Les conditions économiques d une presse libre - article ; n°1 ; vol.90, pg 19-32
15 pages
Français

Les conditions économiques d'une presse libre - article ; n°1 ; vol.90, pg 19-32

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
15 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

Communication et langages - Année 1991 - Volume 90 - Numéro 1 - Pages 19-32
Ancien président de l'Agence France Presse, professeur associé à l'université de Paris II, Henri Pigeât conjugue aussi bien le savoir-faire du praticien. que le faire-savoir du théoricien. Son exposé introductif au Congrès de la presse française, à Montpellier, a marqué la profession par sa courageuse lucidité.
14 pages

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Henri Pigeat
Les conditions économiques d'une presse libre
In: Communication et langages. N°90, 4ème trimestre 1991. pp. 19-32.
Résumé
Ancien président de l'Agence France Presse, professeur associé à l'université de Paris II, Henri Pigeât conjugue aussi bien le
savoir-faire du praticien. que le faire-savoir du théoricien. Son exposé introductif au Congrès de la presse française, à
Montpellier, a marqué la profession par sa courageuse lucidité.
Citer ce document / Cite this document :
Pigeat Henri. Les conditions économiques d'une presse libre. In: Communication et langages. N°90, 4ème trimestre 1991. pp.
19-32.
doi : 10.3406/colan.1991.2331
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_1991_num_90_1_2331LES CONDITIONS ECONOMIQUES
D'UNE PRESSE LIBRE
par Henri Pigeât
Ancien président de l'Agence France Presse, professeur associé à l'un
iversité de Paris II, Henri Pigeât conjugue aussi bien le savoir-faire du
praticien. que le faire-savoir du théoricien. Son exposé introductif au
Congrès de la presse française, à Montpellier, a marqué la profession par
sa courageuse lucidité.
Les difficultés de la conjoncture présente soulignent les facteurs
profonds et permanents de ce qu'il faut bien appeler une crise de la
presse.
LES SYMPTÔMES ABONDENT
Le nombre de titres de quotidiens en 1 991 est de l'ordre du tiers de ce
qu'il était en 1946 ; 76 pour 203. La diffusion de ces mêmes quoti
diens s'est réduite également du tiers : 10 millions pour 15 millions
d'exemplaires par jour, alors que l'Allemagne affiche 20 et
l'Angleterre 30 millions.
Nos taux de lecture sont nettement inférieurs à ceux de nos voisins.
Occupant le vingt-septième rang dans le monde en taux de lecture
avec 193 exemplaires de quotidiens pour 1 000 habitants1, la France
arrive derrière la Suède (534), la Suisse (500), le Royaume-Uni (421),
l'Allemagne (344), les Pays-Bas (312), la Belgique (221 ) sans évoquer
les États-Unis (259) ni le Japon (566).
TOUTES LES FORMES DE PRESSE SONT TOUCHÉES
La presse nationale ou parisienne est celle qui subit le plus sévèrement
la régression en nombre de titres, en diffusion et en taux de
pénétration. La presse quotidienne régionale (PQR) et la presse
départementale, môme si elles on perdu du terrain depuis
quarante ans, gardent un marché, mais leur tirage tend à stagner et
1. Unesco 1990. Mass Média
leurs marges fondent. Malgré d'énormes. investissements, aucune
forme de presse quotidienne n'a achevé sa modernisation technique
pas plus qu'elle n'en a tiré toutes les conséquences rédactionnelles et
sociales.
La presse hebdomadaire locale d'information générale subit fortement
la concurrence des radios et des gratuits. La taille souvent limitée de
ses entreprises lui pose des problèmes de financement, de
modernisation et de direction.
La presse spécialisée, grand public et professionnelle, par le nombre
des titres et par ses chiffres de diffusion, présente une image d'ex
pansion. Mais elle doit faire face à des coûts de lancement élevés, à
des difficultés de distribution et à des charges nouvelles d'investisse
ment. Sa réalité est, en fait, celle de situations très contrastées avec
des marges souvent peu assurées et des cas de grande fragilité. En
bref, ce n'est pas parce qu'il existe beaucoup de titres que tous
peuvent vivre.
La presse périodique d'information générale subit directement la
concurrence de la télévision autant pour son contenu que pour ses
ressources publicitaires. Elle affronte, d'autre part, de difficiles pro
blèmes de commercialisation et de tarification et il n'est pas certain
que le marché de la publicité, sinon du lectorat puisse supporter tous
les titres existant aujourd'hui. En fait, dans tous les secteurs, le
marché de la presse est devenu plus concurrentiel, plus aléatoire et
plus sévère.
D'une façon générale enfin, le poids de la presse française dans
l'économie est inférieur à celui observé dans les pays voisins avec un
chiffre d'affaires total en France de l'ordre de 50 milliards de francs
alors qu'il est de 60 milliards pour le Royaume-Uni et de 70 milliards
pour l'Allemagne.
Plusieurs de ces pays gardent une presse populaire à fort tirage, alors
o que la France a perdu la sienne pourtant très puissante naguère. Les
^ mêmes pays ont su créer récemment de nouveaux titres de quoti-
§j diens de qualité avec beaucoup plus de réussite que nous.
§j Pourtant, situation troublante, notre système de réglementation et
.§ d'aide est un des plus sophistiqués d'Europe. Situation plus trou-
q5 blante encore, ce sont, chez nous, les secteurs les moins réglementés
.o qui résistent le mieux, magazines et presse spécialisée notamment.
•| Aussi ne peut-on éluder la question des liens entre la nature même de
| notre système d'organisation et de réglementation de la presse et les
S résultats économiques de celle-ci. Le monument de 1944 souvent
o ravalé mais jamais remis en cause ni dans son architecture générale, conditions économiques d'une presse libre 21 Les
ni surtout dans ses principes d'inspiration dirigiste ne peut pas être
sans responsabilité dans les déboires actuels. Notre système de
presse ne souffre-t-il pas d'une carence d'esprit et de mécanisme de
marché ?
La première des conditions économiques d'une presse libre est ainsi
d'identifier dans les causes structurelles de la crise celles qui tiennent
au système lui-même. Les autres conditions seront d'accepter les
réalités du marché, de respecter les disciplines de l'entreprise et
d'assurer un cadre réglementaire qui favorise les causes plutôt que
de soigner les effets.
DE RÉELLES CAUSES EXTERNES
La concurrence des médias audiovisuels a été lourde pour le lectorat
et pour les ressources de publicité. La part de la publicité dans les
recettes du journal ne représente en moyenne en France que 40 % de
ses recettes pour 65 % en Angleterre ou en Allemagne. Sur l'ensem
ble du marché publicitaire, la presse écrite a perdu un tiers de ses
parts depuis vingt ans (56 % au lieu de 76 %). Même si en valeur
absolue, les chiffres ont progressé, le poids de l'écrit s'est fortement
réduit par rapport aux autres médias et le « gâteau » publicitaire ne
progresse plus au même rythme.
L'urbanisation et les nouveaux modes de vie et de loisirs ont perturbé
les habitudes de lecture et compliqué les systèmes de distribution, au
détriment des quotidiens notamment.
L'allongement de la scolarité n'a pas compensé un net recul du goût
et de la capacité à maîtriser l'écrit. Certains diront même que les
contenus et certaines formes de l'éducation actuelle ont contribué à
cette désaffection.
Ces causes externes des difficultés sont réelles mais elles n'expl
iquent pas tout.
DES FAIBLESSES ÉTRANGEMENT ANALOGUES
À CELLES DES ORGANISATIONS PUBLIQUES
Notre société a profondément changé depuis quarante ans, mais
dans la presse un certain nombre de structures anciennes demeur
ent.
Certaines corporations ont tendance à se considérer comme une fin
en soi au détriment des attentes du lecteur, de la qualité du produit et
de la maîtrise des coûts.
Plus grave, une sorte d'esprit d'institution publique s'est installé,
conduisant à penser que les lois économiques ne s'appliquent pas à
la presse. Mass Média
UN « QUASI-SERVICE PUBLIC »
En 1944, la mission assignée par le législateur aux journaux n'était
pas de gagner de l'argent, mais d'assurer la formation des citoyens et
l'expression des opinions.
Les éléments de ce quasi-service public, multipolaire et décentralisé,
avaient pour nom SNEP, SPPP, AFP, HAVAS, NMPP2, mais aussi
syndicat du Livre. L'ensemble était protégé par l'interdiction de la
publicité à la télévision jusqu'en 1 967 et verrouillé par une politique de
prix administrés.
CONFUSION ENTRE FINALITÉS ET MOYENS
La production de l'information relève de processus techniques, finan
ciers et humains qui ne sont pas différents de ceux observés

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents