L'aménagement hydro-électrique et touristique d'une grande vallée intra-alpine. Ses répercussions économiques, démographiques et sociales. La Tarentaise depuis 1946 - article ; n°1 ; vol.42, pg 5-44

Germaine Veyret-Verner, Jeannette Féchoz

Description

Revue de géographie alpine - Année 1954 - Volume 42 - Numéro 1 - Pages 5-44
Résumé. — La Tarentaise est la vallée intra-alpine qui, depuis 1946, a évolué avec le plus de rapidité. Deux faits sont à l'origine de cette révolution : l'équipement hydro-électrique et l'équipement touristique. L'équipement hydro-électrique est le premier exemple, dans les Alpes, d'une utilisation rationnelle et intégrale de tout un bassin. Il comporte l'aménagement de la Haute Isère, avec le plus grand réservoir français de haute Montagne, Tignes, et la plus puissante centrale sous haute chute (Malgovert), celui des affluents de gauche et de droite par un système de collecteurs de réservoirs et de longues conduites d'amenée, celui de la basse vallée principale par deux longues dérivations. L'équipement touristique est, lui aussi, le plus bel exemple alpin d'un aménagement d'ensemble d'un vaste secteur skiable s'étendant à trois vallées affluentes, et offrant ainsi des possibilités d'emploi et de main-d'œuvre pendant l'hiver. Les répercussions économiques et humaines sont déjà considérables : immigration momentanée, arrêt de l'émigration, migrations intérieures intenses du haut vers le bas, de la campagne vers les centres industriels et commerçants, diminution de la classe rurale au profit d'un prolétariat ouvrier. L'agriculteur est la principale victime de cette évolution : dimi- nution de main-d'œuvre, déclin des céréales. L'Elevage a mieux résisté, tout au moins dans le berceau de la race tarine où il a pris une forme moderne. Quelles sont les chances d'avenir de la vallée ? L'Industrie ne semble pas menacée, mais se spécialisera sans doute dans les produits de qualité et se concentrera autour de Moûtiers, N.-D.-de-Briançon, La Bâthie... Les petits cultivateurs par contre ne semblent pas devoir résister bien longtemps et risquent d'être absorbés soit par les gros propriétaires de bétail, soit par le travail de l'usine. Au total, une fois de plus en montaane, il faut déplorer un manque de coordination entre les efforts des différents organismes. Cette coordination pourrait peut-être permettre à la Tarentaise d'être une véritable vallée pilote de montagne.
40 pages

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• Publié par: REVUE_DE_GEOGRAPHIE_ALPINE
• Publié le: 01 janvier 1954
• Nombre de lectures: 53
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 3 Mo

Extrait

Germaine Veyret-Verner
Jeannette Féchoz
L'aménagement hydro-électrique et touristique d'une grande
vallée intra-alpine. Ses répercussions économiques,
démographiques et sociales. La Tarentaise depuis 1946
In: Revue de géographie alpine. 1954, Tome 42 N°1. pp. 5-44.
Résumé
Résumé. — La Tarentaise est la vallée intra-alpine qui, depuis 1946, a évolué avec le plus de rapidité. Deux faits sont à l'origine
de cette révolution : l'équipement hydro-électrique et l'équipement touristique. L'équipement hydro-électrique est le premier
exemple, dans les Alpes, d'une utilisation rationnelle et intégrale de tout un bassin. Il comporte l'aménagement de la Haute Isère,
avec le plus grand réservoir français de haute Montagne, Tignes, et la plus puissante centrale sous haute chute (Malgovert),
celui des affluents de gauche et de droite par un système de collecteurs de réservoirs et de longues conduites d'amenée, celui
de la basse vallée principale par deux longues dérivations. L'équipement touristique est, lui aussi, le plus bel exemple alpin d'un
aménagement d'ensemble d'un vaste secteur skiable s'étendant à trois vallées affluentes, et offrant ainsi des possibilités d'emploi
et de main-d'œuvre pendant l'hiver. Les répercussions économiques et humaines sont déjà considérables : immigration
momentanée, arrêt de l'émigration, migrations intérieures intenses du haut vers le bas, de la campagne vers les centres
industriels et commerçants, diminution de la classe rurale au profit d'un prolétariat ouvrier. L'agriculteur est la principale victime
de cette évolution : dimi- nution de main-d'œuvre, déclin des céréales. L'Elevage a mieux résisté, tout au moins dans le berceau
de la race tarine où il a pris une forme moderne. Quelles sont les chances d'avenir de la vallée ? L'Industrie ne semble pas
menacée, mais se spécialisera sans doute dans les produits de qualité et se concentrera autour de Moûtiers, N.-D.-de-Briançon,
La Bâthie... Les petits cultivateurs par contre ne semblent pas devoir résister bien longtemps et risquent d'être absorbés soit par
les gros propriétaires de bétail, soit par le travail de l'usine. Au total, une fois de plus en montaane, il faut déplorer un manque de
coordination entre les efforts des différents organismes. Cette coordination pourrait peut-être permettre à la Tarentaise d'être une
véritable vallée pilote de montagne.
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Veyret-Verner Germaine, Féchoz Jeannette. L'aménagement hydro-électrique et touristique d'une grande vallée intra-alpine.
Ses répercussions économiques, démographiques et sociales. La Tarentaise depuis 1946. In: Revue de géographie alpine.
1954, Tome 42 N°1. pp. 5-44.
doi : 10.3406/rga.1954.988
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rga_0035-1121_1954_num_42_1_988L'AMÉNAGEMENT HYDROÉLECTRIQUE
ET TOURISTIQUE
D'UNE GRANDE VALLÉE INTRA-ALPINE
SES RÉPERCUSSIONS ÉCONOMIQUES, DÉMOGRAPHIQUES
ET SOCIALES
La Tarentaise depuis 1946
par Germaine VEYRET-VERNER et Jeannette FÉCHOZ *
Résumé. — La Tarentaise est la vallée intra-alpine qui, depuis 1946, a
évolué avec le plus de rapidité. Deux faits sont à l'origine de cette révo
lution : l'équipement hydro-électrique et l'équipement touristique.
L'équipement est le premier exemple, dans les Alpes,
d'une utilisation rationnelle et intégrale de tout un bassin. Il comporte
l'aménagement de la Haute Isère, avec le plus grand réservoir français
de haute Montagne, Tignes, et la plus puissante centrale sous haute chute
(Malgovert), celui des affluents de gauche et de droite par un système de
collecteurs de réservoirs et de longues conduites d'amenée, celui de la
basse vallée principale par deux dérivations. L'équipement tou
ristique est, lui aussi, le plus bel exemple alpin d'un aménagement
d'ensemble d'un vaste secteur skiable s'étendant à trois vallées affluentes,
et offrant ainsi des possibilités d'emploi et de main-d'œuvre pendant
l'hiver.
Les répercussions économiques et humaines sont déjà considérables :
immigration momentanée, arrêt de l'émigration, migrations intérieures
intenses du haut vers le bas, de la campagne vers les centres industriels
et commerçants, diminution de la classe rurale au profit d'un prolétariat
ouvrier. L'agriculteur est la principale victime de cette évolution : dimi-
i N.D.L.R. — Cette étude, entreprise par Jeannette Féchoz en vue d'un
mémoire de Diplôme d'Etudes Supérieures, a été dirigée, résumée et retouchée
par Mme Veyret. Elle a pu être menée à bien grâce à la complaisance des Ingé
nieurs de l'E.D.F., des maires, des directeurs d'usines, des secrétaires de mairie
et des agriculteurs. Que tous en soient remerciés. GERMAINE VEYRET-VERNER. 6
nution de main-d'œuvre, déclin des céréales. L'Elevage a mieux résisté,
tout au moins dans le berceau de la race tarine où il a pris une forme
moderne.
Quelles sont les chances d'avenir de la vallée ? L'Industrie ne semble
pas menacée, mais se spécialisera sans doute dans les produits de qualité
et se concentrera autour de Moûtiers, N.-D.-de-Briançon, La Bâthie... Les
petits cultivateurs par contre ne semblent pas devoir résister bien long
temps et risquent d'être absorbés soit par les gros propriétaires de bétail,
soit par le travail de l'usine. Au total, une fois de plus en montaane, il
faut déplorer un manque de coordination entre les efforts des différents
organismes.
Cette coordination pourrait peut-être permettre à la Tarentaise d'être
une véritable vallée pilote de montagne.
La Tarentaise, c'est-à-dire le bassin de l'Isère de sa source à
son débouché dans le Sillon alpin, à Albertville, nous offre l'exemple
d'une région intra-alpine qui, grâce à l'équipement hydro-électrique
et touristique, connaît depuis quelques années une évolution éc
onomique et humaine extrêmement rapide. Tandis que sa voisine
plus méridionale, la Maurienne, subit en quelque sorte la rançon
de sa précocité industrielle, la Tarentaise non seulement a rattrapé
son retard mais semble s'engager dans une voie nouvelle, et l'on
peut considérer l'époque actuelle comme une période de transition,
un tournant. Il est intéressant d'analyser, dès maintenant, les manif
estations démographiques et sociales, les répercussions indust
rielles et agricoles provoquées par deux grands aménagements :
l'équipement hydro-électrique de la Haute Isère, et l'équipement
touristique. Un bref tableau de l'activité économique et humaine en
1939 nous fera mieux saisir l'ampleur des grands travaux actuels
et leurs conséquences économiques, démographiques et sociales sur
cette cellule montagnarde. Peut-être ces faits aideront-ils à mieux
poser et à mieux comprendre le problème montagnard. *
1. La situation économique et humaine de la Tarentaise en 1939.
La Tarentaise, en 1939, présentait dans le domaine économique
et humain des traits communs avec les deux autres grandes vallées
intra-alpines, Maurienne et Romanche, et des éléments propres qui
expliquent en partie son évolution actuelle.
Comme la ou la vallée de la Romanche, la Tarent
aise fut de tout temps, grâce au col transalpin du Petit-St-Bernard,
un des grands axes transversaux des Alpes françaises. On y pou
vait déceler la même opposition entre la vallée principale, plus ^AMÉNAGEMENT HYDRO-ELECTRIQUE D'UNE GRANDE VALLÉE. 7
ouverte, et lêi hautes cellules des vallées affluentes plus autar
ciques. De même, l'équipement hydro-électrique â la fin du xix"
et au début du xxe siècle, y avait introduit l'industrie électro-métal
lurgique dans les secteurs les plus accessibles et plus particuli
èrement dans la cluse qui traverse les massifs centraux (de Moûtiers
â Albertville). Comme en Maurienne et en Oisans, après une forte
poussée démographique (iře moitié du xixe siècle), l'émigration avait
sévi avec une très grande intensité depuis la seconde moitié du
xix* siè