Les dessins satiriques dans le périodique arménien Gavroche (1908-1920) - article ; n°1 ; vol.77, pg 123-143
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Revue du monde musulman et de la Méditerranée - Année 1995 - Volume 77 - Numéro 1 - Pages 123-143
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 216
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Anahide Ter-Minassian
Les dessins satiriques dans le périodique arménien Gavroche
(1908-1920)
In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée, N°77-78, 1995. pp. 123-143.
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Ter-Minassian Anahide. Les dessins satiriques dans le périodique arménien Gavroche (1908-1920). In: Revue du monde
musulman et de la Méditerranée, N°77-78, 1995. pp. 123-143.
doi : 10.3406/remmm.1995.1716
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0997-1327_1995_num_77_1_1716Ter-Minassian Anahide
Les dessins satiriques
dans le périodique arménien Gavroche
(1908-1920)
« L'homme mord avec Baudelaire le rire »
La presse satirique suppose une certaine liberté de la presse, l'existence de des
sinateurs de presse et de journalistes qui dissèquent et commentent l'événement
et les mœurs.
Elle suppose aussi l'existence d'un public, ou plutôt d'une "opinion publique"
que la presse contribue à former ou à flatter, car le journaliste satirique ou le des
sinateur de presse dit ou représente ce que chacun pense souvent mais n'ose dire
tout haut.
La presse satirique n'est pas un genre mineur relevant de la seule catégorie des
divertissements bien que certains journaux satiriques puissent devenir l'exutoire
d'histoires scatologiques. Le développement de la presse satirique correspond aux
périodes de libération d'un régime politique autoritaire et de l'évolution démoc
ratique d'une société qui donne libre cours à ses expressions critiques. On peut
même affirmer que la présence ou l'absence de la presse satirique constituent autant
REMMM 77-78, 1995/3-4 124 1 Anahide Ter-Minassian
de repères pour juger du degré de liberté ou de démocratisation d'une société.
Ainsi, entre 1880 et 1914, au moment de la consolidation et du triomphe de la
Troisième République, plus de 250 journaux satiriques ont été publiés en France1.
Ce chiffre est à méditer car la presse satirique française - en particulier Le rire,
le Charivari, L'Assiette au beurre - a constitué avec la presse anglaise le modèle
de la presse satirique ottomane.
Dans la diversité ethnique, linguistique et religieuse de l'Empire ottoman, la
presse satirique arménienne renvoie au double contexte impérial et communa
utaire. Publiée à Constantinople, cette presse révèle les préoccupations religieuses,
politiques et morales de la société arménienne de la capitale ottomane.
On peut distinguer trois étapes dans l'histoire de la presse satirique arménienne
de l'Empire ottoman :
1 . La première étape a été celle des Tanzimat. Elle a vu l'éclosion d'une litt
érature, d'une presse et d'un théâtre satiriques arméniens de 1852 à 1876. La lia
ison entre la satirique et le théâtre est très forte.
Quatre figures dominent cette période : celles des écrivains Haroutioun Svad-
jian, Hovsep Vartanian et Hagop Baronian, et celle du dessinateur, Haroutioun
Hékimian.
Déjà, en 1857, Haroutioun Svadjian attribuait à la presse satirique une fonc
tion civilisatrice :
« Les nations les plus éclairées et les plus civilisées ont des journaux où l'on se moque
des manquements aux règles tant de la part du peuple que du gouvernement.
C'est avec raison que ces nations restent persuadées qu'une seule page de l'un de
ces journaux a plus d'influence et de conséquences que tout un volume de morale
rédigé par un philosophe2. »
Hovsep Vartanian (1815-1879)3, connu sous le nom de Vartan Pacha, fait usage
de la langue turque, mais écrit et publie ses œuvres en caractères arméniens.
Hagop Baronian (1843-1892)4, déploie une activité prodigieuse. Tout à la fois
journaliste, enseignant, éditeur, auteur de pièces de théâtre, il fustige dans des
charges comique les mœurs et la mentalité de ses contemporains. La postérité
l'a qualifié de "Molière arménien".
On trouve les dessins de Haratioun Hékimian, un graphiste au style incisif,
aussi bien dans la presse arménienne que dans la presse turque. Les idiomes des
légendes (arménien, turc, français), leurs graphies (caractères arméniens, arabes,
latins) révèlent la diglossie arméno-turque et ses implications culturelles.
2. De juillet 1908, date de la Révolution jeune-turque, jusqu'à l'automne
1914 date à laquelle l'Empire ottoman entre en guerre, la presse satirique armé
nienne connaît une période faste.
Après plus de 30 ans de régime hamidien, c'est la fin du "zulum" (régime autor
itaire). La restauration de la Constitution de 1876 - suspendue depuis 1878 -,
la proclamation des principes de liberté, d'égalité, de justice, la suppression de
la censure, créent les conditions favorables au développement de la presse otto- Les dessins satiriques dans le périodique arménien Gavroche (1908-1920) 1 125
mane. On assiste à la floraison de journaux turcs, arabes, grecs, bulgares, armé
niens etc. et parmi eux à la floraison d'une presse satirique.
Un premier inventaire nous a permis de repérer dix-huit feuilles ou journaux
humoristiques arméniens, tous publiés à Constantinople. C'est peu comparé
aux 239 nouveaux périodiques arméniens publiés dans l'Empire ottoman entre
1908 et 1914. C'est beaucoup comparé à la presse satirique turque publiée dans
la même période : environ une cinquantaine de titres.
Nom du journal DATE Directeurs, rédacteur
1908 Vahan Papazian Zig-Zag
Tsaghik (Fleur) 1908-1909 Krikor Torossian
et Yervant Tolayan
Gavroche 1908-1914
Okkabaz 1908 Aram Andonian
Frou-Frou succède à Zig-Zag 1908-1909 Vahan Papazian
Lila 1909
Kharazan (Chaudron) 1909 Aram Andonian, Yervant
Karafrad 1909-1910 Odian, Krikor Torossian
Kiko paraît aussi sous les titres 1909-1914 Aram Andonian,
de Kohak, Zourna, Kindo, Hugo Yervant Odian
Hi-hi-hi 1910 Krikor Torossian
Koukouk 1911 Torossian,
A. Kaïsserian, Kéchichian
Sev gadou (Chat noir) 1912-1913 Krikor Torossian
Kodak (Blague) 1913 Yervant Odian, Kalfayan
1913 Yervant Toloyan Hos-Hos (Ici, ici)
Mananah 1913-1914 Odian Sadana (Satan)
Mimos 1914 V. Kurkdiian
La liberté de la presse a été proclamée en juillet 1908, mais la censure a été
rétablie assez rapidement à la suite des graves épreuves intérieures et extérieures
traversées par l'Empire ottoman. Rappelons que l'état de siège est instauré à
Constantinople après la crise de mars-avril 1909 qui entraîne la destitution et
l'exil d'Abd-ul-Hamid II et que le coup d'État, qui porte au pouvoir le triumv
irat Enver-Talaat-Djemal, en janvier 1913, met, de fait, un terme aux libertés.
Des journaux sont suspendus ou interdits. Certains disparaissent définitivement
tandis que d'autres réapparaissent sous des noms différents. C'est le cas de Kiko.
Unique exemple de pérennité avec Gavroche, Kiko qui a été fondé en 1 909 par
Krikor Torossian dure jusqu'en 1914, mais non sans avoir connu plusieurs
éclipses suivies de réapparitions sous les noms de Kohak, Zourna, Kindo, Hugo.
Il faut, enfin, rappeler que la presse satirique connaît comme l'ensemble de
la presse arménienne des difficultés matérielles (précarité financière, étroitesse du
lectorat) qui obligent les journaux à se saborder. 126 1 Anahide Ter-Minassian
3. Disparue — ou presque totalement disparue — durant la Première Guerre mond
iale, la presse satirique arménienne connaît un bref renouveau à Constantinople,
après la victoire des Alliés. De novembre 1918 à octobre 1923, malgré les terribles
épreuves subies par leur peuple, journalistes et dessinateurs arméniens s'efforcent de
rire et de faire rire en ces dernières et tragiques années de l'Empire ottoman.
A côté de Gavroche, quelques journaux éphémères comme Kbélok Tavit (David
le Sage), 1918-1919, abordent prudemment les problèmes de société de l'immédiat
après-guerre.
Par sa pérennité, Gavroche, constitue une exception dans la presse satirique armé
nienne. Cela suffit à le désigner à l'attention du chercheur. En effet, Gavroche a
été publié, avec quelques interruptions, de 1908 à 1925 à Constantinople (puis
Istanbul)5, et de décembre 1926 à août 1935 à Paris.
Gavroche, paraît pour la premi&

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