Vous seriez enchanté de mon château, il est d’ordre dorique et durera mille ans. Je mets sur la frise «Voltaire fecit».
Voltaire à la comtesse d’Argental, 20 juillet 1759
Lucien Choudin (LC) Alex Décotte (AD) Jacqueline Forget (JF) André Magnan (AM) Avec la participation d’Andrew Brown (AB), Alain Gégout (AG) et Olivier Guichard (OG)
VoltaireàFerney 1759-2009
« Si on ne m’aide pas on aura grand tort. Et pour m’aider il faut me laisser faire »
Illustrations : Garry Apgar, Hugh Bulley, Alain Gégout (Lutopic), Aline Rohrbach Centre international d’étude du XVIIIe siècle Photos : Jean-Robert Comte, Alex Décotte, Etienne-Paul Maquet
Fondation Voltaire à Ferney Sous l’égide de la Fondation de France 26 Grand’rue, 01210 Ferney-Voltaire www.fondation-voltaire.net info@fondation-voltaire.net
Dimanche au cabaret
Les vaches de madame Denis Au cabaret de Louis Zin, vigneron de surcroît, on riait sous cape mais on riait. Et comment ! Mieux : on se gaussait. Pensez ! Entre le seigneur qui faisait la chasse aux voleurs de bois et son inénarrable nièce qui courait jusque derrière les cuisinières pour leur expliquer comment éplucher les pommes de terre sans en perdre un gramme de chair – elle qui n’en manquait pas – chacun des villageois se mettait peu à peu en tête que le château et ses nouveaux propriétaires illustraient désormais, pour l’édification de tous, les vertus de la probité, de la fraternité, du respect et d’une organisation sans faille. Or, quatre jours plus tôt, le mardi vingt-huit mai de l’an de grâce 1759, le messier de Moëns, Catherin Thomas, qui ne dédaignait pas la fréquentation du cabaret, faisait ses courses ordinaires sur les six heures de relevée lorsqu’il surprit dans une pièce de vigne haute appartenant au sieur Bellami, citoyen de Genève, vingt six bêtes à cornes, tant vaches, génisses que mogeons, où elles avaient déjà fait un dégât considérable. Lesdites bêtes n’étant gardées par personne, il s’en saisit, à l’aide de Jean-Louis Alliod et de Bernard Gaillard, et les conduisit dans la cour dudit sieur Bellami où, peu de temps après, un berger et un autre do-mestique les vinrent réclamer. Si les vingt-six carnes n’avaient pas pu être identifiées, les deux hommes venus à leur quête l’étaient davantage, même par des moineaux – c’est ainsi que les irres-pectueux écorchaient les habitants du hameau de Moëns, voisin et néanmoins ennemi. Les deux larrons appartenaient à madame Denis, la nièce et dulcinée de Voltaire. Les vingt-six vaches aussi. Comme son nom l’y prédisposait, le sieur Bellami fut bon prince et beau joueur. Il permit aux vachers de repartir avec le cheptel, sous condition que la