Pages retrouvées de Chateaubriand. Séjour en Orient, 1807 - article ; n°2 ; vol.68, pg 253-274
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Pages retrouvées de Chateaubriand. Séjour en Orient, 1807 - article ; n°2 ; vol.68, pg 253-274

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Annales de Bretagne - Année 1961 - Volume 68 - Numéro 2 - Pages 253-274
22 pages

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Publié le 01 janvier 1961
Nombre de lectures 15
Langue Français
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Extrait

Georges Collas
Pages retrouvées de Chateaubriand. Séjour en Orient, 1807
In: Annales de Bretagne. Tome 68, numéro 2, 1961. pp. 253-274.
Citer ce document / Cite this document :
Collas Georges. Pages retrouvées de Chateaubriand. Séjour en Orient, 1807. In: Annales de Bretagne. Tome 68, numéro 2,
1961. pp. 253-274.
doi : 10.3406/abpo.1961.2131
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391X_1961_num_68_2_2131Georges COLLAS
PAGES RETROUVÉES DE CHATEAUBRIAND
SEJOUR EN ORIENT (1807)
Chateaubriand est revenu de son voyage en Orient
(5 juin 1807) l'esprit et le cœur tout pleins du spectacle,
partout rencontré, de la dévastation et de la misère.
L'injustice et la cruauté triomphantes, le mépris de la
personne humaine, la souffrance des peuples terrorisés
dans « la stupeur de l'esclavage », ont exaspéré sa haine
de tous les despotismes, enraciné sa conviction que « tels
sont les dignes fruits du gouvernement militaire et les
admirables résultats du pouvoir absolu ». (Journal de
Jérusalem p. 51 et Correspondance générale t. I, p. 229,
lettre du 11 mai 1807, de Pau, à Mme de Pastoret.)
Moins d'un mois après son retour, il lançait dans le
Mercure de France du 4 juillet 1807 (t. XXIX, pp. 17-27),
à l'occasion du compte rendu du Voyage pittoresque et
historique d'Espagne de son ami Alexandre de Laborde,
l'article fameux où il définissait le rôle vengeur de l'hi
storien justicier :
« Dans le silence de l'abjection... »
L'article eut un retentissement immense, et pas seul
ement dans les limites de l'Empire. Un frémissement secoua
quiconque n'avait pas perdu tout souvenir de la liberté ;
une inquiétude profonde émut Mme de Chateaubriand et
ceux des amis du ménage qui n'étaient pas des adversaires
irréductibles du régime. L'orage montait et l'Empereur
revenant de Friedland (14 juin) et de Tilsitt (9 juillet),
arrivait à Saint-Cloud le 27 juillet, plus glorieux, plus
acclamé et plus puissant que jamais. 254 PAGES RETROUVÉES DE CHATEAUBRIAND
II fallait détourner la foudre. Un second article dans le
Mercure du 1er août (t. XXIX, pp. 197-213 : Quelques
détails sur les mœurs des Grecs, des Arabes et des Turcs}
est d'un tout autre accent.
Chateaubriand a reproduit le premier, dont il avait lieu
d'être fier, en 1826, au tome XXI de ses Œuvres complètes
(éd. Ladvocat, pp. 305-334). Il n'a pas fait le même hon
neur au second, peut-être tout simplement pour ne pas
faire double emploi avec l'Itinéraire de Paris à Jérusalem.
Cet article est d'un accès difficile ; il n'existe ni à la Biblio
thèque Universitaire ni à celle de la Ville de Rennes. Il
présente cependant un double intérêt : celui d'une manœuv
re de repli où il ne fallait rien renier, ni surtout s'humil
ier ; celui de fournir un texte intermédiaire entre le
Journal de Jérusalem, écrit en octobre 1806 au cours du
pèlerinage en Terre Sainte (second Cahier Chateaubriand,
Paris, Belin, 1950) d'une part ; et, d'autre part, les Remarq
ues de la troisième édition des Martyrs (1810) et l'Itiné
raire (1811), et d'offrir au critique ou à l'étudiant une
exceptionnelle matière à l'étude de l'art et du style d'un
des plus grands maîtres de notre langue.
C'est pour cela que nous avons cru utile de le réim
primer ici.
Georges Collas. PAGES RETROUVÉES DE CHATEAUBRIAND 255
QUELQUES DÉTAILS SUR LES MŒURS
DES GRECS,
DES ARABES ET DES TURCS (1)
Dans un dernier numéro du Mercure, en rendant compte
du bel ouvrage de M. de Laborde, j'ai eu occasion de
rappeler les lieux que je venois de parcourir. On aime à
parler de ces pays dont les seuls noms sont un charme.
J'ajouterai aujourd'hui de nouveaux détails à ceux que j'ai
déjà publiés ; mais avant de les donner ici, j'entrerai dans
une courte explication.
Je n'ai jamais eu, en visitant la Grèce, la Palestine,
l'Egypte et la Barbarie, le dessein d'écrire un Voyage. J'ai
voulu seulement, pour me servir du langage des Anciens,
me guérir de mon ignorance. Depuis quelques années,
occupé d'un ouvrage qui doit servir comme de preuve au
Génie du Christianisme, j'ai cru devoir reconnnaître les
lieux où je place mes personnages. Je n'ai un peu de
confiance en ce que j'écris que quand je puis dire, comme
Ulysse : « J'ai vu les mœurs et les pays, j'ai tâché de vous
les peindre tels qu'ils se sont offerts à mes yeux. »
Avant de partir pour le Levant, j'avais fait un travail
assez considérable sur les auteurs anciens et modernes qui
traitent de la Grèce et de la Judée. Ces notes, et celles que
j'ai recueillies sur les lieux mêmes, sont les matériaux que
j'assemble pour mon ouvrage. Mais, parmi les choses que
j'ai vues, il en est qui me sont tout à fait inutiles. Tout
ce qui regarde les usages des peuples modernes, par exemp
le, ne peut entrer dans mon sujet, puisque ma scène est
placée dans l'antiquité. Au contraire, je dois réserver tout
ce qui est descriptions pour mon livre. J'ai donc détaché
de mes études les objets qui se trouvent hors de mon plan
(1) Mercure de France, samedi !<*■ août 1807, t. XXIX, p. 197. 556 PAGES RETROUVÉES DE CHATEAUBRIAND
et que je puis offrir aujourd'hui au lecteur. Je le prie
toujours de se rappeler que ce n'est point un Voyage mais
des notions imparfaites et quelques souvenirs.
Je m'embarquai à Trieste le 1er août 1806. Nous sortîmes
rapidement de la mer Adriatique. Le 8 nous découvrîmes
[p. 198] Skérie (Corfou) et Buthrotum, qui rappellent
deux des plus belles scènes de l'Odyssée et de l'Enéide.
Nous reconnûmes le rocher d'Ithaque. J'aurois bien voulu
y descendre pour visiter le jardin de Laërte, la cabane
d'Eumée et même le lieu où le chien d'Ulysse mourut de
joie en revoyant son maître.
Nous dépassâmes les îles de Zantes et de Céphalonie ;
et le 10 au matin, les montagnes de l'Elide se formèrent
dans l'horizon du Nord. Le 11 nous jetâmes l'ancre devant
Modon, l'ancienne Mothone, près de Pylos. Je saluai les
rivages de la Grèce ; et la chaloupe du bâtiment me porta
aux pieds des murs de Modon. J'entrai dans cette ville
délabrée. Lorsque j'aperçus les Turcs armés et assis, sous
des espèces de tentes au milieu des rues, je me rappelai la
belle expression de mon noble ami M. de Bonald, les Turcs
sont campés en Europe. Cette expression est vraie sous tous
les rapports ,et dans toutes les acceptions.
Je continuai mon voyage par terre.
Je ne vis dans le Péloponèse qu'un pays en proie à des
Tartares débauchés qui se plaisent à détruire à la fois les
monumens de la civilisation et des arts, les moissons
même, les arbres et les générations entières. Pourrait-on
croire qu'il y ait au monde des tyrans assez absurdes et
assez sauvages pour s'opposer à toute amélioration dans
les choses de première nécessité ? Un pont s'écroule, on ne
le relève pas ; un homme répare sa maison, on lui fait
une avanie. J'ai vu des capitaines grecs s'exposer au nau
frage avec des voiles déchirées, plutôt que de raccommoder
ces voiles, tant ils craignent de faire soupçonner leur
aisance et leur industrie !
De Modon, je me rendis à Coron, sur le golfe de Messé-
nie. Je traversai ce golfe ; je remontai le long du Pamisus.
J'entrai dans PArcadie par un des Hermaeum du Mont PAGES RETROUVÉES DE CHATEAUBRIAND 257
Lycée ; je passai à Mégalopolis, ouvrage d'Epaminondas et
patrie de Philopémen ; j'arrivai à Tripolizza, cité nouvelle
dans le vallon de Tégée, au pied du Ménale. Je revins sur
mes pas pour visiter Sparte, le Taygète et la vallée de la
Laconie. De là, je pris le chemin d'Argos, par les monta
gnes ; je contemplai tout ce qui reste de la ville du roi des
rois ; je m'arrêtai à Mycènes et à Corinthe. En passant
l'isthme par les monts Géraniens, je vis un aga blesser un
grec d'un coup de carabine, et lui faire donner cinquante
coups de bâton pour le guérir.
Je descendis à Mégare et à Eleusis ; je séjournai quel
ques jours à Athènes ; et disant enfin un éternel adieu
au pays (p. 199) des Muses et des grands hommes, je
m&#

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