L ombre de Dieu et le retrait de l Être (à suivre) - article ; n°69 ; vol.86, pg 37-58
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Revue Philosophique de Louvain - Année 1988 - Volume 86 - Numéro 69 - Pages 37-58
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Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 64
Langue Français
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Extrait

Henri Declève
L'ombre de Dieu et le retrait de l'Être (à suivre)
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 86, N°69, 1988. pp. 37-58.
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Declève Henri. L'ombre de Dieu et le retrait de l'Être (à suivre). In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 86,
N°69, 1988. pp. 37-58.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1988_num_86_69_6485L'ombre de Dieu et le retrait de l'Être
Introduction
L'homme est incurablement métaphysicien: l'expérience multiple
qu'il fait de son humanité au cœur d'un monde que ses œuvres ouvrent
toujours davantage suppose, implique, contient un dépassement de cette
expérience. Mais quel est l'horizon, le houneka du et donc
de l'expérience? Faut-il reconnaître que cette humanité, qui ne se
contente pas de vivre, mais qui subordonne sa vie aux questionnements
et aux créations libres qui s'y instaurent, perd toute espèce de sens sans
une référence à un Absolu personnel? Ou bien la finitude, ce jeu de
l'esprit et du monde en lequel consistent et le questionnement et l'œuvre
de l'homme, ne trouve-t-elle de sens, au contraire, qu'à exercer le recul
de l'horizon?
La difficulté propre à ce genre de problème réside en ceci que la
réponse positive à l'un des membres de l'alternative exige que soit
reconnue en même temps la possibilité pour autrui de donner sans
contradiction son assentiment à la réponse opposée. Refuser cette
exigence supprimerait en effet l'élément même de la recherche, à savoir
la réalité de la fragilité du sens comme dépassement du simple vivre.
Une pensée comme celle du Père J. D. Robert semble bien tenir
compte de l'aporie et indiquer la voie qui permet de la franchir vraiment,
c'est-à-dire de passer par l'aporie et non de sauter par dessus1.
Résumons son argumentation. Puisque le monde ne rend compte
exhaustivement ni des structures de la pensée, ni de l'œuvre (art ou
science), puisque la pensée ne suffit pas non plus à rendre compte de
l'œuvre ni de la structure du monde, la question se pose du rapport
ontologique de l'un et de l'autre à un Tiers, dans le domaine duquel
l'œuvre est née et invite à entrer. Pourquoi ce Tiers doit-il être reconnu
1 Par exemple J. D. Robert, Essais d'approches contemporaines de Dieu en fonction
des implications philosophiques du Beau. Préface de Jean Ladriére (Bibliothèque des
Archives de Philosophie, n.s., 38), Paris, Beauchesne, 1982, 480pp.; H. Declève, Approches
de Dieu et implications philosophiques du Beau, dans Revue philosophique de Louvain, (83),
1985, p. 103-110. 38 Henri Declève
comme personnel? En raison d'un caractère essentiel de l'expérience, la
surabondance de l'être. L'horizon de dépassement comporte ainsi un
appel et un don qui ne se réduisent ni à un maximum transcendant de
conscience, ni à une totalisation portant le monde à l'absolu. C'est donc
de l'être, non des rapports de convenance que découvrirait un huma
nisme et pas davantage de la nécessité logique, que provient l'impératif
de l'invocation. Son refus ne découle ainsi ni d'un manque de con
séquence, ni d'une sorte d'insensibilité amorale. Mais l'athée et l'agnosti
que se renieraient eux-mêmes s'ils réclamaient le droit de philosopher
dans la non foi tout en refusant au croyant celui de le faire dans sa foi.
L'expérience de la surabondance de l'être impose donc, semble-t-il, la
reconnaissance et la réclamation de la légitimité d'une «option» méta
physique.
Les fondements mêmes de pareille conception ne permettent-ils pas
cependant de formuler contre elle une objection décisive?
Si la surabondance de l'être n'est pas un vécu, si elle est au
contraire condition de toute prise de recul et de toute distance possible,
elle ne saurait être appréhendée dans un comportement qui finit par la
rabattre au plan du fait, en la réintégrant par exemple à l'ensemble des
principes de telle croyance raisonnable. Or une métaphysique comme
celle que développe le Père Robert est bien, semble-t-il, liée à un
comportement de ce genre. Elle ne saurait donc saisir la surabondance
de l'être, ni prétendre qu'elle la reconnaît comme fondamentale.
Admettre la légitimité d'options métaphysiques, dont l'une nie la
nature personnelle du Tiers principe tandis que l'autre l'affirme, est
assurément une règle précieuse de savoir-vivre et d'urbanité. On peut
même estimer que c'est une manière excellente de faire droit à cette
multiplicité dans laquelle seule se dit et se rassemble l'être, puisque
l'impossibilité éthique et logique de l'athéisme réduirait Dieu à l'unité
d'un donné constatable. Mais la radicalité d'une interrogation philoso
phique doit aller plus loin. Elle se renierait en ratifiant «un attachement
décisoirement exclusif à un acceptable, dont il n'est pas prouvé qu'il est
unique» ou «une fin de non-recevoir volontaire à toute allégation,
assumption autre, ultérieure», comme le dit dans un livre déjà ancien
Etienne Souriau2.
2 Etienne Souriau (1902-Î979), L'Ombre de Dieu (Bibliothèque de philosophie
contemporaine), Paris, P.U.F., 1955, p. 43. — Fils du philosophe Paul Souriau (1852-1926),
professeur à Aix, à Lyon puis en Sorbonne (1941), directeur de la Revue d'esthétique, il fut
un des fondateurs de la filmologie, l'étude scientifique des aspects sociaux, culturels et
moraux du cinéma. de Dieu et le retrait de l'Être 39 L'ombre
A. Etienne Souriau
1. Option pour Dieu ou découverte de son ombre?
C'est au nom de la vigilance que cet auteur conteste les options qu'il
appelle «gnostiques». Il choisit cet adjectif en se référant à S. Paul: la
Première Épître aux Corinthiens, VIII, 4-7, fait de la «gnôsis» le propre
de ceux qui confessent le seul Père et son Fils à l'exclusion de tous autres
dieux et seigneurs au ciel et sur terre. Sera donc «gnostique», dans le
sens proposé, l'option qui se déclare de manière exclusive pour ou contre
la religion, pour ou contre la philosophie, pour ou contre une idéologie,
la science, même l'art, en vertu de motifs en tout cas étrangers à la
philosophie et par une démarche distincte en tous ses moments d'une
méthode philosophique. Dès lors l'option religieuse peut se déclarer
«pour» la philosophie, plus souvent «pour» telle philosophie; mais il
reste bien entendu que jamais ses raisons de le faire ne seront d'ordre
philosophique.
A l'inverse, il peut exister une option qui se motive philosophique
ment. Elle pourra se faire, par exemple, pour le matérialisme militant,
pour l'agnosticisme, pour le catholicisme actif. Mais elle est exposée,
spécialement peut-être dans les trois partis envisagés, à se donner pour
principe non pas, comme elle le croit, un engagement, une militia in
terris, selon l'expression de la tradition chrétienne, mais bien l'attitude
inverse, celle «de se dégager de l'inquiétude et du devoir de laisser la
question ouverte, pour de durs et douloureux progrès» (OD, 42).
Ce n'est pas que la pensée «gnostique» ne puisse présenter aucune
justification. Souriau retient trois démarches par lesquelles les tenants de
l'engagement prétendent rejoindre en philosophes ce que confesse la foi
religieuse ou ce que professent les mouvements et les organisations
idéologiques. Une première légitimation, de type cartésien, dira que les
nécessités de la vie et de l'action obligent à choisir sans preuve, «par
provision»; l'arbitraire pur alors n'est pas totalement exclu. Une
seconde instance se référerait au pari de Pascal: les données de fait étant
hors d'atteinte, le choix portera sur les possibles offerts ou refusés une
fois qu'il aura été accompli. Cet argument requerra plus bas toute notre
attention car il conduit en réalité à tout autre chose qu'à une «gnose».
Mais il faut encore citer ici la profonde analyse de l'option qu'a menée
Maurice Blondel. Même arbitraire, pense-t-il, elle possède un caractère
ontologique et existentiel: elle in

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