Charlemagne et l Église - article ; n°133 ; vol.39, pg 165-199
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Description

Revue d'histoire de l'Église de France - Année 1953 - Volume 39 - Numéro 133 - Pages 165-199
35 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1953
Nombre de lectures 76
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Étienne Delaruelle
Charlemagne et l'Église
In: Revue d'histoire de l'Église de France. Tome 39. N°133, 1953. pp. 165-199.
Citer ce document / Cite this document :
Delaruelle Étienne. Charlemagne et l'Église. In: Revue d'histoire de l'Église de France. Tome 39. N°133, 1953. pp. 165-199.
doi : 10.3406/rhef.1953.3143
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhef_0300-9505_1953_num_39_133_3143ET L'ÉGLISE (1) CHARLEMAGNE
d'une L'œuvre telle importance de Charlemagne pour est toute tellement l'histoire considérable du Moyen Age et
que la pensée religieuse du prince et ses relations avec l'Église
sont rarement étudiées pour elles-mêmes. Non qu'elles soient
sacrifiées aux autres événements et aux autres institutions :
la civilisation du vine et du ixa siècle est si imprégnée du
Christianisme — dans un sens qu'il nous faudra définir —
et l'Église joue alors un tel rôle qu'aucun historien ne serait
tenté de négliger la formation de l'État pontifical, la réforme
de l'Église carolingienne, la renaissance des études ecclésias
tiques, le caractère religieux de l'Empire; mais cette étude
s'insère dans une vue d'ensemble, dans des jugements géné
raux de valeur qui ne permettent pas toujours de savoir
exactement ce que Charles a pensé et voulu dans le domaine
religieux2.
Nous voudrions ici, sans aborder les autres problèmes —
de la conquête, de l'organisation intérieure et des réformes
administratives, des projets politiques ou de la culture —
étudier seulement l'œuvre religieuse du prince. Il n'est pas
besoin de dire que les textes seront notre principal guide. Il
ne s'agira pas tant de passer en revue les thèses des divers
historiens3 que de proposer nous-mêmes une vue d'ensemble.
Parfois, il faut l'avouer, on prête à Charlemagne une acti
vité et une œuvre dont il ne fut pas le seul artisan, le besoin
1. Je remercie le R. Père Marcel Lambert Ord. Cap., mon ancien élève,
qui m'a autorisé à puiser largement dans son travail inédit Essai sut-
la Psychologie religieuse de Charlemagne, diplôme d'études super, sou
tenu à Toulouse en 1945.
2. C'est si vrai que le livre d'Emile Amann, l'Époque Carolingienne
(t. VI de l'Hist. de l'Église de Fliche et Martin) cesse souvent d'être une
histoire de l'Église sous Charlemagne pour devenir une histoire géné
rale de la période. On fera la même remarque au sujet de A. Dumas,
Charlemagne, dans le Diet. d'Hist. et de Géog. eccl.
3. Une excellente bibliographie critique, portant sur les travaux des
dernières années, a été récemment dressée, pour l'ensemble de la poli
tique de Charles, par Ch. Higounet dans Information Historique, t. IX
(1947), pp. 15-18, t. XIV (1952), pp. 13-19 qui nous dispensera de nous
attarder sur ces problèmes. J'ai moi-même publié dans la Rev. d'Hist.
de l'Égl. de Fr., t. XXXVIII, 1952, pp. 64-72, une étude sur la Gaule chré
tienne à l'époque franque, II : L'époque carolingienne. REVUE D'HISTOIRE DE L'ÉfillSE DE FRANCE 166
inévitable de tout simplifier rejetant dans l'ombre des prédé
cesseurs qui furent aussi des précurseurs. Charles n'est pas,
à lui tout seul, toute sa dynastie. Il faut donc voir d'abord,
pour éviter de lui accorder une originalité qui n'est pas la
sienne, «ur quels points il n'a fait que suivre une tradition
déjà existante.
C'est bien de tradition qu'il faut parler4, car Pépin lui-
même sur beaucoup de points, s'était seulement conformé à
ce qu'avait fait Charles Martel. Cette tradition peut se résu
mer en quelques entreprises, caractéristiques de l'époque ca
rolingienne par opposition à l'époque mérovingienne : l'évan-
gélisation de la C-ermanie, l'alliance franco-pontificale, la r
éforme de l'Église Franque, toutes trois supposant d'abord des
relations avec l'Église Anglo-Saxonne.
I. — Les relations avec l'église Anglo-Saxonne.
C'était en Angleterre comme «n une terre de refuge, que
s'était pour ainsi dire retiré, à la fin du vu* siècle et au début
du vine siècle, le meilleur de l'Église. A une époque qui voit
disparaître l'Afrique et l'Espagne chrétiennes et pendant la
quelle l'Église de Gaule est en décadence, il y a là-bas des
forces intactes : un monachisme vigoureux, une culture au
thentique, une dévotion à saint Pierre qui entretient dans
l'île la docilité à l'autorité romaine, un sens, d'ailleurs tout
romain, de l'organisation et de la centralisation, un accord
profond de l'Église avec la royauté, enfin un esprit mission
naire qui ne cessait de pousser les moines bretons à la pere-
grinatio pro Christo et qui allait leur permettre d'exporter,
pour ainsi dire, sur le continent toute une part de leurs usa
ges et d'y façonner une Église à leur ressemblance5.
C'est ici le rôle de Boniface, dont on peut faire un des créa
teurs de la Chrétienté médiévale, si l'on veut dire par là que,
4. Notre ignorance des conditions exactes dans lesquelles a été élevé
Charlemagne empêche parfois de mesurer ce qu'il a eu conscience
d'emprunter à ses devanciers. Mais on constate pourtant que — dévo
tion ou propagande — la Vita Arnulfi a été recopiée par les soins de la
famille pippinide (M.G.H., SS. Rer. Mer., II, p. 429) et que Charles a
fait écrire à un de ses conseillers intimes, Paul Diacre, une Hist, des
évêques de Metz, où revient le personnage d'Arnoul (P. £,., t. XCV, col.
700) et une Vita et Miracula s. Arnulfi iibid.j col. 731), deux ouvrages
qui révèlent l'intérêt que Charles portait à l'histoire de sa famille.
5. Cette question est traitée dans «on ensemble dans le livre excellent
de Wilh. Levison, England and the Continent in the eight Cent. (Ox
ford, 1946). ■
CHARLEMAGNE ET i/ÉGLISE 167
l'un des premiers, il a conçu l'unité du monde chrétien comme
la fraternisation d'Églises distinctes, mais se rendant de mut
uels services; qu'il leur a proposé le Saint-Siège et sa légis
lation comme centre constant de références et comme normes
souveraines; qu'il a mené son action en collaboration étroite
avec le pouvoir civil qui lui apparaissait comme de droit
divin; qu'il a fait des monastères bénédictins des centres de
mission, mais aussi de réforme, interprétant la Règle de
saint Benoît dans le sens d'un monachisme apostolique ^t
non pas replié sur ses richesses intérieures et fermé au
monde; enfin qu'il a été un homme de culture, à la fois pro
fane et sacrée, cette culture qui doit être le bien commun de
patries différentes et faire du Christianisme autre chose qu'un
système d'institutions et qu'un organisme de salut éternel.
Sur plusieurs de ces points, Charlemagne nous apparaît
comme le véritable héritier de Boniface; des entreprises qui,
peut-être, seraient restées vaines si elles n'avaient pas été
prolongées par un nouvel effort — que serait devenue la Ger
manie chrétienne de Boniface si Charlemagne ne l'avait an
nexée à ;l'Empire ? — ont porté tout leur fruit.
Il est d'ailleurs à noter, sans plus attendre, que la substitu
tion *en la personne de Charlemagne d'un prince, d'un laïc,
à un moine est à elle seule une révolution, et modifie fdonc,
sur un point capital, l'Église telle que la concevaient à cette
époque Rome et les Anglo-Saxons. Il reste que Charles n'au
rait pu reprendre à son compte l'œuvre entreprise s'il n'avait
été, d'une certaine façon, le premier disciple du saint. Il n'y
a pas à -se demander ce qu'il a su de lui : il suffit de se jrap-
peler le rôle joué par l'apôtre à la cour de Pépin, son inter
vention en 751, sa responsabilité dans les conciles réformat
eurs pour deviner ce qui se disait de lui autour de Charles6.
Il est facile d'ailleurs de deviner ce qu'un autre insulaire
et un autre bénédictin, Alcuin, a pu dire de son illustre comp
atriote à Charles. On sait le rôle joué à la cour par Alcuin
et on a pu penser qu'il fut pour Charles non seulement -un

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