Poésie, politique et rituel dans les Grenouilles d Aristophane - article ; n°2 ; vol.1, pg 291-308
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Description

Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens - Année 1986 - Volume 1 - Numéro 2 - Pages 291-308
Politique et rituel dans les Grenouilles (pp. 291-308)
Les Grenouilles d'Aristophane sont composées de trois mouvements, ou tableaux : la descente chez Hadès, la scène aux portes de l'Hadès, et la joute poétique à l'intérieur du royaume d'Hadès. Chaque tableau est en rapport avec le thème de la résurrection : celle d'Héraclès, qui s'accomplit, sur le mode héroïque, par la violence individuelle; celle du chœur des initiés, sur le mode religieux, par la piété collective; et celle du poète victorieux, sur le mode agonistique, obtenue pour le service de la Cité. Pris ensemble, les trois tableaux représentent un schéma initiatique. La victoire d'Eschyle est la victoire d'une poétique de la création, opposéeà une poétique de la description. Elle est capable d'insuffler des valeurs, et, par là, d'arracher en même temps Dionysos à la perte de son identité, et la Cité d'Athènes à la confusion de ses catégories sociales (dans laquelle des esclaves sont devenus citoyens, tandis que des Athéniens de naissance se sont vus privés de leurs droits civiques).
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

David Konstan
Poésie, politique et rituel dans les Grenouilles d'Aristophane
In: Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens. Volume 1, n°2, 1986. pp. 291-308.
Résumé
Politique et rituel dans les Grenouilles (pp. 291-308)
Les Grenouilles d'Aristophane sont composées de trois mouvements, ou tableaux : la descente chez Hadès, la scène aux portes
de l'Hadès, et la joute poétique à l'intérieur du royaume d'Hadès. Chaque tableau est en rapport avec le thème de la
résurrection : celle d'Héraclès, qui s'accomplit, sur le mode héroïque, par la violence individuelle; celle du chœur des initiés, sur
le mode religieux, par la piété collective; et celle du poète victorieux, sur le mode agonistique, obtenue pour le service de la Cité.
Pris ensemble, les trois tableaux représentent un schéma initiatique. La victoire d'Eschyle est la victoire d'une poétique de la
création, opposéeà une poétique de la description. Elle est capable d'insuffler des valeurs, et, par là, d'arracher en même temps
Dionysos à la perte de son identité, et la Cité d'Athènes à la confusion de ses catégories sociales (dans laquelle des esclaves
sont devenus citoyens, tandis que des Athéniens de naissance se sont vus privés de leurs droits civiques).
Citer ce document / Cite this document :
Konstan David. Poésie, politique et rituel dans les Grenouilles d'Aristophane. In: Mètis. Anthropologie des mondes grecs
anciens. Volume 1, n°2, 1986. pp. 291-308.
doi : 10.3406/metis.1986.875
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/metis_1105-2201_1986_num_1_2_875POLITIQUE ET RITUEL POÉSIE,
DANS LES GRENOUILLES D'ARISTOPHANE
Les grandes lignes de cette étude sont les suivantes: après une introduction
très courte, dans laquelle je situe mon analyse de la structure des Grenouill
es par rapport à quelques articles précédents, je discuterai de quatre
aspects de la pièce. Le plus simple est d'annoncer et de décrire brièvement
ces aspects.
Tout d'abord il faut noter que la pièce comporte trois grands tableaux.
Ce sont, dans l'ordre, la descente de Dionysos aux Enfers sous les traits
d'Héraclès, la scène au seuil ou à la porte des Enfers, puis le concours
entre les poètes. En second lieu, nous examinerons la relation entre les
trois tableaux: ils suivent leur propre progression et un arrangement log
ique qui imite un rituel d'initiation. Troisièmement, nous examinerons la
relation entre les divers statuts des personnages dans la pièce, tels que
citoyen, esclave ou dieu, ainsi que la structure de la société athénienne à la
fin de la guerre du Péloponnèse. En dernier lieu, nous examinerons les
enjeux du concours entre Eschyle et Euripide. L'ensemble défini par ces
quatre aspects constituera le thème de cet exposé.
I
Au début des Grenouilles, Dionysos, ému par la lecture de Y Andromède
d'Euripide, décide de soustraire aux Enfers le poète, mort depuis peu.
Après avoir atteint le royaume d'Hadès, Dionysos apprend qu'un
concours se déroule entre Euripide et Eschyle pour l'obtention du titre de
«meilleur poète». Dionysos, pris pour juge, tranche en faveur d'Eschyle
qu'il ramène à Athènes, à la place d'Euripide.
Depuis longtemps, les érudits s'interrogent sur la signification de ce 292 DAVID KONSTAN
changement de plan. Selon une ancienne théorie, adoptée, par exemple,
par Van Leeuwen dans son édition de 1896, Aristophane commença les
Grenouilles après la mort d'Euripide en Macédoine, mais du vivant même
de Sophocle. Après la mort de Sophocle, Aristophane revint sur son inten
tion originelle de ramener Euripide, de façon à aborder le problème génér
al des valeurs poétiques, maintenant que le dernier des trois grands
auteurs tragiques était mort. L'accident qui fait arriver Dionysos aux
Enfers au beau milieu d'un concours permet d'effectuer la transition en
douceur du premier thème au second. Les références à la mort de Sophoc
le au début de la pièce sont dans cette perspective, des insertions tardives
faites pour unifier les deux moitiés de la pièce1.
Dans un article publié en 1962, Eduard Fraenkel partit de la position
opposée pour expliquer le plan bipartite des Grenouilles. Fraenkel, dans
la lignée de Rogers et d'autres, croyait qu'Aristophane avait dès le début
l'intention de représenter la compétition entre Eschyle et Euripide, mais
qu'il avait craint qu'une scène si élevée ne provoquât aucune réaction dans
le public peu cultivé. Il ajouta donc après coup la scène de farce au début
de la pièce, déguisant Dionysos en Héraclès et lui attribuant une passion
idiote pour Euripide2.
Plus récemment, des critiques ont abandonné l'idée selon laquelle le
plan bipartite des Grenouilles résulte d'un motif extrinsèque et ils ont
cherché à mettre à jour la raison intrinsèque propre à expliquer le change
ment. Charles Segal et Cedric Whitman, par exemple, ont soutenu que
Dionysos change de sentiment grâce à l'éducation reçue au cours de la
pièce; il s'éloigne des procédés ingénieux d'Euripide pour accéder au
sérieux intellectuel d'Eschyle. Ainsi le changement de plan rend compte
du thème de la pièce, c'est-à-dire de la supériorité d'Eschyle en tant que
poète et professeur3.
II
Nous espérons démontrer que la structure des Grenouilles est tripartite et
1. J. van Leeuwen, Aristophanis Ranae, Leyden, 1896, pp. iv-vii.
2. Eduard Fraenkel, Beobachtungen zu Aristophanes, Rome, 1962, ch. 9, «Der
Aufbau der Frôsche»; B.B. Rogers, The Frogs of Londres, 1902, p. xvi.
3. Charles Paul Segal, «The Character and Cuits of Dionysus and the Unity of the
Frogs», HSPh, 65, 1961, pp. 207-42; Cedric H. Whitman, Aristophanes and the Comic
Hero, Cambridge, Mass., 1964, pp. 228-58. POLITIQUE ET RITUEL DANS LES GRENOUILLES 293
non bipartite4. Les trois mouvements principaux sont la descente aux
Enfers, pendant laquelle Dionysos prend le rôle d'Héraclès; la scène aux
portes des Enfers; et finalement, le concours poétique. Les trois parties
sont liées par une logique implicite que je vais essayer de rendre explicite.
A ma connaissance, le premier critique qui a ouvertement demandé
pourquoi Dionysos choisit de se déguiser en Héraclès pour essayer de sau
ver Euripide est Léo Strauss, et il invoque la raison du camouflage,
s'appuyant sur le fait que «l'apparence d'Héraclès est la seule qui ne puisse
absolument pas éveiller aux Enfers le soupçon que celui qui a cette appa
rence recherche un poète»5. Puisque rien dans le texte n'indique que Dio
nysos ait eu à cœur de garder secret l'objet de sa mission, nous pouvons, en
toute sécurité, écarter la réponse de Strauss. A la place, j'en suggère une
autre, au niveau du thème de la pièce: Héraclès était un mortel devenu
dieu6.
Héraclès est un exemple de la possibilité des humains à surmonter la
mort ou à y survivre; il joue ainsi le même rôle, dans la première partie de
la pièce que le chœur d'initiés dans la seconde partie. Eux aussi représen
tent la possibilité de ressusciter ou de survivre en état de bonheur éternel.
En fait, l'enjeu du concours entre Eschyle et Euripide à la fin de la pièce,
c'est précisément le retour à la vie - bien que, dans ce cas, il ne soit pas
envisagé comme une survie permanente. Ainsi, l'idée de résurrection
s'intègre dans les trois parties ou moments des Grenouilles. Voilà en partie
pourquoi je suis tenté de voir le rôle d'Héraclès comme constituant l'un
des trois mouvements thématiques importants des Grenouilles.
Si Héraclès, le chœur de mystes, et le vainqueur du concours de poésie
représentent tous la possibilité de survivre à la mort, leur survie est obte
nue, néanmoins, de différentes façons. L'apothéose d'Héraclès n'est pas
directement mentionnée dans les Grenouilles, mais on y trouve une allu-
4. Sur la structure bipartite, cf. Isolde Mùller, «Der Wandel der Stoffwahl und der
komischen Mittel in den Komôdien des Aristophanes durch die Krise der attischen
Polis», dans E.C. Welskopf, éd., Hellenische Poleis: Krise-Wandlung-Wirkung, vol. 3,
Berlin, 1974, p. 1403; E.W. Handley, «Com

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