Les tableaux des collections du duc Jean de Berry - article ; n°1 ; vol.79, pg 265-290

Paul Durrieu

Description

Bibliothèque de l'école des chartes - Année 1918 - Volume 79 - Numéro 1 - Pages 265-290
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: BIBLIOTHEQUE_DE_L-ECOLE_DES_CHARTES
• Publié le: 01 janvier 1918
• Nombre de lectures: 9
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Paul Durrieu
Les tableaux des collections du duc Jean de Berry
In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1918, tome 79. pp. 265-290.
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Durrieu Paul. Les tableaux des collections du duc Jean de Berry. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1918, tome 79. pp.
265-290.
doi : 10.3406/bec.1918.448612
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1918_num_79_1_448612LES TABLEAUX
DES
COLLECTIONS DU DUC JEAN DE BERRY
on Jean le sait, de un France, des plus duc passionnés de Berry, collectionneurs frère du roi Charles de choses V, préfut,
cieuses qui ait vécu en France. Notre illustre confrère Leopold
Delisle s'est employé avec une inlassable ardeur à rechercher
dans les bibliothèques du monde entier tous les manuscrits,
qu'il lui a été possible d'y retrouver, ayant fait partie, pour
employer l'expression de l'époque, de la « librairie » du duc
Jean1. Trois ans avant sa mort, il donnait le dernier état des
résultats auxquels il était arrivé à cet égard, dans un ouvrage
publié par lui en 1907 à l'occasion du cinquantième anniversaire
de son élection à l'Institut et qui est dédié « A l'Académie des
inscriptions et belles-lettres2 ». Un autre de nos confrères, le
savant et regretté Jules Guiffrey, membre de des
beaux-arts, a rendu un grand service à l'érudition en publiant le
texte de ce qui est parvenu jusqu'à nous des inventaires du duc de
Berry3. Mon cher camarade de promotion à l'Ecole des chartes,
Henri Bouchot, également membre de l'Académie des beaux-arts,
a plusieurs fois évoqué le souvenir du duc Jean au cours de ses
brillants écrits sur les Primitifs français4. J'ajouterai, en m'excu-
1. L. Delisle, le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale, Paris,
1868-1881, 3 vol.; t. I, p. 58-68, et t. III, p. 338-340; Mélanges de paléogra
phie et de bibliographie, Paris, 1880, in-8°, passim; les Livres d'heures du
duc de Berry, Paris, 1884, gr. in-8° (extrait de la Gazette des beaux-arts,
1884, t. I).
2. L. Delisle, Recherches sur la librairie de Charles V, Paris, 1907, 2 vol.
in-8° et un album in-4°, t. II, p. 219 et suiv.
3. Inventaires de Jean, duc de Berry, Paris, 1894-1896, 2 vol. in-8°.
4. Voir notamment, parmi les ouvrages de Henri Bouchot, ceux qui seront
mentionnés plus loin, p. 270, note 3.
1918 18 266 LES TABLEAUX
sant de parler de moi, mais pour rappeler d'une manière plus
complète la part que les anciens élèves de l'Ecole des chartes
ont prise à l'étude de ce qui concerne les collections du duc de
Berry, que j'ai eu la bonne fortune de publier les reproductions
de toutes les peintures exécutées pour le duc Jean dans le plus
beau de ses livres, les incomparables « Très riches Heures »,
conservées au musée Condé de Chantilly1, et que j'ai consacré
plusieurs monographies à d'autres manuscrits à miniatures qui
ont également appartenu au duc de Berry2.
Le nombre des beaux livres provenant du duc Jean qui
existent encore aujourd'hui est relativement élevé. Mais le duc
Jean a possédé, en dehors des manuscrits de sa « librairie »,
bien d'autres catégories d'objets d'art dont nous pouvons, à
l'aide des renseignements fournis par les inventaires et autres
pièces d'archives, nous faire une idée, je ne puis pas dire comp
lète, hélas! car la série des inventaires ne nous est arrivée
qu'avec de très graves lacunes, mais tout au moins approxi
mative.
Parmi ces objets d'art se trouvaient des tableaux, au sens
habituel que l'on donne à ce terme dans nos musées d'au
jourd'hui3, tableaux qui, suivant le mode le plus usité aux
1. Les Très riches Heures de Jean de France, duc de Berry, Paris, 1904,
in-fol., avec 65 planches.
2. Qu'il me soit permis de citer, notamment, mes publications intitulées :
Heures de Turin. Quarante-cinq feuillets à peintures provenant des
Très belles Heures de Jean de France, duc de Berry. Paris, 1902, gr. in-4°,
avec 45 planches [publication privée faite en l'honneur de Leopold Delisle] ;
les « Belles Heures » de Jean de France, duc de Berry, Paris, 1906, gr. in-8°
(extrait de la Gazette des beaux-arts, 1906, t. I); la Bible du duc de Berry
conservée au Vatican, Paris, 1910, in-4° (extrait de la Revue de l'Art ancien
et moderne, t. XXVII); les « Très belles Heures de Notre-Dame » du duc
Jean de Berry, Paris, 1910, in-8° (extrait de la Revue archéologique, année
1910, t. I, p. 30-51 et 246-279); Notice d'un des plus importants livres de
prières du roi Charles V : les Heures de Savoie, Paris, 1911, in-8° (extrait
de la Bibliothèque de l'École des chartes, t. LXXII) ; les Aventures de deux
splendides Uvres d'Heures ayant appartenu au duc Jean de Berry, Paris,
1911, in-4° (extrait de la Revue de l'Art ancien et moderne, t. XXX); la Pro
venance d'un des plus beaux manuscrits peints au XIVe siècle par Nicolo
di Giacomo da Bologna, Paris, 1916, in-8° (extrait de la Bibliothèque de
l'École des chartes, t. LXXVII).
3. Je précise le terme, parce que les Inventaires du duc de Berry ment
ionnent aussi d'autres genres de « tableaux », des tableaux d'or, d'argent,
d'ivoire, de pierre de touche, de broderie et même « de pourcelaine ». COLLECTIONS DU DUC JEAN DE BERRY. 267 DES
époques anciennes, étaient peints sur bois. Certains de ces
tableaux devaient être d'importance ou constituer de curieux
morceaux. Le duc Jean a possédé, par exemple, « un tableau de
bois, de paincture ; où il [y] a unymaige de Nostre Dame tenant
son enflant, et en l'autre main un livre, et devant ledit ymaige,
à l'un des costez, est le roy Jehan et Monseigneur de Berry
darrieres et, de l'autre costé, un evesque tenant sa croce et un
livre devant lui1 ». — « Uns tableaux2 de bois à pignons, en
vu pieces, faiz de paincture ,«de la vie Monseigneur saint Lorens ;
et ou tableau du milieu a un Crucifiement, Nostre Dame et saint
Jehan aux costez3. » — « Uns grands tableaux de bois tous
neufs, de la longueur d'un autier [c'est-à-dire de la longueur
d'un autel d'église], ou environ, bien ouvrez de menuz ymaiges
de paincture, de la Vie et Passion Nostre Seigneur et de plu
sieurs Sains et Sainctes ; et sont en vi pieces fermans à cou
plez d'argent doré4. » — • « Uns tableau de bois en quatre
pieces, où il a quatre demiz ymaiges de paincture, c'est assavoir
une Pitié de Nostre Seigneur, un ymaige de Nostre Dame et
deux ymaiges de saint Pierre et de saint Pol5. » — « Uns
tableaux de bois en un pieces, attachiez à couplez, où est 1' An
nunciation, la Nativité et Passion Nostre Seigneur, etl'Assump-
cion Nostre Dame, tout de paincture6. » — « Uns anciens
tableaux de bois à pignon, faiz de paincture, de la Passion
Nostre Seigneur, en un pieces fermans à couplez7. » — « Un
grant tableau de bois, où il a un ymaige de Nostre Dame tenant
son enflant dormant entre ses bras, fait de paincture; et dessus
le dit ymaige a un tabernacle doré enlevé8. » — « Uns grans
tableaux en deux pieces, de painture, l'un de la Passion Nostre
1. Inventaire de 1413, dans Guiffrey, op. cit., t. I, p. 23, n° 35.
2. L'expression uns tableau« est une manière de pluriel, employé dans les
inventaires pour désigner un seul tableau, mais qui est constitué de plusieurs
morceaux réunis ensemble. J'aurai occasion, dans ce travail même, de reparl
er plus loin de cette formule grammaticale.
3. Inventaire de 1413, ut supra, p. 24, n° 36.
4. Ibid., p. 39, n" 75.
5.p. 23, n° 34.
6. Ibid., p. 32, n° 63.
7.p. 39, n° 76.
S. Ibid., p. 33, n° 64. — Ce « tabernacle doré enlevé » indique que la pein
ture était surmontée d'un couronnement décoratif, recouvert d'une pâte dorée,
sur laquelle une impression, à l'aide de moules, dessinait des ornements se
détachant légèrement en saillie. LES TABLEAUX 268
Seigneur et l'autre du Jugement ; et par dessus l'un des diz
tableaux a une femme qui fait tixus de soie1. »
Parmi ces tableaux, il en était qui se distinguaient par les
procédés de leur exécution. L'un était traité en manière de gri
saille : « Uns tableaux de bois, où il a une Pitié d'une part, et,
de l'autre part, un ymaige de Nostre Dame tenant