Les ambiguïtés de la modernisation. Le cas du juste-à-temps - article ; n°69 ; vol.13, pg 45-69

Danièle Linhart, Robert Linhart

Description

Réseaux - Année 1995 - Volume 13 - Numéro 69 - Pages 45-69
The modernization of firms frequently involves the introduction of just-in-time production, considered as an efficient means to reduce costs and manage work and workers. But this organizational reform usually takes place within a framework of contradictory managerial strategies. Workers are given additional responsibilities without significant autonomy. The objective is to involve them in a system which remains prescriptive and based on a Taylorian logic. The authors draw upon a monograph on small and medium-sized enterprises to analyse the impact of this complex evolution, both on workers and on the overall performance of firms.
The modernization of firms frequently involves the introduction of just-in-time production, considered as an efficient means to reduce costs and manage work and workers. But this organizational reform usually takes place within a framework of contradictory managerial strategies. Workers are given additional responsibilities without significant autonomy. The objective is to involve them in a system which remains prescriptive and based on a Taylorian logic. The authors draw upon a monograph on small and medium-sized enterprises to analyse the impact of this complex evolution, both on workers and on the overall performance of firms.
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: RESEAUX
• Publié le: 01 janvier 1995
• Nombre de lectures: 210
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Danièle Linhart
Robert Linhart
Les ambiguïtés de la modernisation. Le cas du juste-à-temps
In: Réseaux, 1995, volume 13 n°69. pp. 45-69.
Résumé
The modernization of firms frequently involves the introduction of just-in-time production, considered as an efficient means to
reduce costs and manage work and workers. But this organizational reform usually takes place within a framework of
contradictory managerial strategies. Workers are given additional responsibilities without significant autonomy. The objective is to
involve them in a system which remains prescriptive and based on a Taylorian logic. The authors draw upon a monograph on
small and medium-sized enterprises to analyse the impact of this complex evolution, both on workers and on the overall
performance of firms.
Abstract
The modernization of firms frequently involves the introduction of just-in-time production, considered as an efficient means to
reduce costs and manage work and workers. But this organizational reform usually takes place within a framework of
contradictory managerial strategies. Workers are given additional responsibilities without significant autonomy. The objective is to
involve them in a system which remains prescriptive and based on a Taylorian logic. The authors draw upon a monograph on
small and medium-sized enterprises to analyse the impact of this complex evolution, both on workers and on the overall
performance of firms.
Citer ce document / Cite this document :
Linhart Danièle, Linhart Robert. Les ambiguïtés de la modernisation. Le cas du juste-à-temps. In: Réseaux, 1995, volume 13
n°69. pp. 45-69.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_1995_num_13_69_2638LES AMBIGUÏTÉS
DE LA MODERNISATION
Le cas du juste-à-temps
Danièle et Robert LINHART
Réseaux n° 69 CNET - 1 995
45 — — 46 flot de contraintes et de routines nouvelles.
Dans la plupart des entreprises de nature
industrielle où nous avons enquêté, ce qui
frappe avant tout, c'est l'importance des
changements à l'œuvre. Ces changements
sont à appréhender tant au niveau idéolo
gique et culturel que technologique et or-
ganisationnel. Eux-mêmes s'inscrivent
dans un contexte plus général, celui de
l'évolution des mentalités, des comporte
ments et bien sûr du poids d'une crise éc
onomique et de l'emploi qui semble tou
jours s'amplifier.
Le travail en urgence fait ainsi partie
d'un contexte de « modernisation » qui se
décline sur de multiples dimensions. Voul
oir à tout prix l'isoler serait arbitraire. On
peut par contre s'efforcer de l'analyser au
sein des nombreuses évolutions qui l'a
ccompagnent. Le juste-à-temps reflète la
La sociologie ne présente en aucune mise en œuvre de politiques résolument i
façon les caractéristiques des nnovantes, il chemine avec les caractéris
sciences expérimentales : on ne sau tiques d'un modèle implicite ou explicite
rait comparer un groupe témoin à un qui motive les directions.
groupe ayant subi un protocole expériment
al. L' objet de recherche du sociologue est Un certain engouement des
par définition immergé dans la société et directions pour le juste-à-temps.
en subit les influences. Le contexte, donc,
ne saurait par une quelconque manœuvre Elles sont de plus en plus nombreuses
scientifique être mis entre parenthèses. les entreprises qui optent pour le travail en
C'est bien là un des problèmes majeurs que flux tendu, qui cherchent donc à s'organi
l'on rencontre dès lors que l'on s'intéresse ser en fonction des commandes selon la lo
à une innovation organisationnelle. Com gique de la production tirée par le marché.
ment saisir ses effets dans leur spécificité ? Très prisé dans le secteur automobile, le
Qu'est-ce qui est à mettre sur le compte de travail en flux tendu se diffuse de plus en
l'innovation et sur celui du contexte et des plus, à l'instar de ce qu'il est convenu
circonstances qui ont d'ailleurs pu le déter d'appeler le modèle japonais.
miner ? On reste toujours sur le doute et la Il présente pour les directions une
part des « responsabilités » demeure bien double vertu : il permet d'une part d'adapt
er la production et l'entreprise aux noufloue.
On n'échappe pas à ces limites dans le veaux impératifs du marché (une demande
cas qui nous intéresse de l'impact du qui est de plus en plus spécifiée et sou
« juste-à-temps » sur le vécu et les pra cieuse de qualité), il s'inscrit d'autre part
tiques de travail dans les entreprises. Bien dans une nouvelle philosophie managériale
au contraire. On mesure combien sont in- qui préconise des modes d'organisation
triquées des réalités complexes qu'il est considérés comme plus productifs et plus
rentables et qui introduisent l'exigence de peu aisé de démêler.
Ainsi il apparaît à la lumière des en qualité au cœur du processus de product
quêtes de terrain que le juste-à-temps ou la ion.
diffusion de façon plus générale des pra L'impératif de qualité est en effet inscrit
tiques de travail en urgence s'insèrent dans au cœur de cette stratégie managériale du
des modifications qui renvoient à la notion juste-à-temps. Il représente désormais la
priorité des priorités. Certains respon- de modernisation et qui charrient tout un
47 — sables se tournent vers le juste-à-temps productivité était calculée sur la base de
précisément parce qu'il institue la qualité ces temps. Il suffit de songer aux principes
comme une valeur de l'entreprise (c'est sa du travail à la chaîne, sur les lignes de
dimension éthique) et parce qu'il permet montage, pour comprendre que ce n'est
de la gérer plus facilement (c'est sa dimens pas le fait d'être obligé de travailler vite et
ion pratique). L'absence de stocks évite de dépendre d'un rythme qui vous est ex
les détériorations des pièces, permet de re térieur (le rythme mécanique de la chaîne
pérer plus rapidement les lots défectueux ou le nombre de pièces à réaliser dans la
et d'apporter des contre-mesures (les opé journée) qui est nouveau. L'urgence dans
rateurs n'ont pas la possibilité de piocher le travail est parfaitement inscrite dans le
procès de travail taylorien et encore plus dans les stocks pour continuer à produire,
ils doivent signaler immédiatement les fordien.
anomalies) ; elle permet aussi de mieux Ce qui est donc nouveau, c'est la straté
gérer l'organisation des ateliers : les pro gie managériale qui se fait jour et qui vise
blèmes sont plus aisément perceptibles et à introduire les contraintes du travail en
donc plus faciles à résoudre, on peut, selon urgence dans l'entreprise : c'est-à-dire es
sentiellement la nécessité de « faire bien l'expression de l'ingénieur des usines
Toyota, Ohno, être plus efficace en gou du premier coup », c'est-à-dire encore le
vernant par les yeux. devoir de contrôler constamment la qualité
Le travail en flux tendu, ou en juste-à- de ce que l'on produit ou réalise et la né
temps, n'est en soi pas une innovation : il cessité de s'adapter à des modifications de
se confond en effet avec le travail en ur poste.
gence qui caractérise depuis « toujours » L'urgence et l'impératif de qualité
un grand nombre de secteurs professionn qu'elle implique se gère, en tout cas cela
els. Il suffit de songer au travail dans les transparaît d'une bonne partie de nos
études de cas (1), à travers une radica- grands quotidiens de la presse, au travail
lisation de la rationalisation, de la planifidans la restauration, dans la distribution
pharmaceutique, dans certains services des cation du travail ainsi que d'une respons
abilisation des salariés qui prend souvent hôpitaux, au travail des pompiers... où il
faut constamment moduler en temps réel le l'allure d'une décentralisation des
travail et son organisation en fonction de contraintes.
la demande. Le travail en urgence conçu La décentralisation de nouvelles
comme la régulation de l'organisation en contraintes en termes de qualité et acces
fonction des aléas de l'extérieur est une soirement de délais dans un univers pro
donnée fort ancienne dans nombre de sec fessionnel qui se raidit, de plus en plus, qui
teurs. devient de plus en plus rigide pèse particu
L'introduction du travail en urgence (au l