Pour la glottopolitique - article ; n°83 ; vol.21, pg 5-34
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Description

Langages - Année 1986 - Volume 21 - Numéro 83 - Pages 5-34
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 209
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Louis Guespin
Jean-Baptiste Marcellesi
Pour la glottopolitique
In: Langages, 21e année, n°83, 1986. pp. 5-34.
Citer ce document / Cite this document :
Guespin Louis, Marcellesi Jean-Baptiste. Pour la glottopolitique. In: Langages, 21e année, n°83, 1986. pp. 5-34.
doi : 10.3406/lgge.1986.2493
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1986_num_21_83_2493Guespin et J-B. Marcellesi L.
GRECSO UA CNRS 1164
Université de Rouen
POUR LA GLOTTOPOLITIQUE
1. Un besoin
1.1. A propos du terme
Personne en France ne songerait à nier, pour d'autres pays, l'utilité de l'action
politique sur le langage. On voit mal du reste comment on pourrait masquer l'impor
tance de cette pratique dans des pays comme le Québec ou la Catalogne, compte tenu
de l'ampleur des travaux dans ce domaine ; il suffit de se référer à des publications
facilement accessibles : pour le Québec, Martin (1981), Bedard et Maurais (1983),
Maurais (1985) ; pour la Catalogne, Kremnitz (1980, 1981), Puig-Moreno (1985),
Vallverdu (1985).
Dans notre pays, il y a bien eu, et dotées de l'efficacité que l'on sait, des « polit
iques linguistiques » : si l'on en croit la démonstration de R. Balibar (1985), notre lan
gue n'est-elle pas née elle-même d'un acte de reconnaissance-naissance tel que le défi
nit Marcellesi (19846) ? Mais on a tendance à mettre tout l'accent sur le premier
terme du syntagme, et les linguistes, peu sollicités, se sentent peu concernés. L'exis
tence d'un service ministériel portant cet intitulé n'est pas nécessairement mobilisat
rice.
Ce sont toutefois d'autres considérations qui nous ont conduits à préférer, à des
suites comme politique linguistique ou planification linguistique, un néologisme. Sans
l'avoir inventé, nous avons mis en avant le mot « glottopolitique » à l'occasion d'un
symposium dont les actes viennent de paraître (Winther 1985). Nous avons donné
dans Guespin (1985b) les raisons qui nous ont conduits à utiliser ce terme. Essentielle- ^
ment, il offre à nos yeux l'avantage de neutraliser, sans s'exprimer à son égard,
l'opposition entre langue et parole. Il désigne les diverses approches qu'une société a
de l'action sur le langage, qu'elle en soit ou non consciente : aussi bien la langue,
quand la société légifère sur les statuts réciproques du français et des langues minorit
aires par exemple ; la parole, quand elle réprime tel emploi chez tel ou tel ; le dis
cours, quand l'école fait de la production de tel type de texte matière à examen : Glot
topolitique est nécessaire pour englober tous les faits de langage où l'action de la
société revêt la forme du politique.
Ces considérations ne prétendent nullement périmer les termes de « planification
linguistique », ou « de politique de la langue ». Mais il faut prendre en compte que toute décision de politique de la langue aura nécessairement, si elle entre en applica
tion, des conséquences glottopolitiques ; c'est en particulier ce qu'exprime l'opposition
anglo-saxonne entre language corpus planning et language status planning (Pool
1979).
1.2. Perspectives générales
Pour donner une première idée des problèmes, nous utiliserons Meisel (1981), qui
étudie parallèlement la Commission fédérale sur le bilinguisme et le biculturalisme
(Ottawa 1963), et la sur les droits linguistiques au Québec (Québec 1968).
Le lecteur est conduit à se poser bien des questions ; constater comment s'élaborent
les politiques de la langue, c'est contracter l'envie que les choses changent : comment
faire appel aux forces réelles, aux intéressés quels qu'ils soient ? Comment obtenir un
recueil plus vrai des données langagières ? Comment aller à une négociation vraiment
ouverte à tous les usagers et à tous les intérêts langagiers ?
Les politiques linguistiques sont vouées à l'échec si deux conditions ne sont pas
remplies : une réflexion de fond sur la recherche et l'information langagière, et
d'importants progrès dans la connaissance du changement linguistique.
1.2.1. Une politique d'information langagière est nécessaire
Nous venons d'envisager le meilleur cas, celui où la perception du besoin amène
un gouvernement à décider la constitution d'une commission, et cette situation elle-
même suscite encore bien des réserves. Le caractère démocratique des décisions n'est
pas vraiment assuré ; il s'agit encore de maintenir l'équilibre entre des groupes de
pression, et la représentation des avocats des divers secteurs intéressés n'est pas garant
ie ; il ne s'agit pas vraiment de chercher à faire participer l'ensemble des citoyens aux
décisions glottopolitiques.
Une politique démocratique de la langue exige une information linguistique en
deux directions.
En direction des « décideurs », qui doivent prendre conscience que les mesures
glottopolitiques ne trouvent leur efficacité que dans la conviction des usagers. Ceci ne
passe pas essentiellement par une amélioration de leur rhétorique : tous les usagers
doivent participer à l'enquête, à la discussion, à la décision. Les problèmes qui vien
dront en débat auront nécessairement alors des aspects autres que proprement linguis
tiques : les responsables devront comprendre que, loin d'organiser seulement un débat
sur la langue, c'est forcément dans une confrontation sur les rapports d'interaction
entre identité sociale et pratiques langagières qu'ils sont engagés.
Cette confrontation a chance d'être surmontée seulement si la masse des utilisa
teurs est mise en mesure de participer à la réflexion, de formuler ses problèmes, et de
dépasser les affirmations d'un pseudo bon sens. Une vaste politique d'information lan
gagière est donc nécessaire, afin d'ébranler des certitudes trop commodes et suscepti
bles de bloquer le débat ; la négation du droit d 'autrui à la parole, par exemple, est
largement acceptée ; or, puisque chacun est usager du langage, tous peuvent dire leur
mot sur leurs besoins langagiers, et il serait important que tous puissent se forger leurs
représentations langagières dans la liberté que donne la connaissance. 1.2.2. Le rôle glottopolitique du linguiste
Les linguistes ne sont pas toujours conscients du rôle glottopolitique qu'ils ont à
jouer. On sait qu'au XIXe siècle ils se sont retirés sur l'Aventin : ils ont fait d'excel
lente recherche, mais coupée de toute utilité sociale ; au XX siècle, le saussurisme, et
le chomkysme, ont produit des effets similaires ; on peut parler d'idéologie descriptive
des linguistes. La conjoncture est en voie de changer ; W. Labov, par exemple, est
conscient des implications socio-politiques de sa recherche. De même, pour B. Techt-
meier (1985) : « le linguiste ne doit pas se borner à analyser les changements du com
portement verbal, au sens élargi du terme, y compris le changement des surfaces ver
bales, et à éduquer les locuteurs, mais (...) sa tâche est d'influencer l'opinion publi
que, et de veiller sur la codification de ces changements ». Pour P. Gardy (1985),
quand une langue minorée a atteint un état gravement pathologique, et que la reven
dication linguistique et identitaire est restée vive, ce ne sont pas les décideurs tradi
tionnels qui y peuvent grand chose ; s'ils accordent ou non des « heures d'occitan »,
ce sont certes des politiques différentes de la langue qui se mettront en place ; mais ils
agiront sans savoir où ils vont.
Le rôle du linguiste est alors nécessaire : lui seul pourra fournir « un stock de
fonctionnements linguistiques occitans capable de soutenir la substitution, au procès
de patoisement, d'un désir d'occitan » ; lui seul pourra proposer, pour un procès de
renaissance, une « norme problématique d'équilibre ».
1.2.3. Lutter contre les préjugés des linguistes
Les linguistes ne sont pas à l'abri des préjugés. Il y a eu par exemple toute une tra
dition imputant au bilinguisme précoce les plus graves inconvénients. F. Prudent
(1981) a réuni sur ce thème un impitoyable sottisier. Chez des auteurs par ailleurs
sérieux, de Pichon à Jespersen, le « bon sens » a consisté à se représenter le bili
nguisme comme une « infirmité ». Ce préjugé perdure, par exemple chez J. A.
La

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