Les deux condamnations de Jean Sans-Terre par la cour de Philippe-Auguste et l origine des pairs de France. - article ; n°1 ; vol.60, pg 45-85
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Les deux condamnations de Jean Sans-Terre par la cour de Philippe-Auguste et l'origine des pairs de France. - article ; n°1 ; vol.60, pg 45-85

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Description

Bibliothèque de l'école des chartes - Année 1899 - Volume 60 - Numéro 1 - Pages 45-85
41 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1899
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Paul Guilhiermoz
Les deux condamnations de Jean Sans-Terre par la cour de
Philippe-Auguste et l'origine des pairs de France.
In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1899, tome 60. pp. 45-85.
Citer ce document / Cite this document :
Guilhiermoz Paul. Les deux condamnations de Jean Sans-Terre par la cour de Philippe-Auguste et l'origine des pairs de
France. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1899, tome 60. pp. 45-85.
doi : 10.3406/bec.1899.452515
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1899_num_60_1_452515LES DEUX CONDAMNATIONS
DE
JEAN SANS-TERRE
PAR LA COUR DE PHILIPPE-AUGUSTE
ET
L'ORIGINE DES PAIRS DE FRANGE
I.
Il y a quelques années, M. Bémont a soutenu1 que, contraire
ment à l'opinion commune, Jean Sans-Terre n'avait jamais été
condamné par la cour du roi de France pour le meurtre de son
neveu Arthur, duc de Bretagne, et les conclusions de ce très
intéressant travail paraissent avoir été universellement acceptées
sans soulever la moindre protestation2. Cependant, quelque
science et quelque ingéniosité que l'auteur ait déployées pour les
1. Dans une thèse latine de doctorat (De Johanne, cognomine Sine Terra,
Angliae rege, Lutetiae Parisiorum anno 1202 condemnato), qui a été ensuite
reproduite en français dans la Revue historique, XXXII (septembre-décembre
1886), p. 33 et 290 {De la condamnation de Jean Sans-Terre par la cour des
pairs en 1202).
2. Ch.-V. Langlois, les Origines du parlement de Paris, dans la Revue his
torique, XLII (janvier-avril 1890), p. 84-85. — Beautemps-Beaupré, Coutumes
et institutions de l'Anjou et du Maine, 2e partie, I, p. 317, note 1. — Luchaire,
Manuel des institutions françaises, période des Capétiens directs, p. 561. —
F. Lot, Quelques mots sur l'origine des pairs de France, dans la Revue histo
rique, LIV (janvier-avril 1894), p. 40-41. — Petit-Dutaillis, Étude sur la vie et
le règne de Louis VIII, p. 77-81. — F. Funck-Brentano, les Pairs de France
à la fin du XIIIe siècle, dans les Études d'histoire du moyen âge dédiées à
Gabriel Monod, p. 354, note 2. — Etc. Лв LES DEUX CONDAMNATIONS
justifier, nous croyons qu'on aurait peine à trouver une néga
tion plus hardie opposée à des témoignages plus formidables.
M. Bémont, il est vrai, n'est pas le premier qui ait eu sem
blable audace. Un érudit du début de ce siècle, Bernardi, s'était
avisé d'émettre des doutes à la fois sur la réalité du meurtre
d'Arthur et sur celle de la condamnation de Jean pour ce crime1.
Mais il n'avait pas eu le même succès qu'a eu depuis M. Bémont.
Pardessus, notamment, lui avait opposé une fin de non-recevoir
absolue, en disant : « Le fait de la condamnation est incontes
table. Jean Sans-Terre, dans ses réclamations devant le pape,
ne niait pas qu'il eût été condamné ; il soutenait que c'était injus
tement. Ce jugement a été exécuté par la confiscation effectuée
des fiefs que le roi d'Angleterre possédait en France. Le fait de
cette exécution, prouvé par l'histoire contemporaine et par tous
les actes de propriété qu'exercèrent Philippe-Auguste et son fils
Louis VIII dans les domaines confisqués, l'est surabondamment
par l'inféodation que saint Louis fit, en 1259, à Henri III, d'une
partie de ces mêmes domaines. Saint Louis... ne les restituait
puisqu' alors il aurait dû restipas comme indûment confisqués,
tuer aussi la Normandie, le Maine et d'autres provinces dont la
confiscation aurait été entachée du même vice ; au contraire, il
les inféodait à Henri III, et même à des conditions différentes des
anciennes... Joinville... met expressément dans la bouche de
saint Louis la déclaration qu'il savait bien que le roi d'Angle
terre avait justement perdu les terres qu'il tenait2. »
M. Bémont a cru pouvoir renverser cette argumentation en
soutenant que les fiefs français du roi d'Angleterre avaient été
confisqués, non pas en vertu d'un arrêt rendu à la suite du
meurtre d'Arthur, mais en vertu d'un arrêt rendu en 1202, à
la suite d'une plainte émanée du comte de la Marche et de son
frère le comte d'Eu.
A cela nous voyons tout d'abord une objection péremptoire :
c'est que la Normandie, le plus important des fiefs confisqués,
était restée justement hors de cause dans l'affaire de 1202.
1. Mémoire sur l'origine de la pairie en France et en Angleterre, dans les
Mémoires de V institut, Académie des inscriptions, X, p. 640.
2. De la juridiction exercée par la cour féodale du roi sur les grands vas-
saux, dans la Blbl. de l'École des chartes, 2e série, IV (1847-1848), p. 303 ;
Mémoire sur l'organisation judiciaire et l'administration de la justice en
France, préface du t. XXI des Ordonnances des rois de France, p. xxxn. DE JEAN SANS-TERRE. 47
En effet, le chroniqueur anglais Raoul de Coggeshall1 et l'hi
storiographe de Philippe- Auguste, Rigord2, ont bien soin, de nous
dire qu'à la suite de la plainte des comtes de la Marche et d'Eu
Jean ne fut ajourné à la cour du roi de France qu'en qualité de
comte de Poitiers, duc d'Aquitaine3, et de comte d'Anjou. Et le pre
mier de ces auteurs nous donne la raison de ce fait : c'est que le
duc de Normandie prétendait avoir le privilège de n'être point
tenu de venir à Paris pour obéir à aucune convocation du roi , mais
de pouvoir être seulement appelé à une entrevue sur les fron
tières de son duché et du domaine royal. Ce soi-disant privilège
fut invoqué par Jean pour se dispenser d'obéir à l'ajournement
qu'il n'avait reçu cependant qu'en qualité de comte de Poitiers et
d'Anjou, mais Philippe- Auguste répondit qu'il ne pouvait pas
être privé de son droit en ce qui concernait le Poitou sous pré
texte que ce comté se trouvait appartenir à un duc de Normand
ie4. Dans la discussion qu'Innocent III eut, en 1216, avec des
1. « Cum rex Anglie nullatenus mandatis aut precibus régis Francie adquie-
scere vôluisset, summonitus est per proceres regni Francorum quasi comes
Áquitanie et Andegavie quatinus ad curiara domini sui régis Francie veniret et
judicium curie sue subiret, domino suo de illatis injuriis responsurus et juri
quod pares sui decernebant pariturus » (Chronicon anglicanum, éd. Steven
son, p. 135-136).
2. « Rex Francorum Johannem, regem Anglie, submonuit sicut hominem
suum ligium quod pro comitatu Pictavensi et Andegavensi et pro ducatu
Aquitanie, .xv. diebus ab Pascha instanti revolutis, Parisius veniret, super his
que rex Francorum adversus eum proponeret sufficienter responsurus » (§ 138,
dans Delaborde, Œuvres de Rigord et de Guillaume le Breton, I, p. 151).
3. On sait que ce second titre, plus pompeux, n'était qu'un corollaire de celui
de comte de Poitiers : « Willelmus vero, cognomento Caput Stupe, Arvernis,
Vallatis, Lemovice et Pictavis comes provectus (en 944), dux Aquitaniae exti-
tit » (Adémar de Chabannes, Chronique, III, 25, éd. Chavanon, p. 146). Dans
le traité que Philippe-Auguste conclut avec Arthur en 1202, c'est le titre de duc
d'Aquitaine, et non celui de comte de Poitiers, que prend Arthur, mais dans
le corps de l'acte il est question du « dominium Pictavie » et non du duché
d'Aquitaine (Teulet, Layettes du Trésor des chartes, l, p. 236, n° 647). — C'est
seulement à la suite du traité de Paris, en 1258-1259, que la qualité de duc
d'Aquitaine, reconnue de nouveau au roi d'Angleterre à raison tant des posses
sions qui lui étaient rendues que de celles qu'il avait réussi à conserver depuis
1202-1203, est devenue distincte de celle de comte de Poitiers (voy. le texte
du traité dans J. de Laborde, Layettes du Trésor des chartes, III, p. 411
et 488).
4. « Rex autem Anglie, respondens se ducem esse Normannorum, allegabat
se nequaquam debere ad ullum colloquium Parisius procedere, sed solummodo
inter utrosque fines, regni scilicet et ducatus, ad colloquium régis occurere,
quia sic antiquitus inter ducem et regem decreturn et scriptis authenticis con- 48 LES DEUX CONDAMNATIONS
ambassadeurs de Louis, fils de Philippe- Auguste, le pape, pour
soutenir la nullité de l'ajournement adressé à Jean après le
meurtre d'Arthur, fit allusion à ce même privilège, qu'il dit éta
bli soit par un traité soit par une ancienne coutume1.
Aussi,

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