Léon Trotsky (1920)
TERRORISME ET
COMMUNISME
(L’ANTI-KAUTSKY)
Un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay,
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi
Courriel: jmt_sociologue@videotron.ca
Site web: http://pages.infinit.net/sociojmt
Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales"
Site web: http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html
Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque
Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi
Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htmLéon Trotsky (1920) Terrorisme et communisme (L’Anti-Kautsky) 2
Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marie Tremblay,
professeur de sociologie à partir de :
L. Trotsky (1920),
Terrorisme et communisme.
(L’Anti-Kautsky).
Une édition électronique réalisée à partir du livre de Léon Trotsky (1920),
Terrorisme et communisme. (L’Anti-Kautsky).
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Édition complétée le 27 février 2002 à Chicoutimi, Québec.Léon Trotsky (1920) Terrorisme et communisme (L’Anti-Kautsky) 3
Table des matières
Préface par Léon Trotsky
I. Le rapport de forces
II. La dictature du prolétariat
III. Démocratie
- “ Ou la démocratie, ou la guerre civile ”
- La Renaissance impérialiste de la Démocratie
- Métaphysique de la Démocratie
- L'Assemblée constituante
IV. Du terrorisme
- La Liberté de la Presse.
- L'influence de la guerre
V. La Commune de Paris et la Russie de Soviets
- Les partis socialistes de la Commune n'étaient pas préparés.
- La Commune de Paris et le terrorisme.
- Le Comité Central arbitraire et la Commune « démocratique ».
- La Commune démocratique et la Dictature révolutionnaire.
- L'ouvrier parisien de 1871. - Le Prolétaire pétersbourgeois de 1917.
VI. Marx et Kautsky
VII. La classe ouvrière et la politique soviétique
- Le Prolétariat russe.
- Les Soviets, les Syndicats et le Parti.
- Politique suivie à l'égard de la paysannerie.
- Le Pouvoir des Soviets et les spécialistes.
- La Politique internationale du Pouvoir soviétique.
VIII. La question de l’organisation du travail
- Le Pouvoir des Soviets et l'industrie.
- Rapport sur l'organisation du travail
- L'obligation du travail
- La Militarisation du travail.
- Les Armées du travail.
- Du Plan économique unique.
- Direction collective et direction unipersonnelle.
- CONCLUSION
IX. Karl Kautsky, son école et son livreLéon Trotsky (1920) Terrorisme et communisme (L’Anti-Kautsky) 4
APPENDICES
I. Parution de ce livre au moment du IIe Congrès de l’Internationale
communiste par Léon Trotsky, juin 1920.
II. La France à un tournant par Léon Trotsky, 28 mars 1936
III. Préface à la deuxième édition anglaise, 10 janvier 1935 par Léon Trotsky,
10 janvier 1935
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Si le capitalisme russe s'est développé sans passer de degré à
degré, mais par bonds, construisant en pleine steppe des usines à
l'américaine, raison de plus pour que pareille marche forcée soit
possible à l'économie socialiste... Nous Pourrons introduire à coup
sûr l'électrification dans toutes les branches fondamentales de
l'industrie et dans la sphère de la consommation personnelle sans
avoir à passer de nouveau par « l'âge de la vapeur ».
Léon Trotsky
Mai 1920
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« Te réjouis-tu des Russes ? Bien entendu, ils ne pourront se maintenir
parmi ce sabbat infernal - non pas à cause de la statistique qui témoigne du
développement économique arriéré de la Russie ainsi que l'a calculé ton
judicieux époux - mais parce que la social-démocratie de cet Occident
supérieurement développé est composée de poltrons abjects qui, en
spectateurs paisibles, laisseront les Russes perdre tout leur sang. Mais une
pareille mort vaut mieux que de « rester en vie pour la patrie » ; c'est un acte
d'une envergure historique mondiale dont les traces resteront marquées à
travers les siècle. J'attends encore de grandes choses au cours des prochaines
années, seulement j'aimerais admirer l'histoire du monde autrement qu'à
travers la grille... »
Rosa Luxembourg,
Lettre à Louise Kautsky,
Breslau, prison pénitentiaire,
24 novembre 1917.
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PRÉFACE
Par Léon Trotsky
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Ce livre nous a été suggéré par le savant libelle de Kautsky, publié sous le même
titre. Notre travail, commencé au moment des luttes acharnées contre Denikine et
Youdénitch, a été souvent interrompu par les événements au front. Aux jours pénibles
où nous en écrivions les premiers chapitres, toute l'attention de la Russie des Soviets
était concentrée sur des tâches purement militaires. Il importait de sauvegarder tout
d'abord la possibilité même d'une oeuvre économique socialiste. Nous ne pouvions
guère nous occuper de l'industrie, en dehors du travail qu'elle devait fournir pour le
front. Nous nous trouvions dans l'obligation de dévoiler les calomnies de Kautsky
dans les questions économiques, en faisant ressortir leur analogie avec ses calomnies
en matière politique. En commençant ce travail - il y a de cela presque un an - nous
pouvions réfuter les affirmations de Kautsky sur l'incapacité des travailleurs russes à
s'imposer une discipline du travail et à se restreindre économiquement, en signalant la
haute discipline et l'héroïsme des ouvriers russes sur les fronts de la guerre civile.
Cette expérience nous était largement suffisante pour démentir les calomnies bour-
geoises. Mais aujourd'hui, à quelques mois de distance, il nous est possible de citer
des données et des faits empruntés à la vie économique de la Russie des Soviets.
Aussitôt que l'effort militaire se fut un peu relâché, après l'écrasement de Kolt-
chak et de Youdénitch, après que nous eûmes porté à Denikine les premiers coups
décisifs, conclu la paix avec l'Estonie et entamé des négociations avec la Lithuanie et
la Pologne, un retour à la vie économique se fit sentir dans tout le pays. et le seul fait
que l'attention et l'énergie du pays se sont rapidement reportées et concentrées d'une
tâche à une autre, profondément différente bien qu'elle n'exige pas moins de sacri-
fices, nous est une preuve indiscutable de la puissante vitalité du régime soviétique.
En dépit de toutes les épreuves politiques, de toutes les misères et les horreurs
physiques, les masses laborieuses russes sont loin de la désagrégation politique, de la
défaillance morale ou de l'apathie. Grâce à un régime qui, s'il leur a imposé de lour-
des charges, a donné un sens à leur vie et un but très haut, elles ont conservé une
remarquable élasticité morale et l'aptitude, sans égale dans l'histoire, à concentrer leur
attention et leur volonté sur des tâches collectives. Une campagne énergique estLéon Trotsky (1920) Terrorisme et communisme (L’Anti-Kautsky) 8
actuellement menée dans toutes les branches de l'industrie pour l'institution d'une
stricte discipline du travail et pour l'intensification de la production. Les organisations
du parti et des syndicats, les administrations des usines et des fabriques rivalisent,
dans ce domaine, avec le concours sans réserves de l'opinion publique de la classe
ouvrière tout entière. L'une après J'autre, les usines décident, par l'organe des assem-
blées générales des travailleurs, la prolongation de la journée de travail. Pétersbourg
et Moscou donnent l'exemple, et la province marche de pair avec Pétersbourg. Les
« samedis » et les « dimanches communistes » - c'est-à-dire le travail gratuit volon-
tairement consenti aux heures de repos - sont de plus en plus largement pratiqués par
des centaines de milliers de travailleurs des deux sexes. L'intensité et la production du
travail des samedis et des dimanches communistes sont, de l'avis des spécialistes et
d'après le témoignage des chiffres, vraiment remarquables.
Les mobilisations volontaires du parti et celles des Unions de la jeunesse commu-
niste s'accomplissent avec autant d'enthousiasme pour le travail que, naguère, pour le
front. Le volontariat du travail complète, vivifie l'obligation du travail. Les Comités
du Travail obligatoire, récemment créés, couvrent tout le pays. La participation des
populations au travail collectif des masses (déblaiement des routes ou des voies
obstruées par les neiges, réparation des voies ferrées, coupe du bois, préparation et
transport du bois à brûler, simples travaux de construction, extraction de l'ardoise et
de la tourbe) revêt chaque jour un caractère plus large et plus rationnel. La mise au
travail toujours plus fréquente des unités militaires serait absolument impossible sans
un véritable entrain au travail...
Nous vivons, il est vrai, dans des conditions de terrible ruine économique parmi
l'épuisement, la pauvreté, la faim. Mais ce n'est pas là un argument contre le régime
des Soviets ; toutes les époques de transition ont été caractérisées par ces aspects
tragiques. Toute société d'esclavage (esclavagiste, féodale, capitaliste), ayant terminé
son rôle, ne quitte pas tout bonnement la scène : il faut l'en arracher par une âpre lutte
intérieure qui cause souvent aux combattants des souffrances et des privations plus
grandes que celles contre lesquelles ils se sont insurgés.
Le passage de l'économie féodale à l'économie bourgeoise - dont la signification
était énorme pour le progrès - est un martyrologe inouï. Quelles qu'aient été les souf-
frances des masses asservies au féodalisme, quelque pénibles que soient les condi-
tions d'existence du prolétariat sous le capitalisme, jamais les calamités subies par les
travailleurs ne furent aussi terrib