De la vipère et des moyens de remédier à sa morsure
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De la vipère et des moyens de remédier à samorsureJean Petit1869Format djvuINTRODUCTION.Vous leur avez envoyé une multitude de bêtespour vous venger d’eux, afin qu’ils sachent quechacun est puni par où il a péché.(Sagesse, xi, 16, 17.)Les animaux domestiques adoucis et apprivoisés par les soins de l’homme, vivantjournalièrement avec lui, ont été comme ce dernier reçus à leur apparition sur lasurface du globe par une multitude d’ennemis, au nombre desquels les animauxvenimeux comptent parmi les plus redoutables. En aidant leur maître dans sestravaux, en servant à son usage journalier, ils sont comme lui susceptibles de setrouver sous l’action de ces êtres redoutables dont l’origine se perd dans letourbillon des temps. La famille des reptiles, à laquelle ces animaux appartiennentpour la grande majorité, est d’une organisation relativement simple ; aussi, je mepermets de formuler sur leur origine l’hypothèse suivante :Les progrès de la science ont démontré qu’à une certaine époque, après que lamasse terrestre fut bouleversée par les grands cataclysmes, la coucheatmosphérique, composée d’une grande quantité d’acide carbonique, étaitimpropre à la vie des animaux d’organisation parfaite. Ce fut des êtres desderniers degrés de l’échelle zoologique, qui furent destinés à occuper les premierscette sphère terrestre couverte alors d’une végétation nombreuse et gigantesque,qui préparait à l’homme une atmosphère en rapport avec la complication de sesorganes. ...

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Extrait

De la vipère et des moyens de remédier à samorsureJean Petit1869Format djvu
INTRODUCTION.
Vous leur avez envoyé une multitude de bêtespour vous venger d’eux, afin qu’ils sachent quechacun est puni par où il a péché.(Sagesse, xi, 16, 17.)
Les animaux domestiques adoucis et apprivoisés par les soins de l’homme, vivantjournalièrement avec lui, ont été comme ce dernier reçus à leur apparition sur lasurface du globe par une multitude d’ennemis, au nombre desquels les animauxvenimeux comptent parmi les plus redoutables. En aidant leur maître dans sestravaux, en servant à son usage journalier, ils sont comme lui susceptibles de setrouver sous l’action de ces êtres redoutables dont l’origine se perd dans letourbillon des temps. La famille des reptiles, à laquelle ces animaux appartiennentpour la grande majorité, est d’une organisation relativement simple ; aussi, je mepermets de formuler sur leur origine l’hypothèse suivante :Les progrès de la science ont démontré qu’à une certaine époque, après que lamasse terrestre fut bouleversée par les grands cataclysmes, la coucheatmosphérique, composée d’une grande quantité d’acide carbonique, étaitimpropre à la vie des animaux d’organisation parfaite. Ce fut des êtres desderniers degrés de l’échelle zoologique, qui furent destinés à occuper les premierscette sphère terrestre couverte alors d’une végétation nombreuse et gigantesque,qui préparait à l’homme une atmosphère en rapport avec la complication de sesorganes. Ces premiers habitants du règne animal ont laissé leurs débris dans laterre qui les portait ; ils s’y sont assez bien conservés pour permettre auxnaturalistes de notre temps de les classer parmi les animaux terrestres au nombredes reptiles. La vipère dont nous entreprenons l’histoire, existait-elle alors ? Il seraittéméraire de ma part de donner à ce problème n’importe quelle solution. Est-elle lerésultat de la modification des espèces qui existaient jadis ? Je laisse auxpartisans de la génération spontanée et à ceux de la transformation des espèces,le soin de résoudre la délicate question que je viens de poser. Pour moi, dont lesmoyens ne permettent pas de remonter si haut, je me contente de faire deshypothèses.« Pourquoi des hypothèses, dira-t-on, pourquoi ne pas s’en tenir aux limites où finitl’observation ? Pourquoi ! Parce que restreinte aux bornes posées jusqu’ici parl’observation, la science médicale laisse subsister de nombreuses lacunes ; parceque poser des hypothèses, c’est ouvrir des voies dans lesquelles peuvents’engager des observateurs, jusqu’à ce qu’ils aient reconnu qu’elles ne sont que defausses routes, ou que décidément elles conduisent à la vérité. Le Nouveau-Monden’a-t-il pas été découvert après une hypothèse ? Est-ce que l’on peut espérerd’avancer la science d’un pas en se retranchant éternellement derrière l’inconnu ? »C’est en ces termes que M. le professeur Lafosse protège ces suppositions del’esprit, qui souvent dans l’avenir se transportent du domaine des hypothèses danscelui de la réalité.Cause essentielle d’un état morbide bien moins dangereux pour les animauxdomestiques que pour l’homme, la vipère dut dans les premiers temps êtrechassée comme un animal dangereux, et sa piqûre l’objet des soins médicinauxplus ou moins absurdes connus alors. En effet, l’histoire nous apprend que depuis
l’antiquité la plus reculée, ce serpent a inspiré à l’homme et à la plupart des autresêtres animés, des craintes justement fondées et une horreur insurmontable. Lavipère se trouve au nombre de ces bêtes immondes, incommodes, qui bien loin dereconnaître leur souverain, l’attaquent à force ouverte et semblent n’exister que pourformer la nuance entre le mal et le bien, afin de montrer à l’homme combien, depuissa chute, il est peu respecté !Pline, qui écrivit sur presque toutes les branches de l’histoire naturelle, et dont lestravaux ne sont qu’une immense compilation dont il puisa les matériaux dans plusde deux mille volumes grecs ou latins tissus d’erreurs, dit que la vipère est le seulserpent qui se cache dans la terre ; elle y peut vivre une année entière, dit-il, pourvuqu’elle ne soit pas saisie par le froid ; pendant tout le temps de sa retraite, elle restesans venin. Plus loin, l’immortel naturaliste de Côme dit que la vipère a été connuede tout temps. Les premiers peuples la redoutaient et lui faisaient une guerreacharnée ; il rapporte que la tête de la vipère, fût-ce une autre que celle par qui on aété mordu, s’applique toujours avec succès sur la plaie. Il en est de même du reptiletout entier suspendu avec une baguette à la vapeur de l’eau bouillante, parcequ’alors il prévient tout charme funeste. Nigidius va jusqu’à affirmer que lesserpents reviennent nécessairement et naturellement vers celui qu’ils ont blessé.Telles étaient les croyances du temps !Les Scythes fendaient la tête de la vipère pour en retirer une petite pierre qu’elleavale, disent-ils, dans ses instants d’effroi. Les Grecs fabriquaient avec de laviande de vipère des pastilles auxquelles ils avaient donné le nom de thériaque.Probablement que le médicament appelé ainsi de nos jours, et dont on attribuel’invention à Andromaque, premier médecin de Néron, a pour origine ces pastillesvipérines.
DE LA VIPÈRE
ET DES MOYENS DE REMÉDIER À SA MORSURE
CHAPITRE PREMIER
Études zoologiques de la Vipère.
Entre nos ennemisLes plus à craindre sont souvent les plus petits.(La Fontaine.)
La Vipère,vipera, est un reptile ophidien appartenant à la famille deshétérodermes de M. Duméril, à la tribu des espèces venimeuses et à la classe desserpents venimeux à crochets mobiles. Les vipériens forment un genre duquel on afait plusieurs sous-genres qui sont les suivants :1° LeTrigonocéphale. Il y en a plusieurs variétés. La plus connue est celle quiexiste à la Martinique et à Sainte-Lucie et qu’on désigne sous le nom defer-de-lance ouvipère jaune des Antilles. Sa tête est couverte d’écailles granulées ; sacouleur est variable, tantôt, et c’est le cas le plus rare, jaunâtre, mais le plus souventgris foncé, brune et même noire. Ces différences de couleur dépendent, au dire de
certaines personnes, de l’âge auquel le serpent est arrivé. Le trigonocéphale atteintquelquefois la longueur de deux mètres, mais c’est le maximum ; le plusordinairement il a d’un mètre vingt centimètres à un mètre soixante. Ce reptile, siredouté à la Martinique, a été étudié particulièrement, il y a déjà quelques années,par MM. Moreau de Jones, Blot, Guyot, etc.2° LePlature, qui habite les îles de la mer Indes, a la queue déprimée et la têtecouverte de plaques ; le corps est strié de bandes blanches et noirâtres ; il a aumaximum soixante centimètres de long.3° L’Elaps. Ces serpents ont une particularité remarquable dans leur conformation ;leur tête est disposée de telle façon qu’ils ne peuvent la renverser en arrière. Il setrouvent dans la Guyanne.3° LeNaja. La célèbre couleuvrenaja des Indiens, encore appelée par lesPortugaiscobra de capello, par les naturalistesserpent à lunettes, est une desvariétés de ce sous-genre habitant les Indes particulièrement sur la côte deCoromandel. Lenaja haje ouaspic de Cléopâtre qui existe en Égypte, forme ladeuxième variété. La première a le cou aplati, élargi et présente à sa partiesupérieure une tache brune disposée comme un porte agrafe ou comme une pairede lunettes, ce qui lui a valu son nom. Quand l’animal est provoqué, il forme de soncou une espèce de dilatation ressemblant à un capuchon dans lequel il retire satête.3° LaVipère proprement dite, renfermant plusieurs espèces parmi lesquelles seplace lavipère commune, qui est très répandue dans certaines contrées de laFrance, surtout dans le centre et dans les régions du midi. On trouve aussi dansnotre pays deux autres variétés qui sont : lavipère ammodyte, qui se rencontreencore en Italie et en Autriche ; lavipère péliade ouvipère de Fontainebleau.
La vipère commune. —Vipera berus, Daudin ;coluber berus, Linnée ;berussubrufus, Laurenti. Cette espèce varie beaucoup de couleur, sa tête est plate,triangulaire, sans plaque et comme tronquée en avant, elle est couverte de petitesécailles granulées. À sa partie supérieure, des taches brunes disposées en deuxbandes noires forment distinctement un V renversé ; les yeux sont petits, très vifs,étincelants, leur iris est rouge ou d’un jaune doré, leur pupille est noire ; le bord de lamâchoire supérieure est blanc, tacheté de noir ; celui de la mâchoire inférieure estjaunâtre. La langue est d’un gris vert, très molle et fourchue, les deux branchesaiguës qui la terminent font qu’elle ressemble à un double dard que le reptile branditdans sa gueule surtout quand il menace de mordre ; on en a fait l’emblème de laCalomnie. Le corps est d’un gris cendré ou brun avec une ligne noire en zig-zag surle dos, une rangée de taches noires occupe chacun des flancs ; le dessous ducorps est d’un gris d’acier ou de couleur ardoisée, quelquefois rougeâtre. La queueest plus courte et plus obtuse que celle des couleuvres. La longueur de la vipère estau maximum de soixante-dix centimètres, rarement elle en atteint quatre-vingt-cinqou même quatre-vingt ; il y en a qui n’ont que quarante centimètres. La vipèrecommune se trouve assez fréquemment dans notre belle France, on pourraitpresque dire particulièrement et même exclusivement. On la rencontre dans le boisde Montmorency, dans la forêt de Fontainebleau, et dans plusieurs provinces dumidi, dans la Bourgogne, etc.
La vipère ammodyte ou à museau cornu. ―Vipera ammodytes ;coluberammodytes, Linn. ;vipera illyrica, Aldrovandi. Cette vipère est d’une teintegénérale d’un brun terreux avec des taches triangulaires, brun foncé sur le dessusdu corps ; son caractère le plus singulier, c’est d’avoir le museau prolongé en unepointe molle retroussée, couverte de petites écailles ; la tête est plus triangulaire,son aspect plus hideux que celui de la vipère commune, et comme elle atteint assezcommunément la taille d’un mètre, elle est beaucoup plus redoutée des paysans duDauphiné et de la Provence. On ne l’a encore trouvée en France qu’aux pieds desAlpes. Elle est commune dans le sud-est de l’Europe. Elle recherche les lieuxarides, les pentes des rochers exposés en plein soleil, et se nourrit de petitsquadrupèdes et d’oiseaux dans les nids desquels elle établit souvent son domicile.
La vipère péliade. — Encore désignée sous le nom devipère de Fontainebleau,elle ressemble absolument à la vipère commune, avec cette différence qu’elle a unegrande plaque sur le sommet de la tête, qui elle-même est peu rétrécie au cou, ce
qui lui donne l’aspect d’une couleuvre. Il y en a une variété toute noire ; taille dequarante centimètres au plus, elle se rencontre plus communément dans les forêtsde Fontainebleau, de Compiègne, de Montmorency et dans tout le nord, que lavipère commune : elle a même été trouvée jusqu’en Norvège. Sa ressemblanceavec la couleuvre vipérine est telle, que M. Dumeril, professeur d’erpétologie auMuséum, a confondu un jour les deux espèces, et cette erreur a été cause d’unaccident sur sa propre personne qui n’a pas été sans lui causer quelque inquiétude.
Appareil venimeux de la Vipère.L’appareil spécial auquel les vipères doivent leurs dangereuses facultés, secompose d’une glande volumineuse placée de chaque côté de la tête, au-dessousde l’œil et chargée de sécréter le venin. Cet organe glandulaire se trouve situé sousles muscles crotaphytes, son canal d’excrétion est représenté par un conduit dontdeux crochets recourbés et mobiles de la mâchoire supérieure sont pourvus. Voicicomment Cuvier décrit la disposition des crochets chez les serpents venimeux :« Ces os (les maxillaires supérieurs) sont fort petits, portés sur un long pédiculeanalogue à l’apophyse ptérigoïde externe du sphénoïde, et très mobiles ; il s’y fixeune dent aiguë percée d’un petit canal qui donne issue à une liqueur sécrétée parune glande située sous l’œil. C’est cette liqueur qui, versée dans la plaie par ladent, porte le ravage dans le corps des animaux, et produit des effets plus ou moinsfunestes suivant l’espèce qui l’a fournie. Cette dent se cache dans un repli de lagencive, quand le serpent ne veut pas s’en servir, et il y a derrière elle plusieursgermes destinés à se développer et à la remplacer si elle se casse dans la plaie.Les naturalistes ont nommé les dents venimeuses crochets mobiles, mais c’estproprement l’os maxillaire qui se meut ; il ne porte point d’autres dents, en sorte quechez ces serpents malfaisants, l’on ne voit dans le haut de la bouche que les deuxrangées de dents palatines[1]. »Quand la morsure a lieu, la glande sécrétoire enveloppée d’un tissu fibreux, setrouve comprimée par les os de la mandibule et par le muscle crotaphite ;nécessairement alors le fluide délétère s’épanche dans la plaie opérée par lescrochets redressés, en passant par le conduit intra-dentaire qui se prolonge,jusqu’à la pointe de la dent.Les glandes qui préparent ou qui sécrètent l’humeur venimeuse, sont constituéespar des follicules rameux dont les petites tiges frangées porteraient des feuilléespennées, creusées de petits canaux qui tous aboutissent dans un conduit lequeldevient le canal unique et excréteur qui lui-même aboutit dans la dent, après s’êtrelégèrement dilaté pour former une sorte de réservoir où l’humeur sécrétée peuts’accumuler. M. Soubeyran dit que cette humeur ne s’écoule pas d’une manièrecontinue ; c’est que le crochet, en se repliant pour rentrer dans la bouche, détermineun pli ou un point d’appui sur l’os en bascule dans la direction du conduit dont lesparois rapprochées l’obstruent ainsi momentanément.
Étude des mœurs de la Vipère.
La vipère commune est aussi petite, aussi faible,aussi innocente en apparence que son venin estdangereux. Ses couleurs ternes et sombres, sesmouvements agiles, ne sauraient en aucunefaçon lui attirer une attention que l’affreux poisondistillé par ses crochets lui a mérité de touttemps.(Lacépède.)
La vipère recherche les cantons boisés, montueux et pierreux, les terrains en penteau midi, la lisière des taillis secs, les rochers et les sables exposés au soleil.Quoique moins craintive que les couleuvres, elle fuit dès qu’elle entend du bruit ;cependant, comme elle est lente dans ses mouvements et qu’elle dort au soleildans les sentiers des bois, on risque souvent de marcher dessus quand on n’y faitpas attention. Il y a des cas pourtant où, confiante dans sa force, c’est-à-dire dans
le poison qu’elle distille, elle n’hésite pas à se jeter sur les animaux et même surl’homme qui la dérangent.Elle habite toute l’Europe tempérée et méridionale, on la trouve aux environs deParis, de Rouen, de Lyon, de Grenoble, de Poitiers, d’Angers, de Montpellier, deToulouse, de Bordeaux et dans toute la France ; dans les îles Britanniques, enAllemagne, en Suède, en Pologne, en Prusse, en Italie et jusqu’en Sibérie et enNorvège.Pendant l’hiver, les vipères sont réunies en certain nombre dans des trous, sousdes tas de pierres, dans des fentes de rochers, sous des souches et dans du boismort et des fagots, où réunies et entrelacées en nombre quelquefois considérable,elles s’endorment d’un sommeil léthargique pendant les quatre mois de larigoureuse saison.Cependant, si le thermomètre remonte à une température moyenne de quinzedegrés, elles se raniment et sortent quelquefois de leurs retraites en plein mois dedécembre. Ainsi donc il ne serait pas étonnant qu’on trouvât la vipère dansquelques granges si mal entretenues de nos campagnes, où l’on va même jusqu’àrassembler du bois. Abritée ainsi, elle peut, quand la température n’est pas trèsbasse, exercer son venin sur nos animaux domestiques. L’aventure curieuse quiarriva à un fermier de Sologne le jour de ses noces, vient à l’appui de ce que nousavançons : Quarante personnes étaient réunies autour de la grande table de lacuisine pour célébrer ce grand jour par un de ces repas homériques à la mode dupays ; dehors il gelait à pierre fendre et l’on avait calfeutré avec soin toutes lesouvertures de la salle. Un grand feu brûlait dans l’âtre, et, pour l’alimenter toute lanuit, on avait entassé dans un coin une montagne de fagots et de genêts.Au moment où le marié, qui était bon chanteur, allait entonner le premier coupletd’une ronde interminable, un grand bruissement se fit entendre dans les feuilles etles branches sèches ! L’assistance crut que c’était une nichée de rats et lesquolibets se mirent à pleuvoir. Le marié furieux, s’approcha et tira brusquement lesbranches des fagots : quelque chose sauta en bas, puis autre chose encore, puisdix, puis vingt… La salle était pleine de vipères qui, réveillées par la chaleur eteffarées par le bruit, couraient dans tous les sens en sifflant et en cherchant uneissue ! Qu’on juge de l’épouvante générale : c’était un danger affreux !Heureusement qu’il n’y avait là que de robustes paysannes qui ne se trouvèrent pasmal, et que les spectateurs eurent l’heureuse idée de monter sur la table pèle-mêleavec les plats et de renverser les bancs sur lesquels ils étaient assis. À cettehauteur, ils étaient à l’abri comme sur un îlot, et ils voyaient sans crainte le flot devipères rouler autour d’eux sans pouvoir les atteindre.Enfin une fille de ferme qui était restée au dehors entendit leurs appels réitérés, etsur l’ordre de son maître, ouvrit les fenêtres et les portes ; le froid qui pénétra eutbien vite calmé l’agitation des vipères qui rentrèrent successivement dans leursfagots qu’on jeta dans la cour. En les défaisant le lendemain, on y trouva plus detrente de ces reptiles engourdis, et qui, repliés sur eux-mêmes, ne formaient qu’unegrosse boule hideuse !C’est surtout dès les premiers beaux jours du printemps, dans la matinée, qu’on lesvoit recevoir la bénigne influence du soleil sur les collines exposées au levant.Bientôt elles s’accouplent et restent pendant un temps fort long, dans une copulationdont le résultat est de vivifier de douze à vingt-cinq œufs, à peine aussi gros queceux des roitelets et des mésanges et qui éclosent dans le ventre de la femelle ; là,le vipereau, roulé sur lui-même, atteint la taille d’un décimètre environ avant deparaître à la lumière, ce qui arrive habituellement dans le quatrième mois qui suitl’accouplement.La vipère se nourrit de petits quadrupèdes, de souris, de mulots, de taupes, delézards, de grenouilles, de crapauds, de salamandres, de jeunes oiseaux etd’insectes, comme des mouches, des fourmis, des cantharides et même desscorpions selon Aristote. Elle mange aussi des mollusques et des vers, et demême que tous les ophidiens, elle peut, sans en souffrir notablement, supporter unjeûne de plusieurs mois.La vipère, comme les autres serpents venimeux, ne s’élance sur l’homme ou lesanimaux que quand elle y est forcée ; presque toujours elle fuit, rarement ellepoursuit. Lorsqu’elle se voit menacée, alors elle se roule sur elle-même, en formantplusieurs cercles concentriques ou superposés : tout le corps est ramassé sous latête. « Celle-ci est placée au sommet et au centre de cet enroulement, retirée unpeu arrière par une espèce de crochet de la dernière vertèbre cervicale, commeune vedette toujours en observation, comme un trait toujours prêt à partir. Lorsquel’animal veut s’élancer, il se débande comme un ressort, allonge sa masse avec
une telle vitesse, que pendant un instant on le perd de vue, que l’éclair n’est pasplus prompt[2]. » Dans cette impulsion, la vipère franchit un espace tout au plus égalà sa longueur, la queue constamment appuyée sur le sol, elle se trouve ainsitoujours prête à reprendre sa position première, c’est-à-dire à s’enrouler denouveau pour s’élancer une deuxième fois quand elle a manqué son coup, ouqu’elle veut en frapper un second. Cette position particulière n’est pasindispensable au serpent pour qu’il puisse frapper son adversaire, ce n’est quequand il veut s’élancer à une certaine hauteur qu’il doit se plier en cercle. Pouropérer sa morsure, la vipère ouvre largement la gueule, redresse ses crocs, lesplace dans la direction qu’elle veut atteindre et les enfonce par le mouvement de latête, qui lui sert comme d’un marteau, et les retire immédiatement. La mâchoireinférieure, qu’elle rapproche en même temps, lui sert de point d’appui pourfavoriser l’introduction des crochets. Quand elle a manqué son coup, ou qu’elle estviolemment irritée, elle renouvelle ses morsures.Les vipères ont la vie très dure, on cite l’histoire d’un de ces animaux qui, aprèsavoir subi des tortures, fut posé et arrangé sur du plâtre pour en obtenir un moule etqui le lendemain, lorsque l’artiste enleva la calotte qui le recouvrait, s’échappa pleinde vie et en cherchant à mordre la main qui le délivrait. On a vu des vipères survivreà la submersion pendant plusieurs heures dans l’huile, même dans l’eau-de-vie.Des têtes cherchaient à mordre, après qu’on les avait séparées du tronc pour enobtenir des bouillons médicinaux. Dans beaucoup d’officines de pharmacien, on laconserve dans des tonneaux pendant plusieurs années sans lui donner à manger.
Étude des venins.
On désigne sous le nom de venin un produit toxique sécrété physiologiquement pardes animaux, et dont les effets varient depuis la simple démangeaison, jusqu’auxsouffrances qui peuvent déterminer la mort.Les venins diffèrent des virus en ce que ceux-ci sont des produits morbides,accidentels, hétérogènes à l’organisme, dont les effets sur l’économie ne semanifestent qu’au bout d’un certain temps ; ils ont besoin d’une périoded’incubation, tandis que l’action des venins est toujours instantanée.Chez la vipère, le venin se présente sous la forme d’un liquide de consistancetenant le milieu entre celle de l’huile d’olive et du solutum aqueux de gommearabique, il est transparent, visqueux, dépourvu de réaction acide et alcaline. Chezles serpents à sonnettes et chez les trigonocéphales, le venin, qui est des plusactifs, est d’une couleur verte. Chimiquement, ce produit physiologique estcomposé chez les vipériens, d’eau, d’un principe colorant jaune soluble dansl’alcool, de matières animales, telles que de l’albumine ou de mucus, d’une matièregrasse, de sels, et enfin d’un élément essentiellement venimeux désigné sous lenom de vipérine. La vipérine ressemble beaucoup à la ptyaline, principe actif de lasalive des mammifères dont elle s’en distingue par quelques réactions alcalines.Placé sur la langue, le venin produit une sensation de saveur fraîche analogue àcelle de la graisse des animaux, mais qui laisse à la gorge un goût excessivementâcre et désagréable. Son odeur est à peu près celle de la graisse de la vipère,quoique moins nauséabonde. Lorsqu’on l’a soumis à la chaleur, il se dessèche endevenant épais et collant aux corps qui le touchent, et enfin il se durcit en formed’écailles. Il parait être de nature gommeuse.Si l’on met du venin de vipère, ou de la vipérine, dans un vase avec du sang d’unanimal à sang chaud, ce sang noircit et devient incoagulable. Le même effet seproduit avec le sang de reptile naturellement peu plastique. Avec le sang demammifères, il ne surnage pas de sérum, mais il s’en forme beaucoup au contraireavec celui des reptiles et des batraciens.Fontana s’est livré à des recherches multipliées sur le venin de la vipère, dans lebut de déterminer la gravité des morsures de ce reptile venimeux. Dans sesexpériences, qui se rapprochent de six mille, il a reconnu différents faits dont nousallons donner le résumé :Le venin de la vipère est sans action sur les animaux à sang froid ; inoculé àl’escargot, à la limace, à la couleuvre, à la vipère elle-même, il reste sans effet.Il est toxique pour les animaux à sang chaud. La dose nécessaire pour déterminerla mort est subordonnée à l’espèce qui la reçoit, à la taille et à l’âge du sujet.
1/2 milligramme tue un moineau,3 — un pigeon,15 centigrammes seraient nécessaires pour tuer un homme60 — ou un bœuf.La vipère commune n’en fournissant que 10 centigrammes environ, il est rarequ’elle puisse tuer un homme, tandis que le trigonocéphale et surtout le serpent àsonnettes, beaucoup plus volumineux, en fournissent une quantité suffisante pourfaire périr non-seulement un homme, mais même de gros mammifères.Mangili[3] a prouvé par de nombreuses expériences, contrairement à ce queFontana avait avancé, que le venin pouvait être pris à l’intérieur sans déterminerdes accidents. Ce que l’on sait aujourd’hui de l’action décomposante du sucgastrique sur toutes les substances animales, explique pourquoi le venin de lavipère est sans effet quand il a été mis en contact avec les parois de l’estomac.Claude Bernard a vu, en faisant manger une soupe envenimée assaisonnée avecdu curare à un chien, que le suc gastrique ne détruisait pas les propriétés toxiquesdu venin, puisque le contenu de l’estomac retiré à l’aide d’une fistule gastrique etinoculé à des animaux à sang chaud, leur avait donné la mort en deux minutes, bienque le carnivore n’en eût ressenti aucun effet. Probablement qu’il aurait obtenu unrésultat opposé si le séjour du poison dans l’estomac eût été plus long.Fontana avait prétendu que le venin, desséché et conservé depuis plus d’un an,inoculé dans le tissu cellulaire d’un animal, ne déterminait aucun effet. Mangili aprouvé que les accidents étaient aussi redoutables que s’il était frais. Voici desfaits qui viennent à l’appui de son assertion. On cite l’histoire d’un homme qui futmordu au pied à travers ses bottes et qui en mourut. Ces chaussures passèrentsuccessivement à deux personnes qui périrent peu d’instants après les avoir mises.On découvrit que le crochet assassin était demeuré engagé dans le cuir et avaitlégèrement blessé ces deux malheureux.Des empailleurs, des préparateurs naturalistes ont éprouvé des accidents graves,pour s’être piqués à des crochets venimeux qui étaient conservés depuislongtemps dans l’alcool.Pour qu’un venin agisse, il faut qu’il se trouve en contact avec une plaie ou unesurface dénudée. Toutes les parties du corps ne transmettent pas égalementl’influence du poison. Quand le produit léthifère est déposé sur le cerveau, les nerfs,la dure-mère, il ne donne lieu qu’à des symptômes peu appréciables, quelquefoisnuls. Introduit au contraire par la peau dépouillée d’épiderme ou par le tissucellulaire, il agit avec une extrême promptitude. Les mamelles, le ventre, le poitrailsont les régions les plus susceptibles de présenter les phénomènes les plusgraves.L’effet du venin appartenant à une espèce de serpent varie en intensité avec l’âge,la taille, le climat, la température, la saison et la quantité du produit toxique. Il serad’autant plus dangereux que l’ophidien sera plus âgé ; il le sera plus dans lesclimats chauds que dans les climats tempérés, pendant l’été que pendant l’hiver. Ilfaut aussi le dire, la piqûre sera plus à redouter le matin que dans l’après-midi, etelle sera peut-être inoffensive, si le serpent vient de verser son produit délétère.Voici des expériences qu’on a faites à ce sujet. On a fait piquer successivement etcoup sur coup plusieurs animaux par un serpent : le premier mourait trèspromptement ; le deuxième éprouvait des accidents fort graves et ne tardait pas àmourir ; enfin, le dernier n’en ressentait aucun désavantage. C’est probablement àces diverses particularités, jointes à la quantité peu considérable de venin sécrétépar la vipère, qu’il faut attribuer la fréquence de guérison de ces sortes demorsures.L’influence des venins ne s’exerce pas seulement sur les êtres du règne animal,mais il est encore prouvé expérimentalement qu’elle atteint et frappe de mort pourquelque temps, le végétal qui en a été inoculé ; si la dose est en quantité suffisante,il meurt pour toujours.En résumé de ce qui précède, nous dirons : 1° La morsure de la vipère,abandonnée à elle-même, est toujours suivie d’accidents graves, elle peutdéterminer la mort, surtout chez les sujets faibles. 2° Lorsque la vipère est prisedepuis peu, sa morsure est plus dangereuse que dans le cas où on l’a gardéelongtemps, cependant elle ne perd pas entièrement ses qualités venimeuses lorsmême qu’on l’a tenue longtemps enfermée sans lui donner de nourriture. 3° Si lavipère mord plusieurs fois dans la journée, la première morsure est la plus délétère,tout étant égal d’ailleurs. 4° Les animaux meurent plus promptement s’ils sontmordus un égal nombre de fois dans deux parties, que s’ils ne le sont que dans une
seule. 5° La partie qui a reçu seule autant de morsures que les autres ensemble estsujette à une maladie externe beaucoup plus grave. 6° Le danger que courent lesanimaux qui ont été mordus, est en raison de l’intensité des symptômes et de lapromptitude avec laquelle ils se manifestent. 7° Les climats, les saisons, letempérament influent singulièrement sur la nature et la marche plus ou moins rapidedes symptômes occasionnés par la morsure de ces animaux. 8° En général, levenin peut être introduit impunément dans l’estomac, il en est de même lorsqu’onl’applique sur les nerfs. 9° Les accidents qu’il détermine paraissent dépendre deson absorption, de son transport dans le torrent de la circulation et de l’action qu’ilexerce sur le sang ; desséché, il agit encore avec la plus grande intensité.
CHAPITRE II
Des ennemis de la Vipère et des suites de sa morsure.
Les ennemis que la vipère possède dans la nature sont peu nombreux. L’homme luifait une guerre acharnée continuelle en vue d’en obtenir quelques soulagements auxmaux qui l’accablent, ou de se débarrasser d’un voisinage dangereux pour sapropre personne et pour les animaux domestiques ses fidèles compagnons detravail. Parmi ces derniers, le porc est celui qui résiste le plus à l’action desophidiens venimeux de nos pays ; on l’a vu souvent dévorer ces reptiles et n’enéprouver dans la suite aucun effet ; c’est l’épaisseur de son lard qui le met à l’abride leurs morsures. Les faucons et les hérons se nourrissent de la vipère, la poule luifait aussi la guerre avantageusement. Tous les autres animaux domestiques ousauvages la fuient.Dans certaines contrées de la Russie et de la Sibérie, on porte dit-on un respectsingulier aux vipères, par suite de la croyance où l’on est que, si l’on venait à tuer unde ces reptiles, on s’exposerait immédiatement à la vengeance de tous les autresindividus de son espèce. En conséquence ces animaux que personne ne cherche àcombattre, se multiplient là d’une façon incroyable, tandis que dans les contréesplus civilisées de l’Europe, le nombre en diminue progressivement de jour en jour.Le danger qui accompagne la morsure de la vipère chez l’homme, est une causesuffisante pour expliquer l’espèce de proscription à laquelle elle est vouéegénéralement. De tous les reptiles venimeux de l’Europe, elle est sans contredit,celui dont la piqûre détermine dans l’espèce humaine les symptômes les plusgraves, les plus effrayants, le plus souvent mortels, quoique pour empêcher l’effetdélétère de ses piqûres, il suffise, à l’exemple des charlatans de l’Europe, deboucher avec une cire molle le trou de chacun de ses crochets à venin, sans quemême il soit besoin d’imiter les Psylles de l’Inde et les jongleurs de l’Égypte, quiarrachent complètement ceux-ci.De tous les animaux domestiques qui se trouvent au service de l’homme, le chien,cet ami si fidèle et si utile, est celui qui est le plus exposé à la morsure de la vipère ;c’est aussi pour lui qu’elle est le plus redoutable. C’est pendant qu’il travaille pourson maître à la recherche du gibier dans les bois et dans les taillis, qu’il estordinairement atteint par ces animaux venimeux. Le cheval, l’âne, le mulet et lebœuf, sont susceptibles d’être piqués alors qu’ils pacagent dans les prairies, surles lisières des bois et dans les forêts ; c’est aussi dans ces conditions que lemouton se trouve exposé à être atteint par ces espèces d’ophidiens. Lesexpériences fort intéressantes de Paulet démontrent que la piqûre de la vipère n’estnullement dangereuse pour les solipèdes et les ruminants, le mouton excepté. M.Chanel rapporte cependant un fait qui se trouve être en contradiction avec ce qu’adit Paulet ; il cite un cas d’une jument poulinière qui succomba d’une morsure devipère à la mamelle ; M. Cruzel, de Grenande[4] dit qu’il a vu plusieurs bœufs piquésaux lèvres par la vipère, mais que jamais il n’en a vu mourir des suites de cettepiqûre. Voici comment s’exprime ce praticien distingué : « D’ailleurs unecirconstance particulière préserve souvent les bœufs de l’absorption du venin de lavipère. On sait qu’elle est la contexture anatomique de la langue du bœuf ; elle estrecouverte d’une membrane épidermoïque qui acquiert la dureté et la forme d’unerâpe. Cette langue est longue, très flexible, et le bœuf s’en sert pour se gratter, selécher, etc. Or, à la plus légère sensation que peut lui faire éprouver la piqûre de lavipère, faite aux lèvres, comme à d’autres parties où elle peut atteindre, la languevient passer vivement sur l’endroit où existe la sensation subite, et dans le cas depiqûre de la vipère, elle enlève d’un seul coup le venin déposé bien souvent, selon
toutes les probabilités, avant qu’il ait eu le temps d’être absorbé. Une fois enlevépar la langue, il se trouve délayé dans la salive, ou du moins passe dans les voiesdigestives, et ne peut plus produire aucun effet malfaisant. »Les chimistes, les zootomistes, les naturalistes, les médecins, les empiriques sesont efforcés les uns d’apprécier la nature du venin de la vipère ; quelques-uns ontcherché à en déterminer les effets d’une manière précise, enfin les autres ont vouludécouvrir les moyens les plus efficaces pour en arrêter les effets. De leurs travaux,créés sur une foule d’hypothèses plus ou mois absurdes, ont jailli quelques véritésutiles. Ce sont celles-ci que nous avons pris à tâche de signaler, en passanttoutefois sous silence l’opinion du pharmacien Charas, qui prétendait que le veninde la vipère résidait, non pas dans la liqueur versée par les crochets, mais biendans ses esprits irrités.
Symptomatologie.
Nous avons déjà eu l’occasion le dire que le venin de la vipère n’est constammentmortel que pour les animaux d’un petit volume, et paraît d’autant plus dangereuxpour les grandes espèces que le serpent avait, au moment de l’attaque, une plusgrande quantité de venin en réserve ; qu’il a multiplié davantage ses morsures ; quela température du climat ou de la saison est plus chaude. Les symptômes, qui sontlocaux et généraux, sont donc plus ou moins formidables, selon ces diversescirconstances
Symptômes locaux. La morsure est d’abord peu sensible ; mais quelques instantsaprès, la région devient le siège d’une douleur aiguë qui ne tarde pas à s’irradierau loin. En même temps, une tuméfaction accompagnée d’élancements se produitautour de la partie atteinte, souvent cette enflure gagne tout le corps, et au bout dequelques minutes seulement la vie est détruite ; dans ce cas, les derniers momentsde l’agonie paraissent être extrêmement douloureux. Heureusement, il n’en est pastoujours ainsi ; le plus souvent l’engorgement œdémateux ainsi que l’auréoleinflammatoire sont limités aux parties avoisinant la piqûre, dont les bordsprésentent quelques petites phlyctènes. La douleur et l’inflammation semblentsuivre le cours des gros cordons nerveux et des vaisseaux lymphatiques ; une sortede feu semble glisser dans les espaces intermusculaires. Souvent les accidentss’arrêtent là et le blessé ne tarde pas à ressentir les effets d’une heureuse guérison.Dans certaines circonstances, les symptômes locaux sont alarmants, maiscependant pas assez forts pour résister au principe vital. C’est ainsi qu’on a étéplusieurs fois témoin de la guérison d’une piqûre de vipère qui avait déterminé desengorgements considérables, des colorations violacées de la peau, sonrefroidissement et même la formation d’escharres gangréneuses dont l’éliminationétait suivie du retour à l’état normal de toutes les fonctions. Tous ces phénomènesne se montrent que chez le chien ou le mouton, ceux que présentent nos grandesespèces sont d’une faible intensité ordinairement.
Symptômes généraux. Inappétence, dypsnée extrême, surtout quand la piqûre a étéfaite dans la région de l’encolure, principalement dans celle de la gorge ; le poulsest dur, fréquent et irrégulier. Bientôt se manifestent des vertiges, des lipothymies,des nausées, des tremblements, des vomissements de matières jaunes, destroubles intellectuels, des crampes, des convulsions ; on remarque aussi dessueurs froides et collicatives. La bouche sèche s’enflamme, la soif devient intenseet inextinguible, la langue se tuméfie au point de ne pouvoir plus être contenue dansla bouche, le sphincter de l’anus se relâche, une sorte de paralysie du col de lavessie se produit, et comme conséquence on observe des défécations et desévacuations d’urine involontaires. Le froid, qui n’existait d’abord qu’aux extrémités,gagne de proche en proche tout le corps, et la mort ne tarde pas à mettre un termeaux souffrances atroces qui dévorent le malade.De même qu’ils varient en intensité, les accidents se développent avec plus oumoins de rapidité. On a vu mourir en trente-sept heures des chiens qui avaient étémordus à la cuisse par une vipère, tandis qu’il y en a d’autres qui n’ont pas résistéplus de huit heures à l’influence du venin de ce reptile. Cette différence n’est pasétonnante aux yeux de celui qui se donne la peine de réfléchir, et peut êtreexpliquée d’une part, par des circonstances relatives à l’animal agresseur, commesa force, sa grosseur, le degré de colère dans lequel il est plongé, la quantité de
venin qu’il a versé dans la plaie, le nombre de morsures qu’il a faites, la contréeplus ou moins méridionale qu’il habite, la température de la saison ; et, d’autre part,par des causes appartenant à l’animal blessé, telles que sa constitution, son âge,sa susceptibilité nerveuse, la frayeur qu’il a pu éprouver, l’état de plénitude ou devacuité de ses viscères digestifs au moment de l’accident, la nature de la partielésée et sa structure plus ou moins vasculaire.M. Léon Soubeiran, dans sa thèse sur la vipère et son venin, cita le fait curieux d’unindividu qui, mordu six ans auparavant, affirmait que chaque année pendant unmois, à partir de l’époque correspondante à celle de la morsure, il éprouvait desdouleurs assez vives dans le bras siège de cette lésion.M Georges Villers, du Calvados, a constaté une enflure périodique se reproduisantchez des chiens pendant plusieurs années à la suite de morsures de vipère. Lapremière observation n’était donc pas un fait unique et offrait plus que l’intérêt d’uncas exceptionnel. LaGazette hebdomadaire a publié dans son numéro du 6novembre 1864, une nouvelle observation dans laquelle M. le docteur Demeurat, deTournan, montre une femme de soixante-cinq ans, laquelle fut mordue à l’avant-braspar une vipère, et qui depuis trente-neuf ans ressentait sur le siège de la morsure,le 28 mai de chaque année, une éruption bulleuse avec sentiment d’urtication, sansque la santé de la malade en éprouvât aucune altération.
Nécropsie. — Il est digne de remarque que les recherches ne font découvrir aucuneespèce d’altération matérielle. Le sang seul, modifié dans son caractère, est noir,fluide, incoagulable. Certains physiologistes connus par leurs savantes recherches,au nombre desquels nous devons citer Fontana, Claude Bernard, Bérard, ont vu lesglobules rouges déformés, plus volumineux qu’à l’état normal.
Traitement.
La morsure de la vipère, comme toutes les plaies envenimées, exige des soinsimmédiats ; car il importe surtout de neutraliser le poison avant qu’il ait pénétrédans le torrent circulatoire. Trois indications se présentent tout d’abord : 1°Interrompre la communication de la partie blessée avec la circulation générale ; 2°faire sortir le venin de la plaie ; 3° le détruire sur place.La première chose à faire après une piqûre de vipère, c’est d’exercer lacompression. Ce moyen mécanique s’exerce avec le premier lien venu qui tombesous la main : une corde, une cravate, un mouchoir, un lien d’osier peuvent être unmoyen de salut. Inutile de dire comment la ligature retarde l’absorption ; il se produitalors ce qui se passe quand un tube à parois souple donne passage à un filet d’eauet qu’il vient à être comprimé. Les ligatures qui déterminent la compression nedoivent pas être serrées trop fortement et demeurer trop longtemps en place, parcequ’elles pourraient déterminer des congestions mécaniques dans les partiesexcentriques et devenir la cause d’une mortification des tissus.La deuxième indication ayant pour but l’élimination du produit léthifére se remplit dela manière suivante. Immédiatement après avoir appliqué la ligature, on scarifie lesenvirons de la plaie, au-dessous du lien qui détermine la compression. Cettemesure est conseillée par les uns et repoussée par les autres. Ceux-ci disent queles scarifications favorisent l’absorption du venin, comme en général toutes lesévacuations sanguines. Cette manière de voir a il est vrai pour fondement lesdonnées d’une saine physiologie et il serait illogique de la réfuter ; maisréfléchissons un peu à l’état des choses au moment où la compression existe etquand les scarifications sont faites. Il y a écoulement du sang infecté et une grandedifficulté pour lui de revenir dans le centre de l’arbre circulatoire. Par conséquent, sil’absorption est favorisée, ce n’est que d’une manière simplement locale, et ce quiest absorbé d’un côté est éliminé de l’autre presque immédiatement après. Tousles phénomènes qui se produisent ne sont que locaux.Les Indiens de la Floride connaissent les résultats de la compression ; ils en fontusage pour toute espèce de plaies envenimées. Ils ont le soin, quelques instantsaprès avoir appliqué leur ligature, de la desserrer à plusieurs reprises. Ainsi, ilsfractionnent la quantité de venin en un grand nombre de petites doses dont l’actionde chacune reste pour ainsi dire sans produire aucun effet. Il faut se défier desremèdes empiriques auxquels l’ignorance des paysans ajoute une si grande foi, etdont d’habiles médecins ont démontré par expérience la plus complète inefficacité.
En médecine humaine on recommande la succion instantanée comme moyenhéroïque. Peu de personnes voudraient l’employer chez nos animaux domestiques.Les Psylles, chez les anciens, suçaient sans danger les plaies des serpentsvenimeux. Dans les Antilles, il y a des Nègres qui exercent encore cette profession.On supplée à la succion au moyen d’une ventouse ; mais comme cet instrumentpeut faire souvent défaut, on prend un flacon chauffé dont on applique l’embouchuresur la plaie. La ventouse ou le flacon ont l’avantage d’opérer outre l’effet de lasuccion, celui d’empêcher ou de diminuer l’absorption par la pression que leur borddétermine autour de la piqûre. En attendant que l’appareil soit porté à latempérature voulue, on lave à grande eau les bords et l’intérieur de la plaie. Dans lecas où on n’est pas à la portée d’une source ou d’un courant d’eau, on se procurepar un acte physiologique, placé sous la dépendance de la volonté, une certainequantité de liquide sécrété par les reins et en réserve dans la vessie.La première et la deuxième des conditions étant remplies, il en reste encore unetroisième qui consiste à neutraliser le venin déposé dans les plaies ; on y parvient àl’aide de caustiques soit actuels, soit potentiels. Les premiers sont ceux quipeuvent être employés le plus fréquemment : une tige de fer, soit un clou, soit unelame de couteau chauffée au blanc forment tout l’appareil nécessaire pourcautériser une plaie. Parmi les caustiques potentiels, l’ammoniaque est celui qui aété le plus employé, elle est devenue d’une grande popularité surtout depuisBernard de Jussieu. Les chasseurs ont soin de se munir de ce léger caustique etd’en frictionner les bords de la plaie après en avoir instillé quelques gouttes dansl’intérieur de celle-ci. L’efficacité longtemps attribuée à l’ammoniaque tenaitbeaucoup au peu de gravité des blessures qui auraient pu guérir sans aucun soin.Aujourd’hui que l’on croit moins au grand danger de la morsure de la vipère, laréputation de l’ammoniaque est un peu tombée, et c’est avec raison ; car en réalitécet alcali n’est pas assez actif pour la morsure des grosses vipères, c’est-à-direquand il y a un danger réel. On doit employer comme caustique plus énergique, lapotasse caustique, la chaux, l’azotate d’argent, le chlorure d’antimoine, des acidespuissants, l’huile bouillante, les moxas. On fait usage de substances âcres etirritantes, comme le tabac, la moutarde, l’oignon, certains euphorbes et surtoutl’Euphorbia cyparicias. Nous comptons peu sur l’efficacité de ces diversesmatières.M. le docteur Rodet, de Lyon, a préconisé une liqueur antivirulente sur laquelle, deconcert avec son frère, directeur de l’École vétérinaire de la même ville, il a fait desexpériences qui prouvent en sa faveur, surtout pour les venins. En voici la formule :Pr. > r> g ammes.>>>>>>Faites dissoudre l’acide citrique dans l’eau et ajoutez successivement l’acidechlorhydrique et le perchlorure.Cette préparation vient, comme l’a dit M. Tabourin, remplacer avec avantage leflacon d’alcali que contient ordinairement la gibecière du chasseur.On emploie avec succès des frictions d’ammoniaque, de vinaigre, d’eau-de-vie, dujus de citron, etc. ; des compresses imbibées avec ces substances produisent detrès bons effets. Nos soldats de l’Algérie ne connaissent guère que l’emploi dutrois-six contre les morsures de la vipère. Les phlegmons, les abcès, la gangrènelocale qui se développent quelquefois sont traités par des moyens thérapeutiquesparticuliers dont je ne m’occuperai pas ici.Voici une autre préparation qui a procuré de grands succès :Pr.>>grammes.>>> gramme 25.>M. Instillez dans la plaie une quantité suffisante.
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