Les infortunes de la fidélité - Les partisans du pouvoir royal dans les parlements au XVIIIe siècle - article ; n°3 ; vol.25, pg 335-353

Olivier Chaline

Description

Histoire, économie et société - Année 2006 - Volume 25 - Numéro 3 - Pages 335-353
Résumé
Une meilleure compréhension des parlements au XVIIIe siècle nécessite une connaissance plus précise des protégés des ministres et des partisans de l'autorité royale. À Paris, Rouen et Rennes, ces hommes connurent le même destin : ils furent engagés par Versailles dans de rudes combats puis abandonnés. L'incohérence et l'ingratitude furent les deux caractéristiques principales de l'échec de la Cour à tenir les parlements.
Abstract
A better understanding of eighteenth-century parlements needs a more precise study of the adherents of ministers and followers of royal authority. In Paris, Rouen and Rennes, these men shared the same fate: they were engaged by Versailles in very difficult struggles and then aban- donned. Incoherence and ungratefulness were the two main caracteristics of the courtly mismanagement of parliamentary politics.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: HISTOIRE-_ECONOMIE_ET_SOCIETE
• Publié le: 01 janvier 2006
• Nombre de lectures: 22
• Langue: Français
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Extrait

Olivier Chaline
Les infortunes de la fidélité - Les partisans du pouvoir royal dans
les parlements au XVIIIe siècle
In: Histoire, économie et société. 2006, 25e année, n°3. pp. 335-353.
Résumé
Une meilleure compréhension des parlements au XVIIIe siècle nécessite une connaissance plus précise des protégés des
ministres et des partisans de l'autorité royale. À Paris, Rouen et Rennes, ces hommes connurent le même destin : ils furent
engagés par Versailles dans de rudes combats puis abandonnés. L'incohérence et l'ingratitude furent les deux caractéristiques
principales de l'échec de la Cour à tenir les parlements.
Abstract
A better understanding of eighteenth-century parlements needs a more precise study of the adherents of ministers and followers
of royal authority. In Paris, Rouen and Rennes, these men shared the same fate: they were engaged by Versailles in very difficult
struggles and then aban- donned. Incoherence and ungratefulness were the two main caracteristics of the courtly
mismanagement of parliamentary politics.
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Chaline Olivier. Les infortunes de la fidélité - Les partisans du pouvoir royal dans les parlements au XVIIIe siècle. In: Histoire,
économie et société. 2006, 25e année, n°3. pp. 335-353.
doi : 10.3406/hes.2006.2605
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_2006_num_25_3_2605,
Les infortunes de la fidélité
Les partisans du pouvoir royal
dans les parlements au XVIIIe siècle
par Olivier CHALINE
« On croit que la paix sera rétablie en sacrifiant à ceux que l'on redoute
tous les honnêtes gens (...) dont l'obéissance constitue déjà un crime »
Auguste-Félicité Le Prestre de Châteaugiron, avril 1769
Résumé
Une meilleure compréhension des parlements au xvm* siècle nécessite une connaissance plus
précise des protégés des ministres et des partisans de l'autorité royale. À Paris, Rouen et Rennes,
ces hommes connurent le même destin : ils furent engagés par Versailles dans de rudes combats
puis abandonnés. L'incohérence et l'ingratitude furent les deux caractéristiques principales de
l'échec de la Cour à tenir les parlements.
Abstract
A better understanding of eighteenth-century parlements needs a more precise study of the
adherents of ministers and followers of royal authority. In Paris, Rouen and Rennes, these men
shared the same fate: they were engaged by Versailles in very difficult struggles and then aban-
donned. Incoherence and ungratefulness were the two main caracteristics of the courtly misma
nagement of parliamentary politics.
Les partisans du pouvoir royal dans les parlements forment une sorte d'angle mort
de notre connaissance de ces cours souveraines, tant les historiographies rivales, pour
une fois presque unanimes, ont à peu près nié leur existence. Pères du peuple et héros
des libertés ou bien factieux démagogues et aristocrates égoïstes, les parlementaires
sont, par définition, contre le pouvoir royal. La seule cour où on fait cas de partisans
parlementaires du Conseil est le parlement de Bretagne, mais c'est pour mieux les acca
bler, puisqu'il s'agit des « Ifs », les ennemis de La Chalotais devenus membres du
« bailliage d'Aiguillon ». Soutenant la politique de Versailles, ils ne peuvent être que de
mauvais Bretons et de piètres magistrats.
n° 3, 2006 Olivier Chaline 336
Ces appuis du pouvoir royal sont pourtant bien là. Encore au milieu du XVIIIe siècle,
ils semblent fermement établis. Sans eux, il est impossible de comprendre vraiment les
rapports entre les parlements et le pouvoir royal. Mais comment les identifier ? Leur
position s'érode considérablement dans les décennies suivantes. Que s'est-il passé ?
Pourquoi le pouvoir royal a-t-il conduit à l'échec ses meilleurs soutiens ? Autrement dit,
pourquoi la fidélité devient-elle source d'infortune ?
Je proposerai ici quelques réflexions à partir d'une recherche en cours. Elles seront
appuyées d'une part sur l'étude directe des parlements de Normandie et de Bretagne, avec
un intérêt tout particulier pour les familles liées au pouvoir royal et aux « gens du roi »,
d'autre part sur des travaux récents ou engagés depuis peu, notamment sur le parlement de
Paris : ouvrages anglo-saxons (Peter Campbell, John Rogister, Julian Swann notamment)
comme doctorats en cours (Éric Cresta, Julien Niger) l. Sans négliger de possibles compar
aisons avec d'autres parlements qui viennent d'être étudiés (Grenoble, Bordeaux, Douai),
mon attention se portera sur trois cours souveraines importantes : Paris, proche de la Cour,
Rouen et Rennes qui ont des réputations méritées de parlements remuants. S'intéresser
aux partisans du pouvoir royal conduit à se demander ce qu'est la vie politique dans la
monarchie française du XVIIIe siècle, non pas dans un cadre constitutionnel, mais dans des
institutions d'abord judiciaires. Les parlementaires sont d'abord des juges, préoccupés par
les questions juridiques, soucieux de leur juridiction. Il leur arrive d'avoir une action poli
tique, mais on ne peut les comparer à des membres du Parlement anglais. Ils ont affaire à
la Cour de Versailles, particulièrement au Conseil du roi. Pourtant, il serait trompeur de
croire à une opposition terme à terme Couronne / Parlement 2. Les partisans du pouvoir
royal sont là pour nous montrer qu'il n'en est rien. Qui sont-ils ? Pourquoi ont-ils échoué ?
Comment ont-ils vécu leur échec ?
Qui sont les partisans du pouvoir royal ?
À l'origine de mes interrogations sur ces magistrats, il y a ma propre étude sur le
dernier procureur général du parlement de Normandie, Godart de Belbeuf, appuyée sur
ce qui nous est parvenu de son cabinet3. Mais la très riche correspondance administrative
du premier président de Rouen, Hue de Miromesnil, ainsi que les Lettres sur l'état de la
magistrature qu'il rédigea en exil en 1772, à partir de son expérience récente, me pous
saient dans la même direction4. À Rennes, le dépouillement de la correspondance de
1. P. Campbell, Power and Politics in Old Regime France 1720-1745, Londres, 1996, J. Rogister,
Louis XV and the Parlement of Paris, 1737-1755, Cambridge, 1995, J. Swann, Politics and the Parlement of
Paris under Louis XV, 1754-1774, Cambridge, 1995.
2. Voir les remarques de Peter Campbell, op. cit., p. 235, sur ce qu'il faut entendre par action politique
sous l'Ancien Régime, si on veut éviter les contresens liés à une compréhension des choses en termes consti
tutionnels et modernes : il s'agit alors de manœuvres pour l'obtention de telle ou telle place, de liens avec les
factions à la Cour et de la défense de la juridiction du parlement. La nouveauté propre au XVIIIe siècle est,
poursuit-il, l'existence de petits groupes de magistrats bien organisés poussés par la conviction religieuse et
l'esprit de faction, capables de manipuler habilement en vue de leurs propres objectifs les préoccupations de
la majorité de leurs collègues. Voir aussi p. 281.
3. O. Chaline, Godart de Belbeuf. Le Parlement, le roi et les Normands, Luneray, 1996. Les papiers du
procureur général constituent une partie importante du chartrier de Belbeuf, aux Archives départementales de
la Seine Maritime, sous les cotes 16 J 1 à 164.
4. Sur Armand-Thomas Hue de Miromesnil, on dispose tout d'abord de l'édition par P. Le Verdier de sa
Correspondance politique et administrative (1757-1771), Paris - Rouen, 1899-1903, 6 vol., qui n'épuise pas
la totalité des papiers disponibles, puis de la thèse de Paul Bisson, L'influence familiale et sociale sur Armand-
Thomas Hue de Miromesnil, Paris, 1964. J. Niger prépare sous ma direction une étude sur Miromesnil qui
tiendra compte de ses Lettres sur l'état de la magistrature (B.N.F., mss. fr. 10 986) comme du fonds familial
conservé aux Archives nationales.
n° 3, 2006 ,
infortunes de la fidélité Les partisans du pouvoir royal 337 Les
l'avocat général Le Prestre de Châteaugiron, dont je prépare l'édition, a renforcé cette
interrogation 5. L'Affaire de Bretagne, qui est un des moments essentiels de
recherche, peut aussi être relue à la lumière des lettres écrites ou reçues par un autre
magistrat du parlement de Rennes, le président de Montbourcher6.
Combien sont-ils ?
Le parlement de Paris comptait dans la première moitié du XVIIIe siècle, environ
250 magistrats en 8 chambres (