Pendant le premier millénaire, les chrétiens d'Orient et d'Occident ont vécu la diversité de leurs traditions spirituelles dans l'unité d'une même foi. Pendant le deuxième millénaire, cette diversité est devenue une division entre orthodoxes, en Orient, et catholiques (puis protestants et anglicans), en Occident. Aujourd'hui, à l'aube du troisième millénaire, en nous limitant aux seules relations entre orthodoxes et catholiques, quels sont les obstacles et les tensions, mais aussi les pierres d'attente et les espérances, qui jalonnent le chemin actuel vers un solide et durable retour à l'unité de la foi commune, dans le respect de la diversité et de la complémentarité des traditions spirituelles respectives ?
ASSOCIATION SACERDOTALE
LUMEN GENTIUM
ORTHODOXES et CATHOLIQUES
" Tensions Esp érances"
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L'UNIVERS SPIRITUEL DU CHRETIEN D'ORIENT
Mgr Bernard DUPIRE.Nous avons l'avantage de vous offrir des pages vécues. Ce n'est pas si fréquent en
matière d'oecuménisme. Personne n'en porte d'ailleurs la responsabilité. Qui pourrait se
reprocher de ne pas être de deux traditions à la fols?
Mais c'est pr écisément l'avantage de Monseigneur Bernard Dupire! II conna ît et vit deux
traditions, deux spiritualités, orthodoxe et catholique de l'int érieur. Il respire des deux
"poumons" dont JeanPaul II aimerait tant faire b énéficier le Corps entier de l'Eglise!
Monseigneur Bernard Dupire est prêtre français du diocèse de Paris. Mais 11 a fait
ses études au séminaire Russicum à Rome. Il a été ordonné prêtre dans le rite byzantin
en 1953. Depuis 1956. il est responsable du Foyer Culturel Franco Russe de Paris.
Protoprêtre mitré, 11 est aussi assistant de la paroisse catholique russe de la Très Sainte
Trinité à Paris.
De 1959 à nos jours, il a effectué de nombreux séjours dans tous les pays de l'Est, en
particulier en Russie.
Il est l'auteur d'un cours d'Introduction à l'Orthodoxie, d'articles sur la Russie et les
Eglises orthodoxes, dont une contribution à l'Histoire v écue du Peuple Chr étien" (sous la
direction du Professeur Jean Delumeau), et de très nombreuses conférences en France et
à l' étranger.
Voici donc des pages vécues! Vivantes, elles le sont aussi grâce au supplément qui est
offert avec ce cahier: une audiocassette de 90 minutes. Chaque conférence tient sur
une face. Si le temps de lire vous manque, vous n'en perdrez plus dans vos
déplacements! Et avec ces pages écrites, vous pourrez même revenir à la source, sûrs de
n'avoir vraiment rien perdu!
Avec la première conférence, vous entrez en oecuménisme par le biais de l'histoire,
toujours riche en enseignements: "ORTHODOXES ET CATHOLIQUES: TENSIONS
ET ESPERANCES". Une conférence donnée aux Journées fraternelles de l'Association
Lumen Gentium à Paris le 25 novembre 1996.
La deuxième conférence nous conduit plus profondément dans "L'UNIVERS
SPIRITUEL DU CHRETIEN D'ORIENT". Cette conférence a été donnée au colloque
"ReligionCultureFol" pr ésidé par le cardinal Poupard à NotreDame du Laus (Gap) le
10 septembre 1996.
L'actualité et l'urgence des sujets abordés dans ce cahier sont évidentes. Par contre, sans
un regard objectif sur l'histoire et une connaissance approfondie de chaque spiritualité,
même la meilleure volonté pourrait s'égarer. C'est pourquoi, Chrétiens de bonne volonté
oecuménique: Usez ce cahier!ORTHODOXES ET CATHOLIQUES
TENSIONS ET ESPERANCES
Pendant le premier millénaire, les chrétiens d'Orient et d'Occident ont vécu la diversité de
leurs traditions spirituelles dans l'unité d'une même foi.
Pendant le deuxième millénaire, cette diversité est devenue une division entre orthodoxes,
en Orient, et catholiques (puis protestants et anglicans), en Occident.
Aujourd'hui, à l'aube du troisième millénaire, en nous limitant aux seules relations entre
orthodoxes et catholiques, quels sont les obstacles et les tensions, mais aussi les pierres d'attente
et les espérances, qui jalonnent le chemin actuel vers un solide et durable retour à l'unité de la foi
commune, dans le respect de la diversité et de la complémentarité des traditions spirituelles
respectives ?
Les facteurs de division
La division actuelle entre orthodoxes et catholiques est la résultante de trois facteurs,
difficilement dissociables dans la réalité, mais que, pour plus de clarté, nous distinguerons
séparément :
d'abord, les facteurs nonreligieux, que sont les événements historiques, les interférences
nationales, politiques, économiques et culturelles. Dans le contentieux orthodoxescatholiques,
ces facteurs sont particulièrement nombreux et graves, car s'ils appartiennent au passé, leur
poids est toujours très fort dans le présent. Dans te monde orthodoxe, l'Eglise ayant souvent été
l'âme et le rempart de la nation, il lui est difficile actuellement d'échapper au danger de confusion
et de collusion entre religion et nationalisme, et de ne pas être, même à son corps défendant,
utilisée par le pouvoir politique.
ensuite, les facteurs religieux qui concernent "le fond", à savoir, le dogme. Ici, le dialogue
théologique est essentiel pour préciser comment l'enseignement du Christ est compris, diffusé et
vécu dans chacune des deux traditions chrétiennes. Dans sa dernière encyclique "Ut unum sint",
JeanPaul II, en évoquant le rôle de l'évêque de Rome « serviteur des serviteurs au service de
l'unité visible de tous les chrétiens », a ajouté qu'il était prêt à discuter avec tous « dans un
dialogue fraternel et patient » sur les modalités de ce ministère de présidence de l'Eglise, dans la
Vérité et dans l'Amour. De plus, dans ce domaine doctrinal, il importe de bien dissocier les
dogmes euxm êmes des « théléogoumena » ou opinions théologiques. D'immenses progrès ont
déjà été réalisés par la "commission mixte" orthodoxecatholique, démontrant que certaines
affirmations apparemment divergentes et incompatibles étaient en fait convergentes et
complémentaires.
enfin, les facteurs religieux qui concernent "la forme", l'expression de la foi telle qu'elle se
manifeste dans le rite, la liturgie, la spiritualité, la piété populaire et toutes les approches
psychologiques inhérentes à chaque tradition chrétienne. Ici, il s'agit essentiellement d'uneChez les catholiques, le Magistère, c'estàdire le Pape et le Concile, est un organe
monolithique qui, tout en permettant un certain éventail d'opinions et d'options différentes, reflète
cependant une unanimité fondamentale. En matière oecuménique, par exemple, et plus
spécialement concernant les relations catholiquesorthodoxes, les documents et les actes du
Magistère ne suscitent pratiquement pas de r éprobation.
Chez les orthodoxes, en revanche, chaque Eglise jouit d'une autonomie juridictionnelle et
canonique qui, en dehors de l'unanimité dogmatique, l'autorise à avoir, en matière pastorale,
comme celle des relations avec les hétérodoxes, des positions variées. Si, avant la chute de
Constantinople (1453), le Patriarche de cette ville était le leader incontesté de toutes les Eglises
orthodoxes, aujourd'hui il ne conserve que le titre honorifique de "Patriarche oecuménique", sans
exercer un rôle en aucun cas comparable à celui du pape pour les catholiques.
De toute façon, et sans avoir besoin de se concerter, les hiérarchies orthodoxes ont
globalement, de nos jours, la même attitude envers l'Eglise catholique, qui va de l'hostilité à
l'indifférence, en passant par toutes les formes de suspicion, de r éticence de peur et de méfiance.
Ceci ne rend que plus méritoires certains gestes individuels de hiérarques affichant leur volonté
de dialogue.
Plutôt que de s'étonner et de s'offusquer de telles attitudes, il faut en comprendre la cause
: l'isolement rigoureux de toutes les Eglises orthodoxes par rapport aux Eglises d'Occident,
depuis la chute de Constantinople.
Au sud, toutes les Eglises soumises au joug ottoman ont été figées dans une hibernation
forcée, et coupées par un v éritable rideau de fer et de sang du reste de la chrétienté.
Au nord, les Eglises "libres", en particulier celle de Russie ont connu un grand essor
spirituel, mais l'autocratisme politicoreligieux des tsars a emp êché toute velléité de contacts avec
les Églises occidentales, catholiques et protestantes, qu'ils identifiaient à leur voisins, ennemis
héréditaires, qu'étaient les Suédois, les Lituaniens, les Polonais et les AustroHongrois. Les
seules occasions de rencontres interconfessionnelles eurent donc lieu sur les champs de bataille
de l'Europe Centrale !
Les grécocatholiques : les malaimés
De ce flux et reflux de conqu êtes et d'occupations sont n ées, au XVIème siècle, en Europe
orientale sur les contreforts des Carpathes, les communaut és grécocatholiques, dont la première
vocation était d'être des traits d'union entre chrétiens d'Orient et d'Occident, mais dont la tragique
destinée en a fait des pierres d'achoppement. Rejetés par les orthodoxes, mal accueillis par les
catholiques latins, ils sont des mal aimés, plus victimes que "coupables". Les vrais fautifs sont,
d'une part les orthodoxes identifiant la foi orthodoxe au rite byzantin, et d'autre part les
catholiques latins identifiant la foi catholique au rite latin. Ces derniers en particulier, en réduisant
la catholicité à la latinité, ont peu à peu obligé ces orientaux, unis au Pape en tant que chef de
l'Église universelle, à dépendre du Pape en tant que Patriarche latin. Ainsi ontils peu à peu
obligé les grécocatholiques à "latiniser" leurs rites liturgiques et leurs usages canoniques et
spirituels, ne se rendant pas compte qu'en "massacrant" ainsi les trésors spirituels les plus
prestigieux et les plus sacrés de leurs frères chrétiens orientaux, ils donnaient raison aux
orthodoxes, qui leur attribuèrent alors l'épithète très p éjorative d'"uniates".
Si ces communautés avaient changé d'obédience sans altérer leur rite, les difficultés
auraient existé, mais sans devenir un contretémoignage, contredisant dans leur application les affirmations de l'ecclésiologie catholique selon laquelle la foi est une, mais les expressions de
cette foi sont multiples. Ce triste "exemple a contrario" a profondément découragé ceux parmi les
orthodoxes qui espéraient qu'un jour l'unité entre catholiques et orthodoxes pourrait se réaliser
dans le respect intégral des traditions byzantines et latines.
Quoiqu'il en soit, l'existence actuelle des communautés grécocatholiques en U