Pour ou contre une science des religions ? - article ; n°1 ; vol.2, pg 479-491
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Description

Dialogues d'histoire ancienne - Année 1976 - Volume 2 - Numéro 1 - Pages 479-491
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 5
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madame Françoise Dunand
Pour ou contre une science des religions ?
In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 2, 1976. pp. 479-491.
Citer ce document / Cite this document :
Dunand Françoise. Pour ou contre une science des religions ?. In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 2, 1976. pp. 479-491.
doi : 10.3406/dha.1976.2761
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/dha_0755-7256_1976_num_2_1_2761POUR OU CONTRE UNE SCIENCE DES RELIGIONS ?
Existe-t-il, peut-il exister une science des religions ? Quels objectifs
doit-elle se donner, quelles méthodes utiliser ? Telles sont les questions
fondamentales que pose l'ouvrage de M. Meslin, Pour une science des rel
igions (1), et nul ne contestera leur importance ni leur actualité, à l'heure où
sont remis en cause non seulement la problématique et les objets des sciences
historiques, mais leurs fondements méthodologiques et idéologiques (2). Or
il est indéniable que bien des études d'histoire des religions (3) témoignent
encore de graves insuffisances théoriques ; cette constatation s'impose en tout
cas dans le domaine des religions antiques, qu'elles soient grecques, romaines
ou orientales. De nombreux travaux, parfois fort récents, sont d'un niveau
technique remarquable par l'ampleur et la précision des relevés qu'ils
effectuent et la rigueur critique avec laquelle ils opèrent, mais ne dépassent
pas, sur la plan théorique, le stade du «catalogue bien fait» ; on en reste trop
souvent à une histoire historicissante, qui ne se pose guère de questions sur le
sens et le fonctionnement des pratiques et des croyances qu'elle s'efforce
d'élucider. Dans ce contexte, l'ambition de M. Meslin peut paraître plein
ement justifiée. Mais la démarche qu'il suit l'est-elle également ? C'est
beaucoup moins certain.
La plus grande partie de l'ouvrage consiste en une vaste enquête qui,
survolant tour à tour les voies d'approche anciennes et modernes des phéno
mènes religieux, passe de Tylor à Durkheim, de Max Weber à Freud, de M.
Eliade à Cl. Lévi-Strauss. Propos ambitieux, sans aucun doute, et qui, de par
son ampleur même, ne réussit à éviter ni l'arbitraire, ni les simplifications.
Est-il équitable de consacrer, en tout et pour tout, deux pages et demie
d'exposé à l'analyse marxiste des phénomènes religieux et de «réduire» (pour
employer un terme qui "evient souvent dans l'ouvrage) cette analyse à un
simple «voile économiqu?» servant à revêtir des conceptions matérialistes qui
se trouveraient déjà dans Lucrèce ? C'est caricaturer une pensée complexe
que d'affirmer que, pour Marx, le sentiment religieux trouve essentiellement
son origine dans «l'asservissement du prolétariat au capitalisme», et c'est
donner une vision figée, dogmatique, de concepts résultant d'une démarche
intellectuelle qui ne cesse de s'approfondir avec le temps (4). Un autre
exemple de simplification tendancieuse nous est fourni par les pages con
sacrées à l'interprétation freudienne de la religion. Encore que justice soit
rendue, dans une certaine mesure, à l'analyse freudienne et à son importance
pour la compréhension des attitudes religieuses, une interprétation trop res
trictive de l'apport de la psychanalyse apparaît pourtant dans le passage où
M. Meslin oppose l'étude sociologique des faits religieux - qui permet d'en
évaluer la dimension collective - à l'étude psychanalytique, qui ne s'appli
querait qu'aux comportements individuels (p. 11-12) ; c'est méconnaître
l'importance de la psychologie collective ; des recherches comme celles de
W. Reich ont bien montré comment la psychanalyse peut intervenir effic
acement dans l'étude des mentalités collectives (5). D'autre part, M. Meslin
croit voir, dans l'œuvre de Freud, un appel à la «purification des désirs» ;
cette notion lui sert à opérer un rapprochement avec les théories jungiennes,
auxquelles il porte visiblement un intérêt tout particulier, dans la mesure 480 F. DUNAND
où elles lui semblent aboutir à «une plus juste interprétation du sens des
messages religieux», les archétypes jungiens étant définis comme «des corre
spondances tangibles, au niveau psychique, des dogmes» (p. 137). Or il est
difficile de tirer des analyses freudiennes la notion d'une nécessaire «purifi
cation» des désirs, à moins d'interpréter de façon moralisante et pour le
moins contestable la théorie de la sublimation ; loin de faire un «devoir» à
l'homme de «démasquer» son désir afin de mieux le «purifier» (p. 121),
Freud voit la satisfaction de la libido comme un moyen d'assumer ses pul
sions et reconnaît que la cure qu'il pratique «débouche le plus souvent sur
la recherche de la satisfaction» - la sublimation étant trop pénible, selon lui,
pour la majorité de ses patients (6). Qu'il y ait, dans ce cas précis, détourne
ment de la pensée freudienne paraît manifeste ; mais ici le détournement
ne sert pas de prétexte à la réfutation, comme cela se produisait dans
l'exemple précédent ; au contraire, il justifie l'accent mis sur un des aspects
les plus contestables de la psychanalyse et permet à M. Meslin d'apporter une
caution inattendue aux théories jungiennes.
Sans doute était-ce une entreprise hasardeuse que de vouloir présenter
en une aussi vaste synthèse les principales méthodes et théories d'explication
des phénomènes religieux ; le présentateur ne peut être neutre ; mais s'il est
en droit d'exercer sa fonction critique, nous sommes en droit, nous, lecteurs,
d'attendre de lui rigueur dans l'analyse et sérieux dans l'argumentation.
Cependant, lorsque l'auteur, ne s'effaçant plus derrière les objets de sa
démonstration, fait entendre sa propre voix, un certain malaise subsiste, né,
parfois, de l'ambiguïté du vocabulaire, mais aussi de l'insuffisance ou de la
contradiction des analyses. Que d'un point de vue strictement historique
certaines affirmations soient discutables, ce n'est sans doute pas essentiel ;
je me contenterai d'en relever un exemple, parce qu'il est significatif.
Évoquant la «mutation de la religiosité antique», M. Meslin situe vers le milieu
du Hle siècle p.C. l'apparition de cette nouvelle religiosité qui se caractérise
par «l'exigence de relations personnalisantes entre l'homme et son dieu»
(p. 28). Or il m'apparaît évident que cette mutation est bien antérieure : dès
l'époque hellénistique, dans les cultes orientaux en particulier, on constate
chez les fidèles le besoin d'un contact personnel avec la divinité ; cette mental
ité nouvelle se manifeste au plus haut point dans la religion isiaque, dont les
adeptes revendiquent un lien particulier avec la déesse à laquelle ils vouent
parfois leur existence entière, et dont ils espèrent obtenir la protection et les
bienfaits (7). Ce n'est pas un hasard si M. Meslin reporte à une date relat
ivement tardive la mutation des mentalités religieuses : elle est pour lui en
rapport direct avec le christianisme, car «le temps de la foi commence et
débouche avec le triomphe du christianisme sur un dialogue de l'homme
avec son dieu, pour s'ouvrir sur la promesse d'une éternelle contemplation
de l'amour» (p. 28). Il faut ici rétablir les perspectives : ce dialogue, ce
besoin de contemplation, ce n'est pas le christianisme qui les a fait naître ;
il leur a donné une possibilité d'expression - comme d'autres religions
orientales l'avaient fait avant lui.
Des arguments historiquement contestables peuvent d'autre part venir
à l'appui de raisonnements spécieux ; c'est le cas, à propos du problème de
la représentation du sacré et des thèses de Feuerbach, de l'affirmation selon
laquelle les hommes font nécessairement une différence entre la représen
tation et la «réalité» du sacré : «Jamais dans le monde indo-européen l'idole
n'a été réellement perçue comme le portrait du dieu. Jamais la statue ne fut DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 481
le lieu d'une incarnation du sacré, mais un simple moyen d'exprimer le divin
selon des canons et des valeurs esthétiques particuliers» (p. 42). Étayer une
affirmation de caractère général sur le

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