Le Rôle de Gauvain dans Erec et Enide - article ; n°2 ; vol.65, pg 147-158
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Annales de Bretagne - Année 1958 - Volume 65 - Numéro 2 - Pages 147-158
12 pages

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Publié le 01 janvier 1958
Nombre de lectures 41
Langue Français

Extrait

Professeur Charles Foulon
Le Rôle de Gauvain dans "Erec et Enide"
In: Annales de Bretagne. Tome 65, numéro 2, 1958. pp. 147-158.
Citer ce document / Cite this document :
Foulon Charles. Le Rôle de Gauvain dans "Erec et Enide". In: Annales de Bretagne. Tome 65, numéro 2, 1958. pp. 147-158.
doi : 10.3406/abpo.1958.2051
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391X_1958_num_65_2_2051C. FOULON
" EREG ET ENIDE " LE ROLE DE GAUVAISV DANS
Le personnage de Gauvain n'a pas été inventé par
Chrétien de Troyes. Non seulement en effet Guillaume de
Malmesbury, Gaufrei de Monmouth et Wace ont déjà pré
cisé le caractère de ce héros, à la fois neveu d'Arthur,
fidèle chevalier, généreux et modeste :
Plus volt faire que il ne dist
Et plus doner qu'il ne pramist (1)
Mais on trouve chez Chrétien, dès le premier roman
arthurien qu'il compose, dès Erec et Enide, une connais
sance étendue de la réputation de Gauvain ; dans presque
tous les passages où celui-ci apparaît, il est caractérisé
brièvement, comme si les auditeurs (ou les lecteurs) le
connaissaient depuis longtemps. Cependant Gauvain est
bien, dans Erec, différent de ce qu'il deviendra plus tard,
même chez Chrétien.
Il nous a semblé que, pour limiter notre sujet, nous
pouvions étudier :
a) ce qu'il y a de celtique chez le Gauvain présenté par
Chrétien ;
b) ce qui est le rôle apparent de Gauvain dans Erec ;
c) ce qui est son utilité profonde dans la structure
même de ce roman.
* * *
Chrétien n'a pas exactement créé son personnage. Le
nom prend son orthographe française ; Walvainus ou
(*) Communication au cinquième congrès arthurien, Bangor, Pays
de Galles, août 1957.
(1) Wace, Roman de Brut, éd. I, Arnold, vv. 9861-9862. 148 LE RÔLE DE GAUVAIN
Walwein devient Gauvain ; auprès du héros se rencon
trent ceux qui nous seront révélés plus tard comme ses
parents ; il possède aussi un cheval, dont le nom est certa
inement d'origine celtique.
N'oublions pas, en effet, que Chrétien, dans Erec, a
nommé à peu près tous les héros qui deviendront plus
tard les protagonistes de ses romans : Lancelot, Perceval
le Gallois, Ivain. Si Gauvain joue un rôle assez important,
Chrétien ne nous laisse pas ignorer sa famille. Le père
de Gauvain est Lot (2) cité au moins dans l'un des manusc
rits (3). Mais, dans le passage en question (qui est la
liste des chevaliers de la Table Ronde), Lot n'est pas
signalé comme le père du héros ; il est simplement l'égal
d'un certain Bravain. La lecture de Perceval le Gallois
nous permet de voir que Chrétien a complété plus tard
sa généalogie de Gauvain: il nous y informe en effet que
Lot avait quatre fils : Gauvain était l'aîné ; puis venait
Agrevain (l'Orgueilleux aux dures mains) ; Gaheriez et
Guerehés sont les noms des autres (4). Même si deux des
frères de Gauvain ne figurent pas dans Erec, Gaheriés est
cité dans ce même catalogue des chevaliers de la Table
Ronde. Ici encore le nom du héros, frère de Gauvain, est
celtique.
Chrétien ne s'explique pas au sujet de la mère de Gau
vain (5). Il ne semble pas avoir dit dans Erec et Enide, ni
même plus tard, à ma connaissance, si la mère de Gau
vain se nommait Anne, ou si selon lui elle était Morgane
la fée. Il a cependant donné un détail celtique de plus dans
Perceval le Gallois : c'est cette épée Escalibor, habituelle-
(2) Erec et Enide, édit. M. Roques (Cl. F.M.A.), v. 1705 ; selon E.
Brugger, le mot devrait se lire « li ros ».
(3) II s'agit du ms. R (B.N. Fr. 1450).
(4) Perceval le Gallois, éd. Hilka, vv. 8135-8142.
(5) S'il fallait en croire un passage intéressant des notes du Tris
tan, un fragment de poème grec, d'une date incertaine, contenu dans
un ms. du xnr3 ou du xive siècle, nous montre un roi qui, s'adressant
à Gauvain, voit en Morgane la mère du héros :
rxç %zptT<zç, prizipi <to-j, M.opyoûvri 39.'
Cf. aussi Von (Tristan, éd. F. Michel, Londres, 1835, II, 269 ff., v.
der Hagen, Abhandlung der Kônigl. Akad. der Wissenschaften zu.
Berlin, 1848, pp. 243 ff.) LE RÔLE DE G AU VAIN 149
ment réservée au roi, et qui se trouve être l'épée de Gau-
vain au vers 7280 du Conte del Graal. La remarque en a
été faite par M. le Professeur Loomis (6). Le fait d'être
considéré comme le neveu d'Arthur, d'un Arthur qui
parfois est présenté comme n'ayant pas de descendant
direct, transforme Gauvain en un héritier de la souve
raineté. La possession de l'épée Escalibor est, elle aussi,
un symbole de souveraineté, sinon acquise, au moins mora
lement partagée. La chose est d'autant plus frappante que
Gauvain, même s'il n'est pas pourvu de ces attributs dans
Erec, discute l'autorité royale, et Arthur tient à celle-ci.
Enfin Gringalet, cheval de Gauvain, est trois fois
nommé dans le premier roman de Chrétien de Troyes (7).
Si l'on admet que ce nom est formé de Gwyn et de Kaled,
ces deux mots, semblables en gallois et en ancien-breton,
désigneraient la blancheur et la robustesse du cheval. Ce
nom pourrait également signifier, rapproché du Keincaled
du conte gallois de Geraint, élégant et robuste. Enfin,
même si on recherche une étymologie différente de ces
deux premières, on reste malgré tout contraint de la trou
ver dans un apport celtique. Le premier mot pourrait être
non gwyn, niais kefn (le gallois kefn correspondant à kein
du bas-breton ; et certaines mutations pouvant donner
gevn comme en breton gein, dos) Geun galet voudrait alors
dire « au dos solide ». Mais je ne peux avancer cette hypo
thèse qu'avec des réserves (8).
Quoi qu'il en soit, le nom de ce cheval est sûrement c1 ori
gine celtique. Et le fait que le destrier soit pourvu d'un
nom, connu du public, et respecté déjà, montre bien au'il
y a étroite liaison entre le personnage guerrier et sa mont
ure ; ceci serait un argument en faveur de l'antiquité
d'une tradition « gauvinienne ».
(6) R.S. Loomis, Arthurian Tradition and Chrétien de Troyes,
Index des noms propres.
(7) Erec et Enide, éd. M. Roques, vv. 3935, 3945, 3963,
(8) Lors du congrès de Bangor, la discussion a amené divers cel-
tisants, dont Mme R. Bromwich, à considérer cette dernière hypo
thèse comme admissible. LE RÔLE DE GAUVAIN 150
ROLE APPARENT DE GAUVAIN
Même s'il existe une tradition celtique relative à Gau-
vain, elle ne paraît pas avoir été différente de celle des
grands guerriers de l'épopée irlandaise. Toutefois Guil
laume de Malmesbury a parlé de Gauvain comme d'un
héros célèbre et courageux ; mais le personnage, selon
l'habitude de l'auteur, n'était que sommairement défini,
à l'occasion de la découverte d'un tombeau : on disait de
Gauvain qu'il avait été blessé par des ennemis, puis rejeté
sur la côte par un naufrage, ou, selon d'autres, qu'il avait
été tué par des compatriotes au cours d'un festin. A partir
de ces trois éléments (vie guerrière et aventureuse, dangers
courus du iait des ennemis, festins), peut-être arriverait-
on à fixer trois des qualités de Gauvain, du Gauvain pri
mitif, courageux, puissant, mondain. Mais Chrétien, selon
son habitude rationaliste, amplifie et précise. Et, s'ap-
puyant peut-être sur la tradition qui fait de Gauvain un
neveu du roi Arthur, donc un héritier possible du souve
rain légendaire, il présente, après Wace, Gauvain comme
assez indépendant d'Arthur.
L'une des particularités de Gauvain, dans Erec, est en
effet qu'il discute les volontés du roi, qu'il s'oppose à
celles-ci, qu'il substitue même certaines de ses propres
volontés à celles d'Arthur.
Certes Gauvain est respecté ; il a droit au titre de
« Messire », de « Monseigneur Gauvain » ; sa
réputation de preux chevalier, son rang d'héritier, expli
quent assez bien celte atmosphère de respect dont il est
entouré (comme l'a montré M. Lucien Foulet dans un arti
cle célèbre (9) de la Romania.)
Mais on trouve dans l'ouvrage quelque chose de plus
important. Lorsque le roi Arthur veut f

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