Les guerres de succession du Kremlin (1924-1984) - article ; n°1 ; vol.4, pg 3-18
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Description

Vingtième Siècle. Revue d'histoire - Année 1984 - Volume 4 - Numéro 1 - Pages 3-18
The Kremlin wars of succession (1924-1984), Hélène Carrère d'Encausse.
The difficulties of succession which the Soviet System experienced on the deaths of Lenin, Stalin, Khrushchev, Brezhnev, and Andropov are discussed. No apparent rule could ever be established in the USSR to ensure the transfer of power without a crisis. But a careful examination of the circumstances and the stakes of the wars of succession clarifies successively the roles of individuals until 1953, of the apparatus until 1982, and of the generational conflict within the party since the death of Brezhnev. History seems to reinforce Max Weber's analysis of the routinization of power and the final victory of the System over the individuals.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 40
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Hélène Carrère d'Encausse
Les guerres de succession du Kremlin (1924-1984)
In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°4, octobre 1984. pp. 3-18.
Abstract
The Kremlin wars of succession (1924-1984), Hélène Carrère d'Encausse.
The difficulties of succession which the Soviet System experienced on the deaths of Lenin, Stalin, Khrushchev, Brezhnev, and
Andropov are discussed. No apparent rule could ever be established in the USSR to ensure the transfer of power without a crisis.
But a careful examination of the circumstances and the stakes of the wars of succession clarifies successively the roles of
individuals until 1953, of the apparatus until 1982, and of the generational conflict within the party since the death of Brezhnev.
History seems to reinforce Max Weber's analysis of the routinization of power and the final victory of the System over the
individuals.
Citer ce document / Cite this document :
Carrère d'Encausse Hélène. Les guerres de succession du Kremlin (1924-1984). In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°4,
octobre 1984. pp. 3-18.
doi : 10.3406/xxs.1984.1712
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_1984_num_4_1_1712ARTICLES
LES GUERRES DE SUCCESSION
DU KREMLIN
(1924-1984)
Hélène Carrère d'Encausse
politique, divisent les historiens occidentLénine, Staline, Khrouchtchev, Bre
aux. Les trois approches ont en commun jnev, Andropov et Tchernenko : six
de laisser peu de place à la société dans hommes à eux seuls ont personnifié le
l'élaboration de son destin. Le sort de la pouvoir soviétique depuis 1917. Jamais
pourtant les règles de leur succession communauté sociale lui échappe ; se joue
au sommet ; même si pour l'historiographie n'ont pu être établies. Le Kremlin
soviétique le rôle dirigeant du parti l se n'aurait-il donc appartenu qu'au plus
justifie par sa totale coïncidence avec fort, ou au plus rusé ? Non, répond
Hélène Carrère d'Encausse. Car la lutte l'intérêt et la volonté de la société.
pour le pouvoir, sanglante ou non, a Ce pouvoir, qui, toutes les écoles
successivement mobilisé là-bas des indivi historiques y consentent, est un pouvoir
d'en haut, a connu dans l'histoire déjà dus, des appareils, des générations puis,
tout récemment, des rivaux au sein d'une longue, plus de soixante années, de
l'URSS, plusieurs incarnations — hommes même génération. C'est une histoire que
Max Weber aurait appréciée : elle marque ou groupes dirigeants. C'est pourquoi il
la victoire du système sur le charisme et importe de comprendre quels mécanismes,
quelle logique en assurent la transmission. de la routine sur l'ambition.
Ce d'autant plus que, périodiquement, se
pose le problème de la succession, et qu'à L'histoire soviétique connaît plusieurs
chaque étape, l'incertitude qui entoure les lectures. Histoire d'un parti diri
successions leur confère un aspect de luttes geant, porteur de la conscience
intestines, suggérant que la vie du Kremlin sociale et guide de la société qui s'identifie à
échappe à toute règle pour obéir toujours à lui. C'est là la version officielle, véhiculée
la loi du plus fort, ou du plus rusé. par l'historiographie soviétique. Histoire
L'historien qui observe ces luttes périodid'un pouvoir total, incarné périodique
ques ne peut se contenter de telles ment par un homme fort, émergeant de
apparences. Il doit s'interroger sur la luttes sanglantes pour la conquête de
nature du système lui-même, sur la réalité l'autorité. Histoire de factions en lutte
qui sous-tend des crises apparemment pour imposer une vision particulière du
identiques. marxisme soviétique et de ses rapports avec
le monde extérieur. Ces deux dernières
versions — personnalisée ou factionnelle permanence 1. Voir du dans débat Istorita historique SSSR, sur 1, la nature 1973, de p. 211-218, classe de la
— mais toujours centrées sur le pouvoir révolution, et, par là même, l'assise du pouvoir du parti. ARTICLES
contente jusqu'à sa mort de la présidence O LA POUVOIR LONGUE ET MARCHE LÉGITIMITÉ DE : STALINE
du Sovnarkom. En dépit de ce partage des
responsabilités avec ses pairs (Sverdlov
Six hommes ont personnifié le pouvoir puis Staline dans le parti, Zinoviev au
du Kremlin depuis la révolution : Lénine, Komintern), Lénine reste, jusqu'à la fin de
sa vie politique, le maître véritable de tous Staline, Khrouchtchev, Brejnev, Andro
pov, Tchernenko. Seul d'entre eux, Lénine les appareils.
est arrivé au pouvoir sans que sa position La mort de Lénine va montrer soudain
fît l'objet d'un débat, d'un choix, d'un la précarité de l'édifice institutionnel dont
son autorité dissimulait les failles. Elle va conflit. Fondateur du parti bolchevik,
artisan de la révolution, il avait sur ses pairs apprendre à ses compagnons que détenir le
pouvoir n'est pas suffisant pour transforune autorité naturelle, reconnue de tous,
qui le désignait, sans doute possible, pour mer ce pouvoir en un système politique
les responsabilités suprêmes. Le pouvoir rationnel et viable. Elle va surtout leur
de Lénine reposait, dans la brève période apprendre que pouvoir et légitimité ne
coïncident pas obligatoirement ; et que où il l'exerça, sur trois piliers. Tout
d'abord, le fait révolutionnaire qui abolit le cette non-coïncidence ouvre l'ère des
pouvoir légitime préexistant et appelle une conflits et de la violence. Max Weber a
clairement montré le chemin qui conduit nouvelle légitimité. Ensuite, la certitude,
dont Lénine est porteur, qu'il est le de l'émergence du pouvoir personnel
responsable légitime du pouvoir révolu fondé, à un moment de rupture historique,
tionnaire parce qu'il incarne le parti sur les qualités propres, le charisme du
bolchevik ; qu'aussi il sait, toujours fondateur du système, à l'institutionnalisa
au nom du parti et parfois contre tout le tion du système. Ce qu'il a appelé la
parti, quelle est la voie de la révolution 2. routinisation, c'est le passage du dirigeant
charismatique à un dirigeant dont la Cette conviction complexe d'une connais
sance absolue de la vérité révolutionnaire, légitimité repose sur des institutions et des
identifiée généralement au parti mais qui règles claires de transmission du pouvoir,
parfois ne s'identifie plus qu'à Lénine, est et non sur la personnalité du successeur 3.
probablement l'élément le plus profond de En 1924, l'URSS est loin de cette routinisa
sa force et de son succès. Enfin, il y a le tion. La révolution qui a porté Lénine au
consensus des compagnons (soratniki). pouvoir a donné naissance à un système
Tous ceux qui entourent Lénine, même s'il mal défini, où la distance entre la théorie
du pouvoir — l'autorité des soviets — et la leur arrive de douter et de contester ses
pratique — autorité totale de Lénine et des choix, admettent en dernier ressort qu'il a
instances du parti et de la police — ne raison, et par là même qu'il est le véritable
responsable du pouvoir. Ainsi, de 1917 à favorise pas l'institutionnalisation de l'au
1924, Lénine a pu disposer d'une autorité torité. Lénine disparu, en l'absence de
absolue fondée sur un accord général règles de succession, inexistantes puisque
autour de sa personne ; d'une autorité
personnelle, sans lien réel avec les instr 2. Sur la conception léniniste de cette légitimité, voir
notamment le dernier ouvrage de L. Schapiro, 1917. The Russian uments du pouvoir dont il dispose. Fondat
revolution and the origins of present-day communism, eur du parti révolutionnaire, il en aban Hounslow, Temple Smith, 1984, p. 27-31.
3. Max Weber, The theory of social and economic donne la direction après 1917, s'efface de la organization, New York, Oxford University Press, 1947,
direction du Komintern après 1921, et se p. 366-371. SUCCESSIONS AU KREMLIN
le centre du pouvoir n'est pas identique politique qui se réclame de l'unité de la
dans la théorie et les faits, la question se conscience prolétarienne, de du
pose : comment le remplacer ? Comment mouvement. Mais, en même temps, toute
substituer à une légitimité qui était celle de l'action de Lénine pour imposer cette unité
Lénine seul, une différente ?

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