Raden Istigno Kartodidjojo (1921-1999). À la recherche d un sublime (adiluhung) javanais - article ; n°1 ; vol.69, pg 127-150
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Raden Istigno Kartodidjojo (1921-1999). À la recherche d'un sublime (adiluhung) javanais - article ; n°1 ; vol.69, pg 127-150

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Description

Archipel - Année 2005 - Volume 69 - Numéro 1 - Pages 127-150
Pierre Labrousse, Institut national des Langues et Civilisation orientales, Paris
Raden Istigno Kartodidjojo (1921-1999). À la recherche d'un sublime (adïluhung) javanais
This Javanese painter, whose life (1921-1999) spanned the major part of the 20th century, has left a relatively small production. In his paintings, a profuse nature and overloaded background clearly point at Balinese influence, but the themes, elaborated in wayang style, are drawn from Javanese mythological tradition. Although it misleadingly looks like decorative art, and behind even the veiled animism stressed by the almost oppressive importance of nature, the scenes elected by the painter and interpreted in complex compositions have an immediate political significance that must be understood in the light of an ancestral philosophy.
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2005
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Pierre Labrousse
Raden Istigno Kartodidjojo (1921-1999). À la recherche d'un
sublime (adiluhung) javanais
In: Archipel. Volume 69, 2005. Autour de la peinture à Java. Volume I. pp. 127-150.
Abstract
Pierre Labrousse, Institut national des Langues et Civilisation orientales, Paris
Raden Istigno Kartodidjojo (1921-1999). À la recherche d'un sublime (adïluhung) javanais
This Javanese painter, whose life (1921-1999) spanned the major part of the 20th century, has left a relatively small production.
In his paintings, a profuse nature and overloaded background clearly point at Balinese influence, but the themes, elaborated in
wayang style, are drawn from Javanese mythological tradition. Although it misleadingly looks like decorative art, and behind even
the veiled animism stressed by the almost oppressive importance of nature, the scenes elected by the painter and interpreted in
complex compositions have an immediate political significance that must be understood in the light of an ancestral philosophy.
Citer ce document / Cite this document :
Labrousse Pierre. Raden Istigno Kartodidjojo (1921-1999). À la recherche d'un sublime (adiluhung) javanais. In: Archipel.
Volume 69, 2005. Autour de la peinture à Java. Volume I. pp. 127-150.
doi : 10.3406/arch.2005.3931
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arch_0044-8613_2005_num_69_1_3931Pierre Labrousse
Raden Istigno Kartodidjojo (1921-1999).
À la recherche d'un sublime (adiluhung) javanais
Raden Istigno Kartodidjojo occupe une place singulière dans l'histoire de
la peinture indonésienne pour avoir exploré les voies d'un genre composite
entre Java et Bali, avec des références à l'art occidental qui sont restées mini
males 0) et des références à l'art chinois qu'il n'a malheureusement pas
explicitées. Les étiquettes {dekoratif, tradisional, kontemporer) par les
quelles il a été qualifié, sont extrêmement réductrices, car s'il s'agit bien,
dans sa peinture, de mythes traditionnels et de la mise en scène d'une nature
décorative, par l'art de reproduire avec précision un décor compliquée2), ces
mythes ont été revisités avec une volonté d'approfondissement. La mise en
œuvre est extrêmement réfléchie, méditée et originale. Car Istigno apporte
une dimension rarement présente dans la peinture indonésienne, celle du
temps de la réflexion : à la fois du temps pour se replonger dans l'esprit des
sources, et du temps nécessaire à la construction élaborée du tableau. Cela
explique que ses œuvres soient rares. Après 1978, date tardive à laquelle il
découvre enfin son style, il a peint une cinquantaine de toiles. Elles forment
1. L'inspiration des mythes javanais est présente dans les œuvres de nombre de peintres com
me Sudibio (1912-1981) par exemple, mais plus sous la forme d'une illustration que sous la
forme d'un message spirituel. On peut comparer, dans ce volume, avec l'inspiration du
peintre de Surabaya, Rilantono.
2. Nyungging en javanais, qui ajoute à l'idée d'appliquer une peinture décorative (sur les
figurines de wayang) celle de reproduire avec exactitude un motif compliqué. Cf. dans ce
volume, Matthew Isaac Cohen, pp. 5-38.
Archipel 69, Paris, 2005, pp. 127-150 128 Pierre Labrousse
un corpus cohérent et sont heureusement restées dans la famille qui a bien
voulu nous autoriser à les reproduire (3X
Sur sa formation de peintre, on retrouve un itinéraire assez classique pour
sa génération. Il naît à Pati où son père était opasW. Jeune, il aime dessiner
certes. Mais quand il évoque cette période, il parle plus volontiers de sa sen
sibilité à la beauté de la nature, et du choc qu'il éprouva, à l'âge de treize
ans, après la mort de sa mère, qui eut pour conséquence un brutal change
ment familial (5). Il se complaît dans la solitude et part à l'aventure, pour une
formation itinérante en guise de rite d'initiation. Il a seize ans. C'est par un
passage dans un bureau de réclame (Reklame Bureuw Cunar Soerabaja(6))
qu'il apprend son métier. Cet emploi prend fin en 1942, avec l'occupation
japonaise. Après un rapide séjour à Bodjonegoro et à Blora, il réside à
Jakarta. Là il fait connaissance de Raden Affandi (la famille prend soin d'uti
liser ce titre) qui l'héberge. Il se forme durant une année à la pratique de son
art. Le style d'Istigno est loin de l'expressionnisme débridé de son maître.
Mais ce dernier accepte sereinement cette différence comme une preuve de
la liberté d'expression de son élève. Istigno repart à Surabaya. Il peint des
affiches de propagande sous l'égide de KaryonoC7) et participe à la résistance
contre les Alliés.
Puis, après l'indépendance, il préfère quitter le milieu militaire, avec
lequel il garde des relations qui l'aideront dans son métier d'entrepreneur. Il
veut vivre autrement. Il s'installe comme peintre publicitaire, fournisseur de
matériaux de construction et conducteur de travaux, rue Kertadjaja à
Surabaya. Il s'éloigne de la peinture. En 1964, il fait l'acquisition à Pandaan,
sur la route de Tretes, près du théâtre de plein air (Taman Candra
Wilwatikta), d'un terrain sur lequel il construit une maison qui lui sert de
studio et de galerie. Il l'appelle «Sanggar Prapanca(8)». Les dévaluations
successives réduisent son train de vie. Le retour à la peinture se fait dans ce
contexte difficile. Il paraît amer et désabusé. Il se rend souvent à Bali, surtout
dans les années 80.
3. Cet article est fondé essentiellement sur des entretiens avec son épouse Rr. Tjahyani
Widowati et son fils Nanang Rahayu Tulus, et sur la consultation du press-book de ses expos
itions.
4. «Planton» ou «appariteur».
5. Après la mort de sa mère, les relations avec sa belle-mère se dégradent, cf. Bentara
Budaya, juin 1987.
6. Le passage par les bureaux de réclame est une des voies de formation des peintres de la
période coloniale. De cette formation, Istigno reconnaît avoir conservé la pratique d'un cer
tain éclat des couleurs.
7. Karyono Jososoetjitro avait contribué à l'illustration de journaux comme Penjebar
Semangat, Terang Bulan, Soeara Asia. Il avait aussi travaillé dans un bureau de réclame de
Surabaya.
8. Auteur du Nagarakertagama.
Archipel 69, Paris, 2005
\ Raden Istigno Kartodidjojo (1921-1999) 129
Plus difficile est la reconstitution de son cheminement intérieur. Après
avoir pratiqué un genre figuratif qui ne le distingue guère du commun des
peintres, il trouve tardivement sa voie dans le style des tableaux reproduits
ci-après. C'est en discutant avec des peintres balinais de Pengosekan (9) et
d'Ubud, où il réside à plusieurs reprises, qu'il aurait pris conscience de
l'échec de l'indonésianisation de l'art en général et particulièrement de la
peinture moderne (kegagalan dalam nasionalisasi seni)(W). Il semble que
cette crise identitaire ait correspondu à ses problèmes personnels et profes
sionnels. Istigno se compare volontiers au personnage mythique de Sungging
PrabangkaraC11) qu'il interprète comme une victime de l'incompréhension.
En 1978, il a 57 ans. Il opère un retour sur lui-même, sur son univers cultur
el, en se détournant de la peinture moderne pour se définir comme «un
Javanais qui peint de façon indonésienne». Les amateurs auront l'occasion
de voir quelques rares expositions de ses œuvres : deux à Bali, à la fin des
années 80 et deux à Java, l'une à Yogya, en juin 1987 (il a 66 ans), organisée
par Bentara Budaya et l'autre, en février 1989, au Centre culturel français de
Surabaya.
Pour expliquer son changement de style, Istigno se réfère au wayang
beber et au wayang kulit par la stylisation des personnages, la mise à plat des
corps et des visages, vus de profil, et par le soin des détails cernés d'un trait
noir au pinceau chinois, par l'attention portée aux costumes et aux access
oires. Mais il ajoute une complexité de composition, une richesse des cou
leurs (inspirée aussi de la technique publicitaire) et un traitement légèrement
ombré des corps - parfois des visages - qui introduit un relief, sans toutefois
qu'il s'agisse véritablement d'une recherche du rendu de la lumière. Ces
paysages sont souvent traités dans une perspective plongeante (12), avec des
variations du point de vue selon les parties du tableau, qui leur confè

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