AVANT PROPOS
DE L' ÉDITEUR
La publication des Visions sur la vie de notre divin Sauveur se trouve compl étée
par les deux pr ésents volumes. Si la propagation rapide de l'oeuvre peut être
considérée comme prouvant la sympathie avec laquelle elle a été accueillie partout,
il faut reconna ître que cette sympathie a été tr ès grande, car dans l'espace d'un an,
trois mille et quelques cents exemplaires des deux premi ères parties ont été
écoulées, et il y a d éjà quelques semaines qu'on a publie la premi ère traduction
française.
La troisi ème partie aurait paru plus t ôt si l' éditeur n'avait longtemps d élibéré et
demandé l'avis de plusieurs savants th éologiens avant de se d écider à la donner
sans aucun retranchement et conforme de tous points à la r édaction primitive du
Pèlerin. Il avait aussi r éclamé comme jugement en dernier ressort, la d écision de
Mgr l' évêque de Limbourg, auquel il avait d éjà soumis le manuscrit, il y a un an,
en lui exposant tout au long les raisons pour et contre la publication. Cette d écision
a été que le livre devait para ître tel qu'on le pr ésente au lecteur, c'est àdire
reproduire avec une fid élité scrupuleuse la r édaction du P èlerin. A ce livre pourra
succéder bient ôt la biographie circonstanci ée de la pieuse Anne Catherine, pour
laquelle l' éditeur a entre les mains de si riches mat ériaux qu'il est en mesure de
donner sur toutes les gr âces extraordinaires qu'elle a re çues, un expos é conforme à
ce qu'exigent les r ègles de l'Eglise en Pareil cas. Jusquel à il ne peut être question
de jugement d éfinitif sur le plus ou moins de valeur de ce que renferme le pr ésent
ouvrage. L' éditeur s'en r éfère Par avance à la biographie de la voyante, comme a
son dernier mot, et il laisse en attendant le champ libre à la critique, qu'elle veuille
ou ne veuille pas s'occuper du livre. Chacune des visions qui y sont contenues, a
raison de leur liaison intime avec l'ensemble de la t âche assign ée à Anne Catherine,
est comme un chapitre de sa vie ; on ne peut donc les appr écier compl ètement
quant a leur signification et à leur origine, si l'on n'a étudié le myst ère de cette vie
merveilleuse.
Il y a des points qui peuvent susciter la contradiction par la nouveaut é ou par
certaines obscurit és : l'introduction a essay é de les placer dans leur vrai jour.
Le d ésir souvent exprim é d'avoir une carte de la Terre sainte qui reproduis ît
fidèlement, d'apr ès les donn ées des Visions, les contr ées parcourues par le
Seigneur dans ses voyages et tout le th éâtre de ses travaux évangéliques, sera
satisfait dans un bref d élai. Une carte de ce genre, dont l'ex écution a été confi ée à
une main habile, sera bient ôt termin ée et elle sera publi ée à la m ême librairie que
l'ouvrage entier.
Fête de sainte Agn ès, 1860.L'EDITEUR.
INTRODUCTION
I
Ce ne fut pas par un encha înement de circonstances fortuites, mais bien par une
disposition de la divine Providence, que la premi ère publication des visions de la
pieuse Anne Catherine Emmerich tomba dans un temps o ù les attaques des
hétérodoxes contre l' Écriture sainte et la filiation divine de J ésusChrist étaient
arrivées à leur apog ée, o ù, par un étalage sp écieux d' érudition, et plus encore par
une audace jusqu'alors inconnue qui trouvait dans la terminologie d'H égel sa plus
haute expression, elles avaient intimid é et paralys é, pour ainsi dire, ceux qui étaient
appelés à d éfendre la v érité sur le terrain de la science. En outre, l'influence du
rationalisme vulgaire qui avait r égné dans la p ériode pr écédente, quoiqu'elle e ût
déjà perdu de sa force, se faisait pourtant encore tellement sentir que, m ême parmi
les productions de la litt érature religieuse, la plupart se laissaient aller à des erreurs
grossières, ou se perdaient dans un vain et st érile partage, ce qui, n écessairement,
leur enlevait toute action vraiment efficace Ce fut alors, deux ans avant le trop
fameux livre de David Strauss, que parut la Douloureuse Passion, o ù cette époque
desséchée vit appara ître le divin Sauveur sous des traits si vivants, qu'un nombre
d'âmes toujours croissant vint se r échauffer devant la figure consolatrice et
sanctifiante, si magnifiquement esquiss ée par le P èlerin d'apr ès les traits fournis
par la pieuse fille. Aucun livre n'a fait son chemin dans le monde avec aussi peu de
bruit et aussi rapidement que la Douloureuse Passion qui, traduite en plusieurs
langues vivantes sous les yeux ou m ême avec l'approbation expresse de l' épiscopat
(comme dans quelques dioc èses des Etats de l'Eglise), est devenue un livre à
l'usage de tous les chr étiens.
Un des plus pieux pr élats de ce si ècle, Michel Wittmann, évêque de Ratisbonne,
avait, peu d'heures avant sa sainte mort, instamment press é le P èlerin de faire
profiter l'universalit é des fid èles des gr âces insignes accord ées par Dieu à sa fid èle
servante. " O mon tr ès cher ami, travaillez fid èlement, travaillez avec pers évérance
pour la gloire de J ésusChrist ! travaillez toujours et soyez in ébranlable " ! disait
l'évêque mourant en donnant sa b énédiction au P èlerin ; à ce moment supr ême, il le
félicitait devant t émoins d'avoir recueilli les visions d'Anne Catherine que, " d ès
leur premi ère rencontre, il l'avait d éjà conjur é de publier ".
Et si c'est aujourd'hui seulement que le produit le plus consid érable et le plus
important de la t âche douloureuse impos ée à la voyante peut para ître au jour de la
publicité, cela m ême n'est peut être pas un pur effet du hasard : car les jours o ù
nous vivons sont si tristes, et l'avenir le plus prochain se montre à nous si mena çant que ce livre, digne de respect par son origine comme par ce qu'il contient, appara ît
comme un gage consolateur pour relever le courage de bien des âmes ; mais il faut
y voir en outre une exhortation à r éparer à l' égard du Fils de Dieu fait homme, que
les Visions nous repr ésentent d'une mani ère si saisissante dans les fatigues et les
abaissements infinis de sa t âche journali ère sur la terre, les outrages que le monde,
aujourd'hui plus que jamais, lui rend en échange de ses mis éricorde ;s.
1 Vie et travaux du pieux évêque Michel Wittman, par P. Mittermuller 0. S. B.,
page 246.
2 L' éditeur a suffisamment expliqu é les causes de cette diff érence à la fin du
chapitre onzi ème (tome VI).
Les r écits contenus dans les pr ésents volumes ne semblent pas d'abord, il est vrai,
présenter, comme le livre de la Douloureuse Passion, un ensemble sorti d'un seul
jet, ils ne produisent pas, comme lui, l'impression d'une oeuvre également achev ée
dans toutes ses parties ; il y a toutefois un caract ère fondamental et essentiel qu'on
retrouve au m ême degr é dans toutes les sc ènes qu'ils font passer sous nos yeux :
c'est la manifestation constante et progressive du myst ère de la R édemption, telle
qu'elle a été op érée par J ésus Christ dans la pl énitude des temps, c'est àdire
comme terme et accomplissement de l'ancienne loi et comme fondation et
organisation de la sainte Eglise. Et c'est l à si exclusivement l'objet des Visions,
qu'elles ne pr ésentent rien qui y soit étranger ou qui aille à l'encontre, tandis qu'au
contraire tout y tire sa naissance et son d éveloppement d'une seule et m ême racine,
que chaque partie suppose les autres et y trouve son compl ément et son
explication. Ainsi tous les fragments qui, pris à part, paraissent souvent si
insignifiants et si d écousus, forment par leur r éunion un ensemble plein de vie :
grâce au lien int érieur qui les unit, ils pr ésentent un caract ère d'unit é bien
surprenant, quand on pense que ces Visions ont été racont ées à b âtons rompus et
comme au hasard, au milieu d'emp êchements, d'interruptions et de d érangements
de toute nature, et que le P èlerin, en les mettant par écrit, voyait la plupart du
temps son attente contrari ée, parce que tr ès souvent il entendait dire tout autre
chose que ce qu'il s' était imagin é à l'avance. Mais cela m ême est une preuve toute
spéciale de leur v érité et de l'illumination de la gr âce dont elles proviennent : car si
elles étaient le produit d'une combinaison tout humaine ou de l'imagination
inventive du P èlerin, elles devraient porter l'empreinte de cette origine, tandis
qu'elles prouvent seulement, dans tous leurs d étails, combien toutes les
circonstances ext érieures au milieu desquelles vivait la pieuse fille et les
souffrances continuelles qui étaient sa mission sur la terre rendaient impossible,
soit à ellem ême, soit au P èlerin, de se livrer à des contemplations religieuses ou
poétiques et d'arriver par cette voie à des r ésultats aussi merveilleux et aussi
remarquables par leur sens profond que ceux qui se trouvent sous nos yeux.
Souvent la Soeur, bris ée par ses souffrances, ne pouvait rendre compte de ce qu'elle avait vu que pendant un temps tr ès court, et le r écit m ême ne lui était
possible qu'autant que l'ordre de son confesseur lui donnait la force dont elle avait
besoin pour cela ' : le P èlerin de son c ôté était alors forc é d'attendre des heures
entières avant de pouvoir s'approcher du lit de la malade et la faire raconter ce
qu'elle avait vu. Comment, dans de pareilles circonstances, auraiton pu arriver à
un r ésultat, si une sagesse sup érieure n'avait veill é sur l'extatique, et parmi tant de
choses que la contemplation faisait passer devant son âme, n'e ût conserv é pr ésent à
sa m émoire, malgr é tant d'obstacles apport és par les embarras ext érieurs et par
l'intervention maladroite d'un entourage à l'esprit faible et born é, tout ce qui devait
être sauv é de l'oubli pour l' édification et l'utilit é g énérales ? Voil à pourquoi, m ême
dans ce qui parait le moins li é et le plus d écousu, dans les narrations les plus
courtes et les plus nues