Les banques ont-elles sauvé Citroën ? (1933-1935) - article ; n°3 ; vol.3, pg 453-472
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Description

Histoire, économie et société - Année 1984 - Volume 3 - Numéro 3 - Pages 453-472
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 17
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Hubert Bonin
Les banques ont-elles sauvé Citroën ? (1933-1935)
In: Histoire, économie et société. 1984, 3e année, n°3. pp. 453-472.
Citer ce document / Cite this document :
Bonin Hubert. Les banques ont-elles sauvé Citroën ? (1933-1935). In: Histoire, économie et société. 1984, 3e année, n°3. pp.
453-472.
doi : 10.3406/hes.1984.1364
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1984_num_3_3_1364BANQUES ONT-ELLES SAUVE CITROEN ? LES
(1933-35)
Réflexion sur la marge d'initiative bancaire
par Hubert BONIN
INTRODUCTION
Les drames de l'économie galvanisent toujours leurs contemporains, stupéfaits
de la ruine soudaine d'entrepreneurs qui les fascinaient par leur ascension de pionn
iers. Ce fut le cas lorsqu' André Citroën dut abandonner sa société en 1935 alors
même que la clientèle se ruait sur la nouvelle traction. Le journalisme à sensation (1)
a pu y trouver matière à philosopher sur le destin d'un homme que la mort emporta
peu après son éviction ; le syndicalisme a pu dénoncer un patron rendu responsable
de la fermeture des usines et des licenciements.
L'historien doit s'intéresser à ces secousses de l'économie, car elles sont toujours
révélatrices d'une crise en profondeur des structures industrielles et financières. Jean
Bouvier avait ainsi transformé le krach de l'Union Générale en symptôme de la Grande
Dépression qui s'amorçait en 1882 (2). La chute de la Banque Nationale de Crédit
en 1931-32 s'inscrivait dans l'échec d'un nouveau type de groupe financier et industriel
symbolisé par les sociétés d'André Vincent, président des Forges & Aciéries de Firminy
et de la BNC (3). Plus tardivement que Renault, Citroën a suscité l'intérêt des histo
riens qui ont reconstitué l'évolution de la société (4) et les progrès dans l'organisation
du travail (5). L'affaire Citroën offre aussi matière à discussion sur le financement
des entreprises de l'Entre-deux-guerres. Comment expliquer en effet l'effondrement
financier d'une société que les ventes maintenaient au premier rang en France et qui
était réputée par son dynamisme innovateur ? Faudrait-il supposer un décalage entre
la modernisation du systéme productif et celle de l'économie financière, de la gestion,
du crédit ?
1. Le livre du journaliste Reiner, La tragédie d'André Citroën, Paris, 1954, en un exemple.
2. Jean Bouvier, Le krach de l'Union Générale, Paris, 1960.
3. Notre thèse de troisième cycle La Banque Nationale de Crédit. Evolution et rôle économique,
1913-1932 (soutenue en 1978 à l'Université de Paris 10 Nanterre) a analysé la structure de ce groupe
industriel et bancaire.
4. Jean Louis Loubet a étudié Citroën dans son Mémoire de Maîtrise, Histoire d'une entreprise
automobile : Citroën de 1929 à 1939, soutenu en 1977 à l'Université de Paris 10 Nanterre, et dans sa
thèse de doctorat de troisième cycle, soutenue en 1980 à Nanterre et portant sur l'évolution globale
de la firme.
5. Sylvie Schweitzer a consacré son livre Des engrenages à la chaîne. Les usines Citroën, 1915-
1935, Presses Universitaires de Lyon, 1982, à la modernisation des processus de production. 454 HISTOIRE ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ
II convient de s'interroger sur les structures financières de Citroën, et estimer
leurs insuffisances. Pourtant, même en acceptant de telles faiblesses, on pourrait
imaginer des aides extérieures permettant à l'entreprise de trouver l'argent nécessaire
à ses investissements ou à son exploitation, et les conseils de gestion susceptibles de
soigner les carences des administrateurs. Le rôle des banques devrait ainsi apparaître,
dans toute son ampleur dans la mobilisation de l'argent et des idées. L'élasticité du
marché bancaire devrait être appréciée dans sa réponse aux appels- de la grande entre
prise en croissance pour juger de la capacité des banques à s'adapter à ses besoins,
à innover elles aussi en mettant au point de nouvelles méthodes, de nouveaux pro
duits financiers. L'étude de la modernisation de l'économie tertiaire est tout aussi
stimulante que celle des bonds de l'industrie, même si elle se mesure mal quantitat
ivement (6). La crise de Citroën est donc un défi aux banques. L'Entre-deux-guerres
a-t-il ouvert la voie à la puissance bancaire si vantée et décriée à la fois aujourd'hui,
alors que la société aux abois cherchait des sauveurs et des tuteurs riches et inventifs ?
Les quatre dernières années de la gestion Citroën sont loin d'un calvaire conduisant
à l'effondrement final. La chute de la Maison Citroën n'empêche pas l'ultime éclat
de sa splendeur. Dégagé de la tutelle bancaire en 1 930, l'entrepreneur barre à sa guise
un vaisseau qu'épargnent apparemment les tempêtes financières en 1931-33, et qui est
même entièrement recaréné en 1933-34. Les banques croisent au large, utiles, mais
non nécessaires. Quand le navire prend l'eau en 1934, c'est avec réticence que les
banques jouent les remorqueurs, en attendant le renflouement qu'elles refusent d'a
ssumer. Malgré les instances de la Banque de France et du Gouvernement, les banques
ont-elles manqué du courage alors requis, ou bien l'affaire Citroën révèle-t-elle les
contraintes financières qui brident l'activité des banques au cœur de la dépression ?
CITROEN : LA PROSPÉRITÉ. 1930-1933
Jusqu'en 1933, Citroën avait pu autofinancer ses programmes d'investissement ;
trois vagues s'étaient succédé, en 1919 pour la reconversion, en 1922-23 pour l'e
xtension, en 1924-26 pour la modernisation et la diversification. Les bénéfices avaient
été le fruit autant des gains de productivité dûs aux investissements que des talents
techniques et commerciaux de Citroën. Ils avaient couvert les frais d'équipement,
sans que le capital ait été augmenté. Pourtant l'entreprise avait trébuché sur le fina
ncement du fonds de roulement, lorsqu'il s'agissait de faire face aux besoins des stocks-
tampons nécessaires au fonctionnement régulier des chaînes de production, à ceux
des réserves de matières premières et matériels requis par la nouvelle dimension des
fabrications, et aux fluctuations de ventes désormais massives pour l'époque, en parti
culier pendant la morte saison hivernale. Aussi avait-elle dû solliciter les banques.
La Banque de l'Union Parisienne — la BUP — (7) et la banque Morgan surtout, des
petites-moyennes banques comme la Banque du Rhin, et même la Banque de France,
avaient escompté les effets commerciaux de la maison Citroën. Celle-ci en émettait
sur ses agents en attente du paiement des commandes, soit sur sa filiale financière,
6. La problématique générale concernant cette réflexion a été définie dans notre article : « Les
banques françaises de la seconde industrialisation », paru dans la Revue historique n° 543, juillet-
septembre 1982,pp.205 à 224.
7. Nous avons consulté les archives de la BUP, conservées par le Crédit du Nord, que nous remer
cions d'en avoir autorisé la lecture. Des dossiers concernent Citroën, cliente de la banque, et fournis
sent la base de cette étude. LES BANQUES ONT-ELLES SAUVÉ CITROEN ? 455
la Sadif, jusqu'au paiement des acheteurs à crédit, puisque la Sadif couvrait de telles
ventes, soit en représentation d'un stock de voitures encore invendues, car la Sadif
achetait le surplus de production à Citroën et faisait du stock un gage dans le cadre
d'une opération de warrantage : les banques escomptaient le papier de la Sadif avec
la garantie mobilière des voitures en cas de défaillance. Les sous-traitants de Citroën
apportaient enfin un large crédit-fournisseurs, qu'ils entretenaient pour conserver
leur débouché et parce que les remboursements s'effectuaient finalement.
Le manque de fonds propres s'était révélé avec acuité en 1926-27, et la banque
Lazard avait réussi à étayer la base financière de Citroën en favorisant une augment
ation du capital de 50 à 400 millions de francs, une émission de 150 millions d'obli
gations et en fournissant quelque 160 millions de crédits. Le divorce entre la banque
d'affa

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