Pour une étude comparée des cosmogonies de Célèbes Sud. A propos d un manuscrit inédit sur l origine des dieux bugis - article ; n°1 ; vol.25, pg 35-62
29 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Pour une étude comparée des cosmogonies de Célèbes Sud. A propos d'un manuscrit inédit sur l'origine des dieux bugis - article ; n°1 ; vol.25, pg 35-62

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
29 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Archipel - Année 1983 - Volume 25 - Numéro 1 - Pages 35-62
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Gilbert Hamonic
Pour une étude comparée des cosmogonies de Célèbes Sud. A
propos d'un manuscrit inédit sur l'origine des dieux bugis
In: Archipel. Volume 25, 1983. pp. 35-62.
Citer ce document / Cite this document :
Hamonic Gilbert. Pour une étude comparée des cosmogonies de Célèbes Sud. A propos d'un manuscrit inédit sur l'origine des
dieux bugis. In: Archipel. Volume 25, 1983. pp. 35-62.
doi : 10.3406/arch.1983.1807
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arch_0044-8613_1983_num_25_1_1807MYTHOLOGIES BUGIS
POUR UNE ETUDE COMPAREE
DES COSMOGONIES DE CELEBES SUD
A propos d'un manuscrit inédit sur l'origine des dieux bugis
par Gilbert HAMONIC
Si l'on devait dresser actuellement une cartographie des mythologies de
l'archipel indonésien, le pays bugis y occuperait sans conteste une place de
choix, et ce, à plusieurs titres. Le grand cycle épico-mythique de La Galigo,
par l'importance de ses milliers de pages manuscrites, par la complexité des
relations qu'entretiennent ses personnages et par la beauté même du récit,
viendrait à coup sûr se classer parmi les toutes premières littératures de ce
genre^. Mais ce récit prodigieux (qui n'a jamais été l'objet d'aucune traduc
tion) pose néanmoins, parmi beaucoup d'autres, un problème spécifique sur
lequel nous avions déjà mis l'accent*2' et que nous sommes peut-être désor
mais capable de résoudre en partie. C'est que, tel qu'il nous est connu jusqu'à
ce jour, le récit de La Galigo offre, pour ce qui a trait aux thèmes cosmogoni-
ques et cosmologiques proprement dits, une lacune fort singulière; sorte de
tache blanche dans l'ensemble d'un puzzle que constitueraient les mythologies
de l'archipel. Le terme de «cosmogonie» est bien évidemment ici employé au
sens strict, car si la présence des premiers tomanurung («êtres descendus du
ciel») et totompo' («êtres surgis du monde souterrain») est, elle aussi, suscept
ible d'une interprétation cosmologique, elle ne concerne pourtant que le seul
monde «intermédiaire», c'est-à-dire le monde des humains.
Rappelons, en effet, comment les choses se présentent : 36
Le mythe d'origine des Bugis de Célèbes-Sud nous conte, en son début, la
manière selon laquelle le principal couple de divinités régnant sur le monde
supérieur (Datu Patoto' et Datu Palingé') et le couple principal régnant sur le
monde inférieur (Guru ri Selleng et Sinau Toja) décident un jour de peupler le intermédiaire (la terre), afin que des êtres humains puissent les adorer
et les servir. Batara Guru, fils aîné de Datu Patoto', est alors placé à l'inté
rieur d'un bambou. Premier tomanurung, il descend sur le monde terrestre,
lui donne forme et y dissémine les premières espèces végétales et animales.
Touchant terre à Luwu', il est d'abord soumis au jeûne et à l'ascèse, Puis il
finit par être rejoint par ses serviteurs, par ses épouses, par ses sujets roturiers
et par son palais lui-même qui tous descendent également du monde supérieur.
Mais comme il lui avait été promis, sa cousine germaine Wé Nyili' Timo',
fille de Guru ri Selleng, surgit bientôt des eaux (elle est donc la première to-
tompo') et devient sa principale épouse. La généalogie centrale du mythe est
ainsi inaugurée, et les multiples péripéties du récit vont dès lors pouvoir
s'enchaîner les unes aux autres en s'étendant sur près de sept générations.
Tel est donc l'épisode par lequel s'ouvre le mythe fondateur des Bugis.
Quant à la formation de l'univers et à la genèse des premiers dieux eux-
mêmes, les textes jusqu'à présent recueillis conservent un mutisme parfait, et
tout se passe comme si une partie du mythe originel était absente des versions
«officielles» qui nous sont parvenues, laissant place à toutes les conjectures.
Seule, à ma connaissance, une brève allusion au père de Datu Patoto', qui
porterait le nom d&Déwata mattanru' ulaweng («Le Dieu aux cornes d'or»),
apparaît dans la tradition de Luwu'. Après avoir entrevu le visage du «Grand
Dieu Créateur», Sawérigading, l'un des principaux héros du récit de La
Galigo, est interrogé par son arrière grand-père Datu Patoto', et lui répond en
ces termes :
«Narékkua Pong Ratu ulau tungke' tenghga duana to Palanroé lé ripu-
tana (...)sijang taué sabu' temmompo kuapalojang «Si ce sur quoi Mons
eigneur m'interroge est l'Unique Merveille qui n'a pas sa pareille, il est
évident (qu'on ne peut répondre) sans être englouti dans les flots pour ne
plus resurgir». Ainsi, à la suite de sa recherche, Sawérigading fut-il puni
de sa témérité et disparut dans les flots^3H>.
Or, le texte que nous présentons en appendice I, accompagné de sa trans
cription et de sa traduction, permet précisément de «cristalliser» plusieurs de
ce qui n'était jusqu'alors que des intuitions touchant à la cosmologie bugis. Il
permet aussi de faire reculer l'origine des fondements proposée par le mythe
de La Galigo lui-même, et d'entrevoir peut-être une tradition religieuse qui lui
est antérieure. Certes, on ne doit pas surestimer l'importance de ce récit qui ne
compte à peine que cinq pages manuscrites (format 16 x 21 cm.), rédigées sur
un papier de facture récente, et dont la langue est le bugis moderne. On n'y
trouvera donc pas la métrique caractéristique des sure* (cinq syllabes accen- 37
tuées sur la pénultième ou quatre syllabes accentuées sur la dernière). En
outre, l'empreinte de l'islam y est explicite, car nous n'avons ici que l'avatar
tardif d'une parole qui a traversé des siècles d'histoire.
Néanmoins, accompagné et confronté avec les autres récits et informat
ions annexes dont nous allons rendre compte, nous pensons que ce texte peut
aider à se faire une idée assez juste de ce qu'ont pu être les croyances cosmolo
giques des Bugis au temps les plus anciens, et permettre une comparaison utile
avec les autres récits mythologiques d'Insi'linde et à fortiori de Sulawesi
(Minahasa, Toraja).
Mais le chercheur habitué à la critique des documents historiques ne
pourra manquer ici de manifester son scepticisme sur la valeur que nous
accordons à ce texte et il nous invite à préciser le bien-fondé de notre démarc
he. Encore faut-il rappeler que l'idée de retrouver, sous des travestissements
divers, les éléments d'une pensée très ancienne n'est pas plus nouvelle qu'isol
ée, et les mythologues occidentaux ont déjà fort bien illustré ce type de
décryptage. Pourtant, l'existence d'un texte en un seul exemplaire et, de sur
croît, en langue moderne, peut faire douter sinon de son authenticité, du
moins de sa valeur historique. Disons donc, tout d'abord, que la notion
d'archives, au sens occidental du terme, n'a guère de sens en pays bugis. C'est
bien plutôt celle de «regalia» ou de pusaka (en bugis arajang) qui s'y substi
tue, et la valeur de ces ne tient pas à leur ancienneté mais au pouvoir
occulte qui y est attaché. Aussi les textes sont-ils constamment copiés et reco
piés (il en est souvent de même pour les objets) et ce qui est pour nous «copie»
a ici autant de valeur qu'un original. En outre, le copiste d'un manuscrit a
toujours le loisir de retrancher certains passages et d'ajouter les éléments de
son cru au modèle dont il s'inspire, et c'est alors notre notion même d'authent
icité qui se trouve mise en défaut<4). Ensuite, plus important peut-être, il nous
faut insister sur le fait que la notion de secret est inhérente à ce récit, et si
avons probablement affaire ici à une tradition orale exceptionnellement consi
gnée par écrit, il s'agit néanmoins d'une tradition réservée aux seuls initiés.
Elle se transmet habituellement de bouche à oreille, et l'on n'y fait allusion
qu'avec d'infinies précautions. Plusieurs de nos informateurs versés dans
l'ésotérisme bugis traditionnel interrompirent nos commentaires sur l'origine
des dieux de La Galigo, en disant qu'il n'était pas permis de raconter ces cho
ses à haute voix, et i

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents