Mythes de Buka, Iles Salomon. 2. Cycle de la Tubun - article ; n°11 ; vol.11, pg 37-95
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Description

Journal de la Société des océanistes - Année 1955 - Volume 11 - Numéro 11 - Pages 37-95
59 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1955
Nombre de lectures 12
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Paul Montauban
Patrick O'Reilly
Mythes de Buka, Iles Salomon. 2. Cycle de la Tubun
In: Journal de la Société des océanistes. Tome 11, 1955. pp. 37-95.
Citer ce document / Cite this document :
Montauban Paul, O'Reilly Patrick. Mythes de Buka, Iles Salomon. 2. Cycle de la Tubun. In: Journal de la Société des
océanistes. Tome 11, 1955. pp. 37-95.
doi : 10.3406/jso.1955.1846
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jso_0300-953X_1955_num_11_11_1846DE BUKA * MYTHES
ILES SALOMON
2
CYCLE DE LA TUBUN
Sept récits, mettant en scène une héroïne du nom de Tubun, offrent
un thème bien défini.
Tubun — la syllabe bun est longue, — un nom de femme, ne figure
pas dans ces contes comme une seule et même personne. Nous voyons
Tubun disparaître de plusieurs façons, se marier de manière contra
dictoire avec des individus différents. Elle réapparaît après avoir été
dévorée par un ogre. Aussi bien Tubun n'est-il pas un simple prénom.
C'est un nom de situation. La Tubun, à Buka, c'est la fille aînée. Il serait
inexact de traduire tubun par aînée, mais c'est le nom donné à la fille
aînée, comme chez nous on nommerait Cendrillon, une enfant malheur
euse, Carabosse, une fille infirme, Cassandre, une femme clairvoyante,
annonciatrice de désastres. Et, de fait, remarquons-le en passant, souvent
dans ces mythes le nom propre est un nom de situation, qu'on attribue
à un type d'un caractère déterminé : la vieille aveugle se nomme Péopéo,
le loustic sans scrupules Moukétek, la cadette Paré... L'auditeur sait
ainsi tout de suite devant qui il se trouve, revoit un personnage dont
il reconnaît le caractère social : avec une Tubun, nous avons, la certi
tude d'être en présence d'une fille aînée.
Le rôle de fille aînée est important dans la société de Buka. Nous
sommes en Mélanésie, dans une civilisation matriarcale. La lignée est
maternelle : la descendance, la parenté et toutes les. relations sociales
ont la mère pour point de départ. La femme est le truchement direct
entre l'oncle maternel et cette fille aînée, qui jouit d'un prestige consi
dérable. C'est elle qui porte et transmet la vie du clan. Elle est digne
de tous les respects, mérite des- honneurs particuliers. On lui confie des
(*) Pour le début de pet article, voir : Journal de la Société des Océanistes,
t.. VIII, 1952, p. 27-80, 38 SOCIÉTÉ DES OCÉANISTES.
secrets. Elle connaît les recettes des charmes de ses oncles et de son
père. Ses frères — Tin et Ton dans l'histoire d'Enpen — l'aident et la
soutiennent, veillant sur elle de manière à ce que la vie qu'elle porte
en elle puisse s'épanouir dans de bonnes conditions. Elle doit être res
pectée par le clan dans lequel elle va entrer, vivre dans l'aisance matér
ielle, être honorée, avoir un mari qui la traite bien, travaille pour elle,
la nourrisse convenablement, sinon, la vie s'en va et tout est brisé. Ses
utérins, également, prennent le plus grand soin d'elle. Ceux d'Enpen la
guident dans sa vengeance. L'attitude générale de la parenté lui est
aussi très favorable.
Les Tubun heureuses sont sans histoires. Nos Tubun vont connaître
des existences bouleversées et dramatiques. La du conte de la
mort n'aime pas Matubun. Celui-ci, pour lui prouver la force de son
attachement, la fait mourir, assiste à ses funérailles avec le sourire, la
ressuscite par la force ' magique de son charme, et, finalement, ayant
ainsi prouvé son amour, l'épouse. Huk non plus, trop paresseux,
n'est pas aimé par une Tubun. Il l'envoûte par la musique. Elle lui
court littéralement après. Une autre Tubun est malheureuse chez elle
où elle meurt de faim. Sur une pique, elle quitte ses parents. Le vil
lage où elle s'en va est dévasté. Elle n'y trouve plus qu'une vieille
aveugle avec un orphelin. Elle l'élève. Il finit par venger le village
et épouser Tubun : c'est l'histoire de Susagu. L'histoire d'Enpen est
celle d'un orphelin vengeur, héros de l'ogre Tai qui évince le préten
dant Matoune et épouse Tubun. Une malchanceuse Tubun est tuée au
cours d'un marché. Elle est vengée par Kenati, héros né de son sang,
recueilli dans un bambou.
Quel que soit le prétendant épousé, c'est toujours un homme vrai
ment aimé, un héros courageux, un magicien puissant et aussi... un
solide travailleur. Cette dernière condition semble essentielle pour
assurer à la Tubun une bonne position économique dans la société. Il
lui faut un homme capable de financer les fêtes et les cérémonies dont
dépendront son prestige.
Les charmes, hirako, jouent un très grand rôle dans les affaires de
la Tubun. C'est au moyen d'un charme que la mère de la Tubun assas
sinée fait grandir l'enfant née du sang de sa fille. Lorsque Tubun et
Paré quittent leurs parents, dans le conte de Susagu, Tubun prend
avec elle, dans sa corbeille, le charme de son père, charme de guerre,
destiné à écarter les ennemis des deux jeunes* filles, mais charme puis
sant et polyvalent. Elle n'a qu'à parler pour avoir les yeux- dessillés
et voir à distance, sans cristal, et selon toutes les règles de la voyance.
« Paré, je vois notre père et notre mère qui rentrent à la maison de la société dis océamstes. CYCLE DE LA TUKUN 1955, Pi. VI. Journal
Illustration non autorisée à la diffusion
Une Tubun, signalée par Somuk lui-même, danse une ronde autour des cochons exposés lors de la cérémonie
du <rSeh». Ses cheveux portent les marques de son rang; elle porte plumet, boucles d'oreilles, colliers,
bracelets et jarretières, ceinture de cérémonie.
1. À MYTHES DE BUKA. 39 ,
et qui nous cherchent ». Quelques secondes plus tard, le même
charme actionne une poule sauvage qui gratte la terre derrière les
deux sœurs effaçant la trace de leurs pas dans le sentier. Grâce aux
charmes, les noix de coco dégringolent des arbres; les plantations se
défrichent et se plantent en un tour de main; les cloches de bois
sonnent toutes seules; les estrades à nourriture se dressent et se gar
nissent en un clin d'œil; l'ogre sort de sa caverne... Il y aurait avec
les charmes employés dans ces contes tout un traité à écrire sur les
filtres d'amour de Buka. Le moins étonnant n'étant pas celui qui utilise
la musique, et où les monotones accents d'une guimbarde' changent le
cœur de la Tubun, scène charmante dont Somuk nous a conservé une
traduction imagée. L'étude des charmes de résurrection ne serait pas
moins sa* intéressante. Une fois Enpen empalé à mort et empoisonné sur
couche nuptiale, ses maternels le font revivre grâce à des formules
magiques conjuguées avec toute une savante gamme de massages, de
tapes et d'aspirations. La résurrection de la Tubun par Matubun n'est
pas moins curieuse, où les procédés recommandés par l'article premier
des plus modernes « Instructions concernant les secours aux noyés »
se mélangent avec des artifices spécifiquement locaux.
La valeur documentaire ethnographique, de ce cycle de la Tubun
n'a pas besoin d'être démontrée. A lire ces récits, nous sommes trans
portés en pleine atmosphère de vie mélanésienne. A chaque page nous
entrons dans quelque recoin peu connu de l'existence des gens de
Buka. Danger des marchés trompeurs, description de funérailles par
immersion, récit de la confection d'une plantation, évocation de la dis
tribution des arcs à un enfant, danses rituelles, rôle des messagers,
repas cérémoniels avec « brisement » des estrades à nourriture, dis
cours des oncles, scènes de victimes, initiation, maison des hommes...
c'est toute la culture indigène qui défile épisodiquement par des petites
peintures bien menées ou des allusions précises.
L'intérêt purement littéraire de ce cycle serait aussi à signaler.
Même dans une traduction, que de belles choses simples, évocatrices;
de petites descriptions justes; d'énumérations émouvantes. Les grands
thèmes éternels de l'amour maternel, de la tristesse des séparations,
de la vengeance, sont traités là en touches brèves, mais justes. Mais
nous

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