Les déplacements de la population vers la Bretagne en 1939-1940 (Travaux du Laboratoire de Géographie n° 14) - article ; n°1 ; vol.55, pg 129-155
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Les déplacements de la population vers la Bretagne en 1939-1940 (Travaux du Laboratoire de Géographie n° 14) - article ; n°1 ; vol.55, pg 129-155

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Annales de Bretagne - Année 1948 - Volume 55 - Numéro 1 - Pages 129-155
27 pages

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Publié le 01 janvier 1948
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

André Meynier
Les déplacements de la population vers la Bretagne en 1939-
1940 (Travaux du Laboratoire de Géographie n° 14)
In: Annales de Bretagne. Tome 55, numéro 1, 1948. pp. 129-155.
Citer ce document / Cite this document :
Meynier André. Les déplacements de la population vers la Bretagne en 1939-1940 (Travaux du Laboratoire de Géographie n°
14). In: Annales de Bretagne. Tome 55, numéro 1, 1948. pp. 129-155.
doi : 10.3406/abpo.1948.1861
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391X_1948_num_55_1_1861André MEYNIER
LES DÉPLACEMENTS
DE LA POPULATION
VERS LA BRETAGNE EN 1939-1940
(Travaux du Laboratoire de Géographie n° 14)
DEUXIÈME PARTIE
900.000 RÉFUGIÉS DANS L'OUEST (MAI-JUIN 1940).
Le mouvement qui jeta hors de leurs foyers plus de six millions
de Français, s'est déroulé, avec autant de rapidité que de comp
lexité, du 10 mai au 24 juin. Il a posé un nombre inattendu de
problèmes qu'il a fallu résoudre dans le minimum de temps.
Mais, si rapide qu'il ait été, il a été encore dépassé par le rythme
foudroyant des opérations militaires. Les Allemands occupaient
déjà Brest depuis six jours, que les routes s'encombraient encore
de fugitifs en marche vers l'ouest. Même après la signature de
l'armistice, des réfugiés pénétraient encore en Bretagne jusqu'au
8 juillet.
Cet exode a pris une telle ampleur, que, même réduit aux pro
portions d'une province, il nous paraît impossible de l'étudier
suivant un ordre chronologique absolu. Ses divers aspects
s'entremêlent de telle sorte, que, seul, un plan analytique peut
permettre de les saisir. Mais le lecteur ne perdra pas de vue que
les faits étudiés dans chacun des chapitres, départs, trajets,
accueils, installations, se sont, en réalité, déroulés simultanément.
L DÉPARTS
Pendant les premières heures, peut-être même pendant les
premiers jours de l'offensive allemande, le plan de repliement
put fonctionner. Les régions métallurgiques de Lorraine (Longwy) 130 LES DÉPLACEMENTS DE LA POPULATION
et des Ardennes (Charleville, Givet), les cantons les plus voisins
de la frontière, furent évacués normalement, et reconstitués en
partie dans d'autres régions françaises. Dès le 13 mai, la situation
s'aggrave et le plan de départ devient caduc, cependant qu'un
inconcevable désordre gagne les routes à plusieurs centaines de
kilomètres en arrière des lignes.
Les causes de ce désordre doivent être cherchées dans l'afflux
inattendu de Belges, de Hollandais, de Luxembourgeois; dans
la rapidité non moins inattendue de l'avance allemande; et
la direction est-ouest prise, par les éléments motorisés allemands,
qui, ainsi, coupent rapidement le nord de la France du reste du
territoire. Il fut alors évident que le gouvernement devenait
incapable d'adapter à des événements précipités un plan dressé
pour une cadence plus lente. Il essaie de ralentir ou même
d'empêcher les départs, de rassurer les populations sur l'avance
ennemie qui doit fatalement s'arrêter. Au moins voudrait-il les
retarder suffisamment pour laisser au flot belge le temps de s'écoul
er sur des routes et des voies ferrées encombrées d'autre part par
le flot montant des troupes et des munitions. Enfin il essaya
de limiter les ordres d'évacuation aux régions où devait se déroul
er une bataille, négligeant d'en donner là où, selon les probabil
ités, il n'y aurait qu'invasion sans bataille.
Ses conseils ne furent pas suivis, et ceci pour plusieurs raisons :
ils furent parfois contredits par de mystérieux ordres d'éva
cuation arrivés par téléphone dans les mairies ou les commiss
ariats, et qui venaient, soit de gens affolés sans mandat, soit,
peut-être d'une organisation ennemie chargée de désorganiser
le trafic routier;
ils furent gênés par des fausses nouvelles décrivant de façon
exagérée l'avance ennemie et donnant aux habitants l'impression
qu'il était grand temps de fuir;
trop souvent les autorités chargées de diriger une évacuat
ion normale, maires, gendarmes, commissaires ou agents de
police partirent les premiers, laissant la population sans direc
tives. A Amiens, le préfet et les chefs d'ilôt s'en allèrent le 17 mai,
précédant de 2 jours la fuite de la population; LES DÉPLACEMENTS DE LA POPULATION 131
— dans un grand nombre de cas, l'ordre d'évacuation fut
donné trop tard, et les femmes et les enfants durent partir dans
la bataille, sous les bombes, et subirent des pertes. Ces faits
furent vite connus et entretinrent dans les autres régions une
atmosphère de fuite;
— lorsque les autorités françaises gardèrent leur calme, elles
essayèrent de tromper l'opinion par des nouvelles faussement
rassurantes, ou en empêchant la publication de nouvelles vraies,
ce qui eut un résultat diamétralement opposé au résultat cherché;
— ■ enfin de nombreuses informations de presse, c'est-à-dire
presque officielles étant donné le fonctionnement de la censure,
décrivaient les horreurs et les difficultés du voyage, prétendaient
que le Gouvernement avait capté un message radiotélégraphique
adressé par l'état-major allemand à ses aviateurs : « De nom
breux réfugiés se trouvent sur les routes; les harceler », donnant
ainsi à chacun le désir de partir au plus tôt loin de ces régions
où l'on pouvait ainsi être « harcelé ».
En somme, dès le 14 ou le 15 mai, la crainte commença un peu
partout à se répandre d'être contraint de partir trop tard. Per
sonne, à ce moment, n'envisage la possibilité de rester. C'est là
le fait psychologique essentiel, qui n'avait pas joué en 1870»
et fort peu en 1914. On peut l'attribuer aux souvenirs de la guerre
de 1914-1918 :
1° Le caractère de front continu à bataille simultanée que
n'avait jamais eu aucune guerre avant 1914, que n'eurent en
1940 ni les opérations de Pologne, ni celles de Norvège, apparaiss
ait cependant comme devant inéluctablement se répéter sur le
front français. L'organisation défensive du pays, la construction
de la ligne Maginot et de ses prolongements, avaient entretenu
cette idée tenace, que partout où arriverait l'ennemi, son arrivée
serait précédée de batailles et de destructions qui rendraient la
vie impossible;
2° Les souvenirs des années d'occupation étaient restés vivaces
dans toutes nos provinces du Nord. Sans même parler des cas
extrêmes (exécutions, déportations), l'on gardait le souvenir de
disette, de misère, de sommeil économique total. Il était naturel 132 LES DÉPLACEMENTS DE LA POPULATION
que l'on veuille soustraire ses enfants à un tel cauchemar qui,
l'autre fois, s'était prolongé pendant quatre ans.
A cela s'ajoutait, pour les hommes mobilisables (réformes
temporaires ou soumis à une nouvelle visite, affectés spéciaux
nombreux dans les usines et les mines), le double désir de rester
en pays libre pour répondre aux besoins du pays en soldats
et en travailleurs et d'éviter l'internement en Allemagne, infligé
dès l'entrée des troupes allemandes aux hommes de ces caté
gories. En gagnant l'intérieur du pays, ils essayaient, autant que
possible, d'amener leur famille avec eux.
Enfin, les attaques aériennes sur les villes situées en arrière
du front provoquaient un autre mouvement de départ, pour fuir,
non plus dans ce cas, l'arrivée immédiate des Allemands, mais
les bombardements et les nuits d'alerte.
Ainsi tout le réseau de communications entre la Seine et la
Belgique se trouva simultanément encombré de gens de catégories
fort différentes : des évacués par ordre, des évacués sur conseil,
des évacués volontaires, les uns voyageant gratuitement comme
ils pouvaient, d'autres transportés à leurs frais dans des autos,
des camions ou des trains du service normal. Il est cependant
possible, dans la plupart des villes, de fixer une date de tension
maxima, où les départs se multiplient au point d'affecter une
part considérable de la population. En reportant cette date sur
la carte ci-joi

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