AVANT PROPOS
DU TRADUCTEUR
La Vie de Notre Seigneur J ésus Christ d'apr ès les visions d'Anne Catherine
Emmerich, qu'offre ici aux lecteurs fran çais le traducteur de la Douloureuse
Passion et de la Vie de la Sainte Vierge, est le compl ément longtemps attendu de
ces deux ouvrages, publi é l'ann ée derni ère en Allemagne par le d épositaire des
manuscrits de Cl ément Brentano, lequel est, autant que nous pouvons le savoir, un
religieux de la congr égation du tr ès saint R édempteur, fond ée par saint Alphonse
de Liguori. Ce compl ément est consid érable, car il embrasse toute la vie publique
du Sauveur, à partir de la pr édication de saint Jean Baptiste. D'apr ès l' étendue des
deux premi ères parties, les seules publi ées jusqu' à pr ésent et qui forment, suivant
toute apparence, plus des deux tiers de l'ouvrage entier, on peut pr ésumer que le
tout n'aura pas moins de cinq ou six volumes.
Les consid érations que le traducteur(1) a mises en t ète de la Douloureuse Passion
et de la Vie de la sainte Vierge s'appliquent également au pr ésent ouvrage. Il se
bornerait à y renvoyer les lecteurs, si les questions qui se rattachent à l'appr éciation
d'une oeuvre de cette nature ne se trouvaient trait ées avec des d éveloppements bien
plus consid érables dans la longue et savante introduction dont l' éditeur allemand a
fait pr écéder la Vie de Notre Seigneur J ésus Christ. Il ne peut que s'en r éférer à ce
travail remarquable, o ù sont expos ées aussi clairement et aussi compl ètement que
possible les r ègles adopt ées dans l'Eglise catholique, en ce qui touche les visions et
les r évélations priv ées, et o ù l'application de ces r ègles aux écrits dict és par Anne
Catherine Emmerich am ène une foule d' éclaircissements du plus haut int érêt sur la
vie de la pieuse extatique et sur ses rapports avec l'homme éminent qui s' était fait
son secr étaire.
Note 1 Peut être y aurait il lieu de faire quelques r éserves à propos de la
comparaison établie par l' écrivain allemand entre Anne Catherine Emmerich et
Marie d'Agreda, quoique ses critiques, si l'on y regarde bien, ne tendent en rien à
diminuer la v énération due à la sainte religieuse espagnole, et s'adressent surtout à
la traduction fran çaise, fort d éfectueuse en effet, de la Cit é mystique de Dieu.
Quant au livre lui m ême, il suffit de dire qu'il a la m ême origine que la
Douloureuse Passion et la Vie de la Sainte Vierge, qu'il en est le compl ément et le
lien, qu'il a le m ême caract ère, les m êmes m érites, qu'il est destin é à produire la
même impression. Sans doute, comme ses devanciers, il soul èvera plus d'une
objection (2), il donnera lieu à plus d'une critique ; mais, comme eux aussi, il
touchera, il édifiera les âmes simples et pieuses ; il fournira un nouvel aliment à
leur d évotion, et leur fera aimer davantage l'adorable personne de Celui qui a
habité parmi nous, plein de gr âce et de v érité (Jean. 1, 14). Telle est du moins
l'espérance que nous avons con çue, et sans laquelle nous n'eussions jamais song é à
entreprendre ce long et p énible travail.Note 2 : Dans un avant propos qui pr écède la seconde partie de la vie de N. S. J.
C., l' éditeur allemand a r épondu aux principales objections qu'ont fait na ître
certains passages de la premi ère partie. La traduction de cette r éponse sera mise en
tête du tome troisi ème, qui ne tardera pas à para ître. Du reste, l'approbation que
Mgr l' évêque de Limbourg, l'un des plus illustres champions de l'ind épendance de
l'Eglise en Allemagne, a bien voulu donner à tous les volumes publi és jusqu' à
présent, est une garantie suffisante qu'il ne s'y trouve rien de s érieusement
attaquable au point de vue de l'orthodoxie.
PRÉFACE
Lorsque Cl ément Brentano, il y a plus de vingt ans, publia les visions d'Anne
Catherine Emmerich sur la Douloureuse Passion de N. S. J ésus Christ, il les appela
"des m éditations" pour lesquelles il ne demandait qu'une chose, c'est qu'on y vit
tout au plus "les m éditations de Car ême d'une d évote religieuse", peut être aussi
incomplètement saisies et reproduites qu'inhabilement r édigées. Toutefois la
grande masse de lecteurs que ces " m éditations " ont imm édiatement trouv ée, les a
involontairement prises pour ce qu'elles sont en r éalité, c'est à dire pour des visions
ou des communications d érivées et d'un don d'intuition surnaturelle, et non pour le
produit de l'intelligence humaine travaillant dans sa propre sph ère. On crut pouvoir
trouver une garantie pour la justesse de cette appr éciation dans la courte biographie
d'Anne Catherine Emmerich que Brentano avait fait imprimer comme étant ce qui
pouvait le mieux les recommander. Il y d écrivait en effet d'une mani ère si simple et
si persuasive les directions merveilleuses, les gr âces accord ées à Anne Catherine et
ses souffrances extraordinaires, que raisonnablement il ne restait au lecteur d'autre
alternative que de rejeter la biographie comme une oeuvre d'imagination et par l à
même les visions comme une illusion et une imposture, ou de reconna ître dans
l'une comme dans les autres tous les caract ères de l'authenticit é. Malgr é tout ce
qu'il y avait l à d'extraordinaire, personne ne s'est arr êté s érieusement au premier
parti car la b énédiction attach ée aux visions est trop grande et trop évidente pour
qu'on puisse en chercher l'origine dans le mensonge. Qui les a jamais prises en
main sans en retirer les consolations les plus multipli ées et une nouvelle ardeur
pour la pi été ? Qui s'est laiss é aller à l'impression puissante de leur v érité na've
sans se sentir p énétré d'un amour plus ardent pour le tr ès Saint Sacrement, pour
Marie et pour l'Eglise.
Ce fait doublement consolant dans un temps comme le n ôtre, et le d ésir ardent
ressenti par tant de personnes de poss éder aussi compl ètes que possible les visions
d'Anne Catherine sont cause qu'on a entrepris de publier toutes les visions qui se
rapportent à la vie de J ésus.
L'éditeur se rend parfaitement compte de la grande responsabilit é que lui impose
son travail dans une mati ère aussi grave et aussi f éconde en cons équences : aussi n'a t il rien n égligé de ce qu'on a le droit d'exiger de quiconque se charge d'une
semblable entreprise. Non seulement il a pris la connaissance la plus exacte de
toutes les notes que Cl ément Brentano a écrites jour par jour avec une conscience
scrupuleuse pendant un s éjour d'environ six ans aupr ès d'Anne Catherine, mais il a
soumis tout ce qu'il y a pris pour la pr ésente publication à l'examen rigoureux de
théologiens comp étents. En outre, il mettra le lecteur lui m ême en mesure de se
former avec assurance un jugement pr écis et éclairé sur tout ce dont il s'agit. C'est
pourquoi dans l'introduction on donne des éclaircissements sur le don d'intuition
d'Anne Catherine et en particulier sur le caract ère et l'objet de ses visions : en
outre, on y rend compte aussi exactement que possible de la mani ère dont Anne
Catherine a communiqu é ses visions à Cl ément Brentano et dont celui ci les a
reproduites. On commence par établir avant tout les principes suivant lesquels on
doit juger les visions ou les soi disant r évélations, tels qu'ils sont admis dans
l'Eglise. Ils ont servi de r ègle à l' éditeur pour se diriger : c'est pourquoi il prie le
lecteur de les prendre aussi pour guides dans l'appr éciation de son travail.
Fête du Saint Nom de Marie, 1857.
L'Éditeur.
INTRODUCTION
Anne Catherine Emmerich fut, pendant l'espace de trois ans, favoris ée de visions
journalières, se succ édant sans interruption dans un encha înement historique, sur la
carrière de pr édication de J ésus Christ. Elles prirent commencement dans les
derniers jours du mois de juillet 1890 ; en outre dans les ann ées pr écédentes, Anne
Catherine avait aussi vu les myst ères de la vie de J ésus, non dans des tableaux
journaliers formant une s érie continue, mais avec des interruptions et suivant
l'ordre des dimanches et des f êtes de l'ann ée eccl ésiastique.
Le jeudi 19 juillet 1820, le p èlerin (1) se d ésole encore de ce qu'il ne lui est pas
possible de se reconna ître dans les visions sur les évangiles des dimanches parce
qu'Anne Catherine les oublie en partie, ne les raconte pas d'une mani ère assez
circonstanciée et n'indique point les noms des lieux, et parce qu'il ne peut pas
savoir à quelle ann ée de la vie du Christ les visions correspondent ni dans quel
ordre les évangiles qu'on lit à l' église sont dispos és les uns par rapport aux autres.
Note 1 : C'est le nom que Cl ément Brentano se donne ordinairement dans son
journal, ce qui fait qu'on continue ici à le designer de cette mani ère.
Ainsi Anne Catherine, le dimanche pr écédent sixi ème apr ès la Pentec ôte, avait eu
une vision sur l' évangile de la multiplication des pains pour la nourriture des quatre
mille hommes : les jours suivants elle avait encore communiqu é quelques
fragments de ses visions relatives à cet événement, qu'elle croyait en connexion
historique avec l' évangile du dimanche. Cependant le p èlerin ne pouvait pas bien se reconnaître dans cette communication incompl ète et il écrivait dans son journal
cette remarque : "il est affligeant que le p èlerin n'ait aucun secours qui l'aide à
trouver ici quelque chose de suivi. "
Or le secours qu'il d ésirait devait lui être donn é quelques jours plus tard d'une
façon merveilleuse et qu'il n'aurait jamais soup çonnée : car, le 30 juillet 1820,
Anne Catherine commen ça, ce qui semblait au p èlerin tout à fait inattendu et m ême
tout à fait inou', " à voir jour par jour les ann ées de pr édication de J ésus dans des
visions o ù tout était parfaitement li é, et cela sans interruption jusqu' à la fin de mai
1821. Ces visions successives commenc èrent par l'enseignement de J ésus sur le
divor