Le programme global - article ; n°2 ; vol.11, pg 171-184

Gisèle Bertrand, Pierre-Alain Mercier, Chantal Chantaldegournay

Description

Réseaux - Année 1993 - Volume 11 - Numéro 2 - Pages 171-184
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: RESEAUX
• Publié le: 01 janvier 1993
• Nombre de lectures: 32
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Gisèle Bertrand
Pierre-Alain Mercier
Chantal de Gournay
Le programme global
In: Réseaux, 1993, volume 11 n°2. pp. 171-184.
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Bertrand Gisèle, Mercier Pierre-Alain, de Gournay Chantal. Le programme global. In: Réseaux, 1993, volume 11 n°2. pp. 171-
184.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_1993_hos_11_2_3623LE PROGRAMME GLOBAL
Chantai Pierre-Alain Gisèle de GOURNAY BERTRAND MERCIER
CNET-1990 ment ou bien conjointement. Malgré la
limitation volontaire du terrain, les
données recueillies ont pu nourrir des
analyses suffisamment riches qu'il ne
peut être question de développer ici.
Elles ont fait l'objet d'un rapport dispo
nible au CNET (*). Nous tenterons sim
plement de repérer les principaux ques
tionnements auxquels ce travail apporte
des commencements de réponse.
Si l'on appréhende le zapping dans sa
«réalité» statistique, on aboutit très vite
à en épuiser l'intérêt. En considérant le
zapping comme l'ensemble des «décro
chages» de programmes de l'ensemble
des téléspectateurs, on obtient une
mesure du phénomène peu significative
en raison de sa dilution : le poids des
LE propos de cet article sera d'anal pratiques peu intenses de la grande
yser, à partir des pratiques de majorité et des zappeurs occasionnels
zapping (changements fréquents d'une vient masquer l'expression des prati
chaîne à l'autre en cours de programme), ques des zappeurs véritables.
la logique concrète de la réception des Les chiffres de Médiamétrie indiquent
programmes télévisés. Le statut explo une moyenne de 15 à 20 changements de
ratoire de la recherche était lié au souci chaîne par jour en France, ce qui n'a
de tester une démarche méthodologi aucune commune mesure avec le «score»
que qui n'avait pas encore été expéri d'un de nos zappeurs enquêtes, lequel
mentée. Après une phase préliminaire se situe autour de 240 changements en
d'interviews «classiques», nous avons deux heures d'écoute. L'instabilité de
enregistré, avec des magnétoscopes as l'écoute, telle qu'elle peut être repérée
servis à la télécommande, des program par les instruments de mesure dont on
mes tels qu'ils ont été effectivement reçus dispose actuellement, se concentre sur
et «modulés» par des zappeurs. Puis des plages horaires qui correspondent à
des «carrefours» et que chacun de nous nous avons interrogé ces zappeurs en
les confrontant à ces bandes vidéo enre peut intuitivement repérer à partir de
gistrées, les mettant ainsi en position de l'observation de sa propre pratique : les
découvrir, d'expliquer et de commenter journaux télévisés, balayages éventuels
le résultat de leur propre pratique. Les en fin d'émission, recherche à l'aide de
données recueillies se composent de la télécommande d'un programme pré
11 interviews (dont 5 autonomes, non cis dont on a oublié sur quelle chaîne il
associées au commentaire des bandes est diffusé, et bien sûr, ce qui inquiète
vidéo) et de 6 enregistrements vidéo. mais ne surprend personne, décrocha
Ces trois types de données, relevant de ges au cours des écrans publicitaires. Il
deux corpus bien distincts (des discours n'y a pas là matière à réflexion.
Aussi faut-il déplacer le point de vue et et des programmes), peuvent être ap
ne plus considérer la globalité artificielle préhendés séparément,
(*) "Fragments d'un récit cathodique. Une approche empirique du zapping", collection CNET/Réseaux,
novembre 1988.
173 ďune pratique associée à un public lui- res d'efficacité, même lorsqu'il est en
même perçu comme global. apparence associé à des conduites sub
C'est le zapping du zappeur qui sera ici jectives, parce que se pose inévitabl
ement le problème de son adéquation analysé, en tant que pratique singulière,
avec les attentes - conscientes ou pas, exirréductible aux diagnostics statistiques
plicites ou pas- du téléspectateur. Même fournis par des instruments de mesure
dont la fiabilité est contestée, puisqu'ils lorsque le chercheur essaie d'éviter la
question normative du «bon» ou du ne rendent pas compte d'un comporte
ment individuel mais agrégat de «mauvais» usage de la télécommande,
réactions imputables aux divers memb elle sera de toute façon réintroduite par
res du ménage qui constitue à l'heure le récepteur lui-même, qui se jugera bon
actuelle la seule unité de réception ou mauvais zappeur au terme d'une
soirée en fonction des gratifications qu'il «mesurable».
Sans doute les caractéristiques de récep en aura retirées, s'estimant déçu ou sa
tion du zappeur sont-elles actuellement tisfait, manipulé ou manipulateur, selon
minoritaires dans l'ensemble des tél une hiérarchisation qu'il aura lui-même
éspectateurs ; et peut-être ne sont-elles établie ;
- une autre variante de la démarche pas également distribuées dans les di
verses strates socio-démographiques. normative consiste à se demander
Mais elles semblent à ce point liées aux lequel, parmi les modes d'usage spécif
formes actuelles d'une certaine culture iques qu'on a repérés, a le plus de
probabilité de se constituer en usage médiatique (culture des média, et non
culture par les médias) que l'analyse des dominant dans le futur (à défaut de cette
comportements qui leur sont liés en interrogation prospective, les observat
demeure légitime : ces comportements ions du chercheur passeraient pour être
seraient sinon prédictifs (de ce que sera, «platement empiriques»).
Il semble donc illusoire de prétendre d'ici à quelques années, le mode «nor
mal» de consommation de programmes que le chercheur se trouve à l'abri d'une
vision normative de la pratique dès lors télévisés), du moins symptomatiques (de
l'instauration de nouveaux modèles de qu'il adopte le point de vue de récept
production, de gestion et de consommat eur. Une manière de tenir à distance
ion de l'information, d'autres symptô cette tentation normative, c'est de ne pas
mes pouvant être repérés tant dans le coller à la description exhaustive des
domaine de la production de marchand modalités de l'acte de zapper, dont
ises culturelles - disques, livres... - que l'interprétation reste de toute façon tr
dans celui des pratiques de communicat ibutaire du discours plus ou moins
ion téléphonique, par exemple). construit (et donc plus ou moins nor
En partant du point de vue du récepteur matif) de l'usager.
(le téléspectateur zappeur), on peut Dans cette optique, la description des
rendre compte des occurrences spécif occurrences du zapping n'est qu'un
iques de l'usage de la télécommande. moyen pour arriver à définir le type de
Mais c'est en définitive la partie la moins relation que le récepteur entretient avec
intéressante du travail du chercheur car le média. Autrement dit, le «comment»
elle se heurte à des considérations «nor du zapping se transforme au terme de
matives» : l'analyse en un «pourquoi regarde-t-on la
- Un usage est presque toujours «instru télévision ?», par le jeu d'un passage in
mental», c'est-à-dire assujetti à des cessant entre la pratique du zappeur
174- qu'elle est objectivée par la mé salles de cinéma. Or s'il s'avérait que la (telle
thode deprélèvement opérée par le cher relation au programme est en quelque
cheur) et son discours sur sa pratique. sorte parasitée par la relation spécifique
au média, cela obligerait à une spécifica
De la relation au média et tion des contenus en fonction du moyen
de l'identité de la télévision de diffusion.
Cela signifie que la consommation d'un
L'observation des actes de réception programme reste conditionné par la
nous a permis de caractériser un nou représentation que le spectateur se fait
veau type de relation à la télévision. Mais du média, et qu'un même produit n'est
cette relation n'est que le cadre à l'inté pas re&#