Les Frontières culturelles et les enfants de minorités - article ; n°1 ; vol.101, pg 9-26

John U.Ogbu

Description

Revue française de pédagogie - Année 1992 - Volume 101 - Numéro 1 - Pages 9-26
Cet article examine la question de l'éducation des jeunes enfants noirs aux États-Unis et, plus généralement, des enfants issus de groupes minoritaires au sein de la société américaine. Il montre tout d'abord que les explications conventionnelles de l'échec scolaire de ces enfants (origine sociale, milieu culturel, etc.) ne parviennent pas à expliquer le paradoxe des aspirations élevées des familles pour l'éducation de leurs enfants et de l'échec que ces derniers subissent à l'école. L'auteur présente donc un cadre théorique qui souligne l'une des dimensions essentielles du problème, à savoir l'existence et l'intériorisation d'une théorie du sens commun par les jeunes noirs qui est fondamentalement rédhibitoire pour les apprentissages dans un système scolaire destiné à la majorité blanche. Son analyse est illustrée par la présentation d'une étude de cas sur la ville de Stockton.
This paper deals with the education of minority children -especially black children- in the american society. As traditional explanations for the school failure of these children (social and cultural background...) take no account of the high educational expectations of these families for their children, the author examines the essential element of the problem : the fact that black children internalize a common sense conception which is incompatible with the learning system devised for the white youth majority. The case study of Stockton children supports this analysis.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: REVUE_FRANCAISE_DE_PEDAGOGIE
• Publié le: 01 janvier 1992
• Nombre de lectures: 80
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

John U. Ogbu
Les Frontières culturelles et les enfants de minorités
In: Revue française de pédagogie. Volume 101, 1992. pp. 9-26.
Résumé
Cet article examine la question de l'éducation des jeunes enfants noirs aux États-Unis et, plus généralement, des enfants issus
de groupes minoritaires au sein de la société américaine. Il montre tout d'abord que les explications conventionnelles de l'échec
scolaire de ces enfants (origine sociale, milieu culturel, etc.) ne parviennent pas à expliquer le paradoxe des aspirations élevées
des familles pour l'éducation de leurs enfants et de l'échec que ces derniers subissent à l'école. L'auteur présente donc un cadre
théorique qui souligne l'une des dimensions essentielles du problème, à savoir l'existence et l'intériorisation d'une théorie du sens
commun par les jeunes noirs qui est fondamentalement rédhibitoire pour les apprentissages dans un système scolaire destiné à
la majorité blanche. Son analyse est illustrée par la présentation d'une étude de cas sur la ville de Stockton.
Abstract
This paper deals with the education of minority children -especially black children- in the american society. As traditional
explanations for the school failure of these children (social and cultural background...) take no account of the high educational
expectations of these families for their children, the author examines the essential element of the problem : the fact that black
children internalize a common sense conception which is incompatible with the learning system devised for the white youth
majority. The case study of Stockton children supports this analysis.
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Ogbu John U. Les Frontières culturelles et les enfants de minorités. In: Revue française de pédagogie. Volume 101, 1992. pp.
9-26.
doi : 10.3406/rfp.1992.1307
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfp_0556-7807_1992_num_101_1_1307Les Frontières culturelles
et les enfants de minorités
John U. Ogbu
Cet article examine la question de l'éducation des jeunes enfants noirs aux États-Unis et, plus générale
ment, des enfants issus de groupes minoritaires au sein de la société américaine. Il montre tout d'abord
que les explications conventionnelles de l'échec scolaire de ces enfants (origine sociale, milieu culturel,
etc.) ne parviennent pas à expliquer le paradoxe des aspirations élevées des familles pour l'éducation de
leurs enfants et de l'échec que ces derniers subissent à l'école. L'auteur présente donc un cadre
théorique qui souligne l'une des dimensions essentielles du problème, à savoir l'existence et l'intériorisa
tion d'une théorie du sens commun par les jeunes noirs qui est fondamentalement rédhibitoire pour les
apprentissages dans un système scolaire destiné à la majorité blanche. Son analyse est illustrée par la
présentation d'une étude de cas sur la ville de Stockton.
INTRODUCTION : LE PROBLÈME effet d'influencer fortement les enfants noirs, leur
façon de percevoir l'école et de réagir par rapport
à elle. Leur expérience scolaire se distingue ainsi, Le but de cet article sur l'éducation des jeunes
non seulement de celle des enfants blancs, mais enfants noirs (1) est d'éclairer quelques zones
aussi de celle des enfants des autres minorités et, d'ombre telles que le paradoxe d'une ambition
plus particulièrement, des minorités d'immigrants. pour un très haut niveau d'étude liée à de très
faibles résultats scolaires, l'absence d'une forte
corrélation entre le statut socio-économique et la
réussite scolaire telle qu'on peut l'observer pour QUELQUES EXPLICATIONS CONVENTIONNELLES :
les enfants blancs, ce trait caractéristique des CLASSE SOCIALE, MILIEU CULTUREL
enfants noirs qu'est la résistance scolaire, ou ET ÉDUCATION DES MINORITÉS
encore ces aspects non moins caractéristiques
que sont les spécificités culturelles qui marquent II existe de nombreuses théories concurrentes
la scolarité de ces enfants. Plus précisément, je qui ont vocation à expliquer l'échec des enfants
soutiens que ce qui est arrivé aux Américains noirs à bénéficier d'une éducation adaptée leur
noirs et qui, jusqu'à un certain point, persiste ouvrant le marché du travail. J'ai résumé ailleurs
aujourd'hui, ainsi que les « problèmes collectifs » quelques-unes de ces explications (Ogbu, 1978).
auxquels ils doivent faire face, les ont conduit à Celles qui nous intéressent ici, sont celles qui font
produire des réponses culturelles types, des valoir l'appartenance sociale, les résistances de la
« solutions collectives ». Ces dernières ont pour classe ouvrière et les différences culturelles.
Revue Française de Pédagogie, n° 101, octobre-novembre-decembre 1992, 9-26 Les études de corrélations comme le font leurs camarades blancs issus de la
même classe sociale. Les études de traitent de la relation
entre l'origine socio-économique des enfants et
leur adaptation et leurs résultats à l'école. On Les études de la résistance scolaire
considère souvent que les enfants des couches
Dernièrement, des études ont tenté de démontpopulaires sont moins performants à l'école parce
rer que les résultats scolaires des enfants noirs qu'ils ne sont pas aptes (autrement dit, ils n'ont
étaient la conséquence d'une résistance scolaire. pas de résultats suffisants aux tests du Q.I.) ou
La théorie de la résistance met en avant les perparce que leurs familles ne savent pas les prépar
ceptions et les réactions de groupes subordonnés er de manière efficace à l'adaptation à l'école et
à la réussite scolaire. Si l'on utilise le statut socio- et, en matière d'éducation, les facteurs d'opposit
ion dans leur relation au « système », c'est-à-dire économique pour rendre compte de l'appart
au système scolaire. Le problème, d'après la enance de classe, la plupart des enfants noirs relè
théorie de la résistance, réside essentiellement vent de la catégorie des classes populaires, et
dans le conflit relationnel entre les enfants des leurs problèmes d'adaptation scolaire ainsi que
classes populaires ou ouvrières d'une part, et les leurs faibles performances scolaires sont attr
écoles qui sont contrôlées par les classes ibuées à leur milieu social inférieur (voir Coleman
moyennes ou les élites d'autre part. et al., 1966).
La théorie de la résistance a d'abord été formulToutefois, ces études de corrélations n'arrivent ée et appliquée aux jeunes de la classe ouvrière pas à expliquer le fait que les enfants noirs ne en Europe. Willis, en se fondant sur son étude réussissent pas de la même façon que les enfants ethnographique sur des jeunes appartenant à blancs à milieu social identique. Considérons, par cette classe en Angleterre (1977), a soutenu que exemple, les notes des candidats noirs et blancs ces jeunes rejetaient consciemment les interprétapassant le test SAT (test d'aptitude d'entrée dans tions et connaissances enseignées à l'école et se l'enseignement supérieur) lors de l'année scolaire tournaient vers les adultes de la classe ouvrière 1980-1981, telles que les rapporte le New York
pour y trouver la source de leurs arguments de Times du 24 octobre 1982 (Slade, 1982). Les can résistance et d'exclusion. Ainsi ils rejetaient didats noirs dont le foyer avait un revenu annuel l'école en fabriquant des contre-cultures qui finide 50 000 dollars ou plus avaient un résultat en ssaient par faire obstacle à leur réussite scolaire et expression écrite médian du même niveau environ à leur ascension sociale par une embauche dans que celui des candidats blancs dont le revenu les secteurs d'emplois recherchés par les classes familial annuel était de 13 000 à 18 000 dollars. De moyennes. plus, les candidats dont le foyer avait un revenu
annuel moyen de 50 000 dollars, ou plus, avaient La théorie de la résistance éclaire quelque peu
un résultat médian en mathématiques légèrement le comportement scolaire de certains enfants noirs
inférieur au résultat médian des candidats blancs comme source de leurs faibles performances scol
dont le revenu familial était de 6 000 dollars ou aires. Des études d'élèves américains d'origine
moins. indienne et mexicaine, de l'école primai