centré sur lui-
même, poétiquement pourrait-on dire : c'est le cas des BD comiques. Ces
dernières se servent en effet du verbe comme d'un constituant à part rapport'
entière (mais qui ne tiendrait toutefois son statut que par aux
dessins des vignettes). Reprenant la distinction opérée par Benveniste
nous dirons que les BD classiques (récits d'aventures) supportent des
histoires tandis que les comic-strips nous livrent des discours.
Avatar du dessin humoristique ces comic-strips fonctionnent en
référence à une visée de type conclusif (ou constatif). Pour les plus
verbales d'entre elles ces bandes mettent en œuvre une distribution tout
à fait particulière du discours du ou des protagoniste(s). Prenons l'exem
ple d'une « chute » prévue : partant de l'idée d'un final (dernière image
d'une séquence) où le gag culmine sur une sentence, le cartoonist doit
« remonter » vers une situation initiale pour ancrer son récit. En agissant
de la sorte le dessinateur-scénariste calcule les possibles iconiques qu'il
va devoir faire supporter à son texte. Celui-ci tronqué en un, trois ou
quatre segments réalise ce qu'on pourrait appeler une dramatisation de
renonciation. Ces mini-énoncés contenus dans les ballons (et qui
doivent, en Amérique, ne pas dépasser le nombre de trent-six mots) sont
bien souvent réalisés pour la façon dont ils perdurent. Le déroulement
du discours déterminé par les servitudes syntaxiques laisse une part
d'imprévisibilité (c'est là que s'exerce la « compétence » du cartoonist) sur
laquelle le conteur table pour construire son gag. Ce pourra être par
exemple (illustration n° 1) une expression de caractère restrictif corri-
RÊAUTÉ,Te ...Àic<&&u'eu uu V'Àl MS l VOS MOU PIEDS PNAUU PE
I Illustration non autorisée à la diffusion
© Graph-Lit (Charlie mensuel)
géant brutalement une première assertion, ce qui aura pour effet de pro
duire un retournement d'autant plus inattendu que Taxe syntaxique autour
de quoi pivotera l'argument permettra un raccourci phrastique aussi
sobre qu'achevé 4. D'une manière générale le passage d'une vignette
à l'autre manifestant la prolongation d'une parole « réticente », nous
assistons au perpétuel ajustement du discours bloqué entre les exigences
3. Nous faisons abstraction des récitatifs placés au-dessus de la vignette.
4. Autre effet de « retournement », le brusque changement d'isotopie.
102 vouloir dire et les nécessités du contexte : accumulation et procrastidu
nation. Contrairement à la parole décisoire des héros de BD dramatiques,
les personnages des séries humoristiques n'existent aue pour et par leur
propension à la modalisation. Se trouve ainsi vérifiée, s'il en était
besoin, l'assertion selon laquelle la rhétorique des comic-strips repose sur
cette technique qui consiste à savoir combiner découpage syntaxique et
iconique.
La distribution du discours peut également se faire à l'intérieur
même de la vignette. Il n'est pas rare en effet de voir toute une série
de ballons se relayer pour étayer le passage d'un parole réduite alors
à n'être plus que la mise en scène d'un procès de coordination 5 (illus
tration n° 2).
Illustration non autorisée à la diffusion
(ť; Jacovitti (Charlie mensuel)
Cette problématique de la distribution des sujets proférant sur
l'axe fléché de la séquence iconique est à l'origine d'un certain nombre
de réponses narratives de la part des dessinateurs et/ou des scénar
istes (dialoguistes).
Deux cas se présentent : a) le strip met en scène un héros qui
monologue ou réfléchit ; b) le strip nous met en présence de deux ou plus
de deux personnages qui communiquent verbalement. Qu'il s'agisse
des ballons de type classique ou de ceux dont l'appendice revêt la forme
d'une chaîne de bulles nous avons dans l'un et l'autre cas un signe au
lecteur : les héros s'expriment comme s'ils avaient à nous communiquer
clairement leurs états d'âme, ce qui, en définitive, se produit explici
tement dans ces nombreux « a parte » où l'auteur parachève son gag
sur un effet de connivence (image 4 du strip ci-joint, illustration n° 3).
O~M0N AVIS.UNE PRÉSENTA- M. DUPONT, PENDANT MES VA ITION DANS LES RÈGLES N'ÉTAIT CANCES, C'EST LUI OUI ' ASSURERA LA IRE DISTRIBUTION DU LAIT
Illustration non autorisée à la diffusion
« avec l'autorisation d'Opéra Mundi »
5. Voir à ce sujet l'économie du discours des Frères Dalton, in Les Aventures de
Lucky Luke, Dupuis et Dargaud éd.
103 Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion Illustration non autorisée à la diffusion
Illustration non autorisée à la diffusion I
NOUS A DIT D'VAUEf AVAIT- IL OU) С ' ÉTAIT IL NOUS L'AVONS FAIT.6H L'AIR COMME S'IL FAIBLE OU N'AVAIT PLUS M1NUTE9 PLUS ТАРЮ, KAKU ADRIUAIT AUET- UN AUTRE TAX MALADE? SA ТВТЪ A LUI-
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