Les deux sœurs - article ; n°1 ; vol.24, pg 33-56
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Genèses - Année 1996 - Volume 24 - Numéro 1 - Pages 33-56
Jacques Maître : The Two Sisters The two sisters discussed here are Sophie Lair Lamotte (1849-1838) and Pauline (1853-1918), daughters of a Mayenne hat- maker. They both completed their studies to become teachers in girls' primary schools and shared a strong religious fervor that led them to join the Third Order of Saint Francis. However, their professional lives were to diverge: the eldest continued the highly «successful» career, institutionally programmed in advance, that she began at age seventeen, which ultimately led to opening her own boarding school and representing private education in the Sarthe on the Departmental Primary Education Commission. The younger sister made a radical choice at the age of nineteen in favour of a life as a Franciscan mystic, giving up her family name, inheritance and professional degree in order to live in poverty among the most destitute proletarians in Montmartre after the Communards were crushed. Pauline's deviance is somewhat clarified when the reasons attending her unusual choice are considered from an analytic standpoint.
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 122
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jacques Maître
Les deux sœurs
In: Genèses, 24, 1996. pp. 33-56.
Résumé
Jacques Maître : The Two Sisters The two sisters discussed here are Sophie Lair Lamotte (1849-1838) and Pauline (1853-1918),
daughters of a Mayenne hat- maker. They both completed their studies to become teachers in girls' primary schools and shared a
strong religious fervor that led them to join the Third Order of Saint Francis. However, their professional lives were to diverge: the
eldest continued the highly «successful» career, institutionally programmed in advance, that she began at age seventeen, which
ultimately led to opening her own boarding school and representing private education in the Sarthe on the Departmental Primary
Education Commission. The younger sister made a radical choice at the age of nineteen in favour of a life as a Franciscan
mystic, giving up her family name, inheritance and professional degree in order to live in poverty among the most destitute
proletarians in Montmartre after the Communards were crushed. Pauline's deviance is somewhat clarified when the reasons
attending her unusual choice are considered from an analytic standpoint.
Citer ce document / Cite this document :
Maître Jacques. Les deux sœurs. In: Genèses, 24, 1996. pp. 33-56.
doi : 10.3406/genes.1996.1398
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/genes_1155-3219_1996_num_24_1_1398т
Genèses DOSSIER 24, sept. 1996, pp. 33-56
LES DEUX SŒURS
Les deux sœurs dont il va être question sont Sophie
Lair Lamotte (1849-1938) et sa cadette Pauline
(1853-1918). Filles d'un chapelier de Mayenne, Jacques Maître
elles avaient fait des études pour être institutrices; toutes
deux dévotes, tertiaires franciscaines dans l'obédience
dirigée par les capucins, elles n'ont pas cessé d'être liées
par une très chaleureuse affection ; mais elles auront suivi
des voies fort divergentes. L'aînée, Sophie, a mené sa car
rière pédagogique au Mans, où elle a eu assez rapidement
son propre établissement, et elle représentait l'enseign
ement libre à la Commission départementale de l'ense
ignement primaire. Pauline a opté très tôt, à dix-neuf ans,
pour une vocation radicale de mystique franciscaine, par
tageant sous un pseudonyme le sort des prolétaires les
plus démunis, sur la butte Montmartre, aux lendemains
de la liquidation des communards. Les conditions sociales
dans la famille d'origine n'étaient pas complètement
superposables; ainsi, le rang dans la fratrie constitue une
différence sociale significative, encore qu'il joue ici dans
le sens où l'avenir professionnel de la puînée se trouvait a
priori favorisé par la position de l'aînée : au moment
même où débute l'engagement mystique de Pauline, la
directrice de l'école où travaille Sophie offre un poste à la
cadette. Sans avoir l'idée absurde de reconstituer une
totalisation des processus en jeu, il est dès lors tentateur
de se tourner vers la psychanalyse pour donner un sens à
la subjectivité de la rupture que Pauline opère en cassant
la trajectoire inscrite dans son origine familiale et scolaire,
tandis que l'aînée poursuit d'une façon exemplaire et
réussie la carrière prévue. Telle est la démarche dont je
veux rendre compte dans cet article, après avoir exposé le
cheminement épistémologique, théorique et méthodolog
ique qui me conduit à traiter ainsi mon matériel.
Epistemologie
La question originelle de mes travaux sur la mystique
est celle de l'articulation entre la sociologie et la psychan
alyse. Je l'avais explicitée en 1975 dans un article dont
l'épistémologie devait encore se mettre à l'épreuve de т
recherches concrètes1. Le concept d'idéologie est central
DOSSIER Jacques Les Trajectoires deux Maître sœurs dans cette démarche, en partant des positions prises par
Piaget:
«Entre la technique et la science, il y a un moyen terme, dont
le rôle a parfois été celui d'un obstacle: c'est l'ensemble des
formes collectives de pensée ni techniques ni opératoires et
procédant de la simple spéculation; ce sont les idéologies de
tout genre, cosmogoniques ou théologiques, politiques ou
métaphysiques, qui s'étagent entre les représentations collec
tives les plus primitives et les systèmes réflexifs contemporains
les plus raffinés. Or, le résultat le plus important des analyses
sociologiques conduites sur ce moyen terme, ni technique ni
opératoire, de la pensée collective, a été de montrer qu'il est
essentiellement sociocentrique2. »
«Les représentations sociomorphiques (idéologiques) expri
ment la manière dont les individus se représentent en commun
leur groupe social et l'univers, et c'est parce que cette repré
sentation n'est qu'intuitive ou même symbolique, et non pas
encore opératoire, qu'elle est sociocentrique, en vertu d'une
loi générale à toute pensée non opératoire, qui est de demeur
er centrée sur son sujet (individuel ou collectif)3.»
«[Cette conception de l'idéologie] met en évidence la dualité
de pôles entre une pensée dont la fonction est de justifier des
valeurs et dont l'autre est de dégager les relations entre la
nature et l'homme4.»
Jean Piaget souligne donc un des traits constitutifs de
l'idéologie: la fonction de légitimation, tendant à «justi
fier des valeurs» qui «constituent les buts des actions de
l'homme en société».
Or, l'idéologie ne peut fonctionner dans le social sans
se trouver investie subjectivement par les individus, 1. «Sociologie de l'idéologie et entretien
comme le montre Willy Baranger: non directif», Revue française
de sociologie, n° XVI-2, 1975, pp. 248-256. «[elle] a un contenu latent, c'est-à-dire qu'elle exprime - Les trois références principales comme le rêve, le jeu, le symptôme névrotique ou n'importe de cet article étaient : Jean Piaget :
quel phénomène mental - des fantasmes inconscients et des Introduction à I 'epistemologie génétique,
Paris, PUF, 1950; Louis Althusser: relations objectâtes. Freud a montré que le moi acquiert son
«Idéologie et appareils idéologiques idéologie dans une suite d'identifications introjectives, c'est-à-
n° 151, 1970, d'État», La Pensée, dire qu'elle est elle-même vécue comme un objet, qu'elle pp. 3-38; Willy Baranger: représente une série d'objets introjectés5.» «Le moi et la fonction de l'idéologie»,
La Psychanalyse, n° 5, 1969, Dès lors l'idéologie se situe avec précision à l'interface pp. 183-193.
des deux champs épistémologiques constitués respectiv
2. J. Piaget, Introduction ement par la sociologie et la subjectivité individuelle. à I 'epistemologie génétique, op. cit.,
pp. 241-242.
Théorie 3./Ш.,р.246.
Si on retient comme un des traits essentiels de l'idéolo4. /Ш., p. 253.
gie sa capacité de légitimation, une construction d'objet 5. W. Baranger, «Le moi et la fonction
de l'idéologie», op. cit., p. 185. sociologique doit d'abord se référer au point de vue social
34 qui fonde la légitimité de telle idéologie; cette nécessité
nous renvoie aux processus sociaux qui constituent la
genèse de ce point de vue.
«Son symbolisme est nécessairement sociocentrique, puisque
sa fonction propre est de traduire en idées les aspirations nées
des conflits sociaux et moraux, c'est-à-dire de centrer l'univers
sur les valeurs élaborées par le groupe ou par les sous-collecti
vités qui s'opposent au sein du social6.»
Sur le plan théorique, j'articule ce concept avec celui
que Freud dénomme «illusion» :
«Nous appelons illusion une croyance quand, dans la motivat
ion de celle-ci, la réalisation d'un désir est prévalante7.»
Dans le social, Freud s'attache particulièrement aux
illusions religieuses:
«Ces idées [religieuses], qui professent d'être des dogmes, ne
sont pas le résidu de l'expérience ou le résultat final de la
réflexion: elles sont des illusions, la réalisation des désirs les
plus anciens, les plus forts, les plus pressants de l'humanité ; le
secret de leur force est la force de ces désirs8.»
Spécialisé dans les sciences sociales des religions, je me

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