Mémoires et « Mémoires ». Marau Taaroa et l historiographie de Tahiti - article ; n°34 ; vol.28, pg 49-65
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Description

Journal de la Société des océanistes - Année 1972 - Volume 28 - Numéro 34 - Pages 49-65
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1972
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre V. Lagayette
Mémoires et « Mémoires ». Marau Taaroa et l'historiographie de
Tahiti
In: Journal de la Société des océanistes. N°34, Tome 28, 1972. pp. 49-65.
Citer ce document / Cite this document :
Lagayette Pierre V. Mémoires et « Mémoires ». Marau Taaroa et l'historiographie de Tahiti. In: Journal de la Société des
océanistes. N°34, Tome 28, 1972. pp. 49-65.
doi : 10.3406/jso.1972.2353
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jso_0300-953X_1972_num_28_34_2353ET « MÉMOIRES » MÉMOIRES
MARAU TAAROA
et
l'historiographie de Tahiti.
L'ouvrage qui vient de paraître avec le n° 27 dans la série des « Publica
tions » de la Société des Océanistes, attirera, à plus d'un titre, l'attention
de tous ceux qui s'intéressent aux traditions et à l'histoire de Tahiti. Ces
Mémoires de la Reine Marau, qui nous parviennent dans une traduction
de la Princesse Takau Pomare, peuvent être considérés comme le troisième
volet d'un tryptique dont les deux premiers seraient l'œuvre de l'historien
américain Henry Adams, à savoir : les Memoirs of Marau Taaroa Last Queen
of Tahiti, parues en 1893, une édition rarissime, et les Memoirs of Arii T aimai
(également intitulées Tahiti), révision substantielle de l'édition de 1893,
publiée à Paris en 1901 1. A l'origine de ces trois textes on trouve la Reine
Marau qui passe aujourd'hui du rôle d'intermédiaire à celui d'auteur. Il
n'est plus question de laisser à quiconque venu de l'étranger le soin d'écrire
l'histoire de Tahiti et de faire revivre pour nous son étrange passé. Les Mémoir
es nous présentent le point de vue le plus purement tahitien ; et l'ouvrage
de Marau, descendante des arii nui de l'île, s'oppose ainsi aux visions « exté
rieures » d'un Moerenhout, d'un Ellis et de bien d'autres qui ne purent jamais
pénétrer complètement les mystères de l'organisation sociale ou culturelle
de Tahiti dont la structure profonde leur échappait. J'en montrerai plus
loin les implications.
Ceci est le premier ouvrage de longue haleine auquel Marau se soit con
sacrée. En effet si l'on exclut les contributions au « Bulletin de la Société
des Études Océaniennes » de Papeete, Marau n'est l'auteur que des Mémoir
es et des Souvenirs, autobiographiques, à publier, qui ont été abondamment
utilisés et cités par la Princesse Takau dans sa Préface, mais dont on trouvait
déjà de larges extraits dans l'étude du Président Ernest Salmon, Alexandre
Salmon et sa Femme Ariitaimai, publiée en 1964 par la Société des Océanistes.
Une fois le Président Salmon disparu, personne ne semblait plus qualifié
1. La Société des Océanistes a publié en 1964 une traduction française de cet ouvrage
avec une excellente introduction de Bengt Danielsson (Publications, n° 12).
49 SOCIETE DES OCEANISTES
que la Princesse Takau Pomare, fille cadette et héritière spirituelle de Marau,
pour entreprendre la publication des Mémoires. Elle était la seule, et, malheu
reusement, la dernière à pouvoir reprendre le flambeau et mener le travail
de sa mère à son terme.
La Princesse fait en fin de Préface un bref historique de la composition
et de la publication des Mémoires ; il mérite d'être étoffé pour une meilleure
appréciation du texte. Quant au texte lui-même, il réclame aussi une analyse
détaillée, de par l'importance des thèmes abordés, des événements décrits,
des faits sociaux présentés et des explications fournies.
Près d'un demi-siècle sépare la composition des Mémoires de leur publi
cation et l'on est en droit de se demander comment un texte d'une telle
importance — car les historiens de Tahiti sont forts rares — a pu demeurer
dans l'ombre si longtemps.
Il est vrai qu'une sorte de fatalité avait jusqu'alors voué à l'insuccès,
total ou partiel, les tentatives de cette famille d'ariis de nous transmettre
les fondements et les grandes lignes de la tradition tahitienne. Dans ses
« Souvenirs » Marau nous apprend comment le recueil de légendes et de poèmes
compilé sous la dictée de sa mère Ariitaimai, et confié au secret d'un coffre,
fut retrouvé quelque temps plus tard moisi et inutilisable. « Avant moi »,
écrit Marau, « ma mère avait déjà... dicté tout ce qu'elle savait de nos tradi
tions proscrites par les missionnaires. Elle m'a souvent dit comment, sous
prétexte de parties de pêche, elle s'en allait au fond des vallées désertes,
emmenant avec elle des personnes âgées et versées dans la connaissance de
notre passé, pour se faire raconter secrètement par eux ce dont il n'était
même plus permis de parler. » 2
II est probable que tout ceci avait eu lieu bien avant la venue de Henry
Adams et John Lafarge à Tahiti en 1891, au temps où la campagne contre
l'idolâtrie battait encore son plein. Car Ariitaimai, lorsqu'elle conta le passé
tahitien à Henry Adams, ne parut souffrir d'aucune contrainte de cet ordre.
Pourtant Marau ne mentionne nulle part le transcription d'Adams (Memoirs
of Marau Taaroa) publiée deux ans plus tard et dont le tirage fut extrêmement
limité.
Après la destruction du premier recueil, et le modeste retentissement
d'une édition quasi-introuvable aujourd'hui, Marau se remit à la tâche et
confia son travail à l'astronome Jules Janssen en vue de publication. Ce
dernier avait déjà servi de traducteur à l'occasion de la correspondance
qu'échangèrent Marau et Henry Adams entre 1891 et 1893, et qui élucidait
pour l'historien américain certains points de détail 3. S'il s'agissait vraiment
d'élargir le champ historique des Memoirs d'Adams, on peut penser que la
deuxième tentative de Marau se situe après 1901, date à laquelle Adams
2. Mémoires, Préface, p. 38.
3. Dans une note écrite de sa main à la fin d'un texte qu'elle lui faisait parvenir, et
dont la date est antérieure à 1893, Marau annonce à Adams l'envoi prochain d'une tra
duction partielle de la légende d'Aromaiterai (Tavi) « par M. Janssen, l'astronome. »
[MS inédit, Boston, Massachusetts Historical Society.]
50 MARAU TAAROA ET L HISTORIOGRAPHIE DE TAHITI
publia sa propre édition révisée (Memoirs of Arii Taimaï) qui n'eut pas
plus de retentissement que la précédente. Quant à Janssen, il prit en charge
le texte de Marau, mais ne le publia jamais.
Pour la troisième et dernière fois Marau rassembla ces témoignages du
passé traditionnel, avec l'espoir de les abandonner enfin à la postérité. « Ce
fut », écrit-elle « après que l'épidémie de grippe espagnole eût fait disparaître
les derniers vieillards qui retenaient encore quelque chose de nos antiques
légendes... que je conçus le projet de fixer ce qui pouvait être sauvegardé. » 4
J'aimerais rapprocher cette explication de celle que donne W. W. Bolton
dans une Lettre à V Editeur parue au Pacific Islands Monthly et intitulée :
« The Memoirs of Arii Taimai »,
1923. Marau, trouvant à redire à certains passages de l'édition imprimée [des
Memoirs of Arii Taimai, Paris, 1901] rassembla des informations pour composer
un nouveau manuscrit, aidée en cela par une certaine Mrs. Handy, mais pour une
raison inconnue refusa de le publier. Le manuscrit a disparu, comme son prédé
cesseur de 1893 5.
C'est bien grâce à Willowdean Handy, à E. S. Craighill Handy, et aussi à
la Princesse Takau que cette dernière tentative, la bonne puisque la voici
publiée, évita les écueils des précédentes. Ici se situe la vraie genèse de
l'ouvrage que je vais retracer à présent.
C'est alors qu'ils étaient en route vers les Marquises, en 1920, que les
Handy, de passage à Papeete, abordèrent pour la première fois avec Marau
le projet de composition d'un exposé sur l'histoire et les traditions tahi-
tiennes dont elle avait une connaissance profonde. A la suite de ces discus
sions, et pendant leur séjour aux Marquises, les Handy entretinrent une co
rrespondance substantielle avec Takau, dans laquelle ils formulaient l'espoir
que ce projet serait mis à ex

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