Les fascismes : essai d histoire comparée - article ; n°1 ; vol.45, pg 3-13
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Description

Vingtième Siècle. Revue d'histoire - Année 1995 - Volume 45 - Numéro 1 - Pages 3-13
Fascisms: an attempt at comparative history, Robert O. Paxton.
To attempt to define fascism, one must go beyond similarities and the extreme variety of the forms of the movements and regimes which called themselves fascist. Adapted to twentieth century history, Marc Bloch's comparative history method makes it possible to define the function of fascism according to its development stages.
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 80
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Robert O. Paxton
Les fascismes : essai d'histoire comparée
In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°45, janvier-mars 1995. pp. 3-13.
Abstract
Fascisms: an attempt at comparative history, Robert O. Paxton.
To attempt to define fascism, one must go beyond similarities and the extreme variety of the forms of the movements and
regimes which called themselves fascist. Adapted to twentieth century history, Marc Bloch's comparative history method makes it
possible to define the function of fascism according to its development stages.
Citer ce document / Cite this document :
Paxton Robert O. Les fascismes : essai d'histoire comparée. In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°45, janvier-mars 1995.
pp. 3-13.
doi : 10.3406/xxs.1995.3378
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_1995_num_45_1_3378LES FASCISMES
ESSAI D'HISTOIRE COMPARÉE*
Robert O. Paxton
Comme tout grand essai de définition lui. Peu après les manifestations du 6 fé
et de synthèse, la «leçon» donnée par vrier 1934, il écrit à Lucien Febvre: «Je
Robert O. Paxton à la «Journée Marc suis profondément troublé par tout ce que
Bloch» (1994) cherche l'essentiel et je vois, entends, lis, devine». Et parmi les
répond à une interrogation du présent. choses qui le troublent, il cite «le fascisme
Foin des ressemblances entre les or de M. Frot ou du Colonel La Rocque
ipeaux des divers fascismes ! Foin de la (sic)»3. En août 1939, il arrive aux armées
similitude des verbes et des déclamat avec un livre sur Hitler, celui de Gre
ions! Pour rassembler les avatars et gor Strasser, parmi ses effets ; il s'est porté
les comprendre comme un tout, nous volontaire, a plus de 50 ans, pour sa
dit-il, seule la comparaison, par le deuxième guerre4. Surtout Marc Bloch est
temps et par l'espace, éclaire d'un jour mort luttant contre le fascisme. C'est en
nouveau la fonction et la logique du m'inspirant, sans doute imparfaitement,
fascisme. Dans sa durée et, finalement, de l'approche historienne du grand
dans son actualité. médiéviste que j'aborde ici le fascisme.
L'histoire, pour Marc Bloch, était
O LES ORIPEAUX DU FASCISME incompréhensible sans un va-et-
vient constant entre l'observation du À première vue, rien ne paraît plus
présent et la réflexion sur le passé 1. «Sans facile à saisir. Le fascisme se présente à
se pencher sur le présent», écrit-il, savam nous en images brutes : un chef, haran
ment provocateur, au début de son guant la foule en extase ; des jeunes, dis
ouvrage classique d'histoire contempor ciplinés et enthousiastes, marchant pour
aine, L'étrange défaite, «il est impossible la revue ; des militants, vêtus de chemises
de comprendre le passé.2» Plus directe noires ou brunes, rouant leurs victimes de
ment, Marc Bloch a observé avec coups ; le culte de l'énergie et de la pureté
angoisse la montée du fascisme autour de nationales, de l'héroïsme et de la guerre.
Pourtant, d'énormes difficultés surgissent
* Ce texte est issu d'un exposé prononcé dans le cadre de dès que l'on s'engage à définir le fascisme. la Conférence Marc Bloch le 13 juin 1994.
1. Voir la préface de Jacques Le Goff à Marc Bloch, Apologie
pour l'histoire ou métier d'historien, édition critique préparée Cambridge 3- Carole University Fink, Marc Press, Bloch: 1989, a life p. 181, in history, note 37. Cambridge, par Etienne Bloch, Paris, A. Colin, 1993, p. 9.
2. Marc Bloch, L'étrange défaite, Paris, Gallimard, 1993, p. 4. 4. Marc Bloch, L'étrange défaite, op. cit., p. 179. ROBERT O. PAXTON
Ses frontières sont floues. Faut-il y inclure Dans une préface de 1895 pour une nouv
elle édition des Luttes de classes en Staline? Ou Nkrumah, avec son parti uni
que et sa doctrine officielle de nkru- France de Karl Marx, Engels, contemplant
l'essor du vote socialiste en Allemagne et maïsme, ou d'autres dictateurs de pays
neufs? Ou encore le Japon impérial des en France, écrit: «Le socialisme ... fera la
conquête de la majeure partie des classes années 1930, ou le syndicalisme national
iste de Juan Perôn en Argentine dans les moyennes et de la paysannerie, et devien
années 1940? Jusqu'à quel moment dans dra la puissance décisive du pays»4. Le
le passé faut-il remonter : jusqu'à Joseph temps et le nombre étaient, à n'en pas
de Maistre, dont les Soirées de Saint- douter, de son côté. Il a fallu deux génér
Pétersbourg, selon le grand historien ations avant que la gauche ne se per
anglo-russe, Isaiah Berlin, exprime une suade que le fascisme est, après tout, un
tonalité fasciste1? véritable phénomène de masse, et non
Même si nous nous limitons aux deux pas la manœuvre habile d'une droite réac
régimes les plus notoires, l'Allemagne tionnaire ou d'un capitalisme aux abois.
nazie et l'Italie fasciste, ceux-ci manifes La deuxième difficulté provient du rap
tent de multiples et profondes différences. port ambigu entre la doctrine et l'action
Comment amalgamer Mussolini et Hitler, l'un fasciste. En bons intellectuels, presque
entouré de conseillers juifs et d'une maîtresse instinctivement, nous classons par doct
juive, l'autre un antisémite obsédé? rine tous les grands mouvements politi
Comment décrire d'un seul trait l'arbitraire ques, tous les «ismes». Pourtant, le fas
cisme est- il un «isme» comme les autres? du régime nazi et le laxisme de l'Italie
mussolinienne ? Des auteurs aussi respec Appartient-il vraiment à la famille des
tés que Renzo De Felice à Rome2 et grandes doctrines politiques ? Il ne repose
Karl Dietrich Bracher de l'Université de pas sur de profonds textes philosophiques
Bonn3 refusent d'admettre que le nazisme comme le font le conservatisme, le libé
allemand et le fascisme italien relèvent du ralisme et le socialisme. Je suis en désac
même phénomène. J'essayerai d'expli cord avec Zeev Sternhell sur ce point,
quer par la suite pourquoi je ne suis pas mais, comme nous le verrons, pas sur
tout. Le problème de base est que les d'accord sur ce point avec ces éminents
paroles des intellectuels fascisants - spécialistes.
Quatres difficultés entravent encore même si l'on accepte pour l'instant que
tout effort pour définir le fascisme. leurs écrits puissent constituer de grands
textes philosophiques - n'ont qu'un faiD'abord, une question d'époque. Si le
phénomène fasciste était si mal compris ble rapport avec ce que font les mouve
au début, c'est parce qu'il était inattendu. ments fascistes au pouvoir.
Jusqu'à la fin du 19e siècle, la plupart des Si certains dissidents de gauche (les
penseurs politiques croyaient que l'éla syndicalistes nationalistes, par exemple)
ont joué un rôle capital dans les premiers rgissement du suffrage profiterait inéluct
ablement à la démocratie et au socialisme. mouvements fascistes européens, comme
Friedrich Engels l'attendait avec certitude. Zeev Sternhell l'a montré, ces intellectuels
sont rapidement marginalisés au fur et à
mesure que les chefs fascistes s'appro
1. Isaiah Berlin, -Joseph de Maistre and the origins of fas chent du pouvoir. Tous les mouvements cism, • dans The crooked timber of humanity, New York, Knopf,
1991. fascistes qui sont arrivés au pouvoir ont
2. Renzo De Felice, Intervista sul fascismo, a cura di Michael
A. Ledeen, Bari, Rome, Laterza, 1982.
3. Karl Dietrich Bracher, Zeitgeschichtlichen Kontroversen. 4. Friedrich Engels, "Introduction-, dans Karl Marx, Class
struggles in France, New York, International Publishers, 1964, Um Totalitarismus, Faschismus, Demokratie, Munich, Piper,
1976. p. 27. Version française par l'auteur. LES FASCISMES : HISTOIRE COMPAREE
trahi leur rhétorique initiale anti-bourgeoise Pour illustrer ce propos, on peut évo
et anticapitaliste. Zeev Sternhell répond quer les deux concepts les plus ambigus
que tout mouvement politique déforme du lexique fasciste: révolution et modern
son idéologie en s'adaptant aux contrain ité. Les fascistes se proclament volontiers
tes du pouvoir1. Mais le fascisme n'est pas révolutionnaires, mais on devine plutôt
un mouvement comme les autres : ses acti par leurs actions le sens très particulier
vistes méprisent la raison et la pensée. Ils qu'ils donnent à ce mot. Leur révolution
les subordonnent non pas à la foi, comme à eux consiste à endurcir les mœurs, plu
font les légitimistes, mais aux instincts tôt

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