Avec Germaine en pays dognon (1946) - article ; n°1 ; vol.71, pg 35-52
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Avec Germaine en pays dognon (1946) - article ; n°1 ; vol.71, pg 35-52

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Description

Journal des africanistes - Année 2001 - Volume 71 - Numéro 1 - Pages 35-52
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 52
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Geneviève Calame-Griaule
Avec Germaine en pays dognon (1946)
In: Journal des africanistes. 2001, tome 71 fascicule 1. pp. 35-52.
Citer ce document / Cite this document :
Calame-Griaule Geneviève. Avec Germaine en pays dognon (1946). In: Journal des africanistes. 2001, tome 71 fascicule 1. pp.
35-52.
doi : 10.3406/jafr.2001.1246
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_2001_num_71_1_1246CALAME-GRIAULE * Geneviève
Avec Germaine en pays dogon (1946)
C'est en 1946 que Marcel Griaule put organiser sa première mission
d'après-guerre et son retour chez les Dogon, alors qu'il venait tout juste
d'être démobilisé ! . À ma grande joie, il m'annonça à la fin de l'été que j'étais
du voyage et qu'il avait obtenu pour moi un petit prêt d'honneur de la
Sorbonně 2. J'avais vingt-deux ans et je préparais simultanément le diplôme
de l'École des Langues orientales et la licence d'arabe classique, après une
licence de lettres classiques et un DES (l'équivalent de la maîtrise actuelle)
de grec. Ma formation philologique et mes connaissances en arabe étant
considérées comme une bonne base de départ, j'allais dorénavant m'initier à
la langue dogon et entreprendre d'en faire un dictionnaire. Tel était le projet
initial.
Nous étions quatre, un effectif réduit par rapport aux missions d'avant
guerre : Marcel Griaule, Germaine Dieterlen, Solange de Ganay et moi-
même. Les crédits aussi étaient réduits. Mon père avait obtenu des passages
avion pour Dakar auprès du ministère de l'Air ; pendant toute la mission il
nous exhortait à l'économie, en particulier lors des séjours en ville où la vie
était plus chère qu'en brousse et où nous avons dû rester parfois plus
longtemps que prévu, dans l'attente de nos bagages.
En effet, au moment du départ pour Dakar, en septembre, nous avions
appris que tout le matériel de terrain rapatrié en 1939 (lits, cantines, moust
iquaires, la fameuse « cantine-popote » contenant les ustensiles de cuisine,
les filtres à eau, etc.) était resté par erreur sur le quai de Bordeaux et devait
suivre plus tard. Nous sommes arrivés à Dakar en saison des pluies ; j'ai été
désagréablement surprise par la lourdeur humide de l'atmosphère et les vols
2e 21* Directeur II Prêts région avait attribués aérienne. repris de recherche du par service l'Université honoraire après la pour au Libération CNRS. la préparation et avait été de chef certains du 2e puis diplômes du 3e Bureau (doctorat de en la
l'occurrence) et remboursables après réussite.
Journal des Africanistes 71 (1) 2001 : 35-51 36 Geneviève Calame-Griaule
de charognards dans un ciel impitoyablement gris et bas au-dessus d'une
mer obstinément grise. Cette déception fut cependant compensée par la
visite du grand marché et la vision dans les rues d'enfants gracieux et de
belles Dakaroises, aux foulards artistement noués et aux robes colorées qui,
selon la mode d'alors, dénudaient une épaule avec une feinte négligence.
Cependant Marcel Griaule obtenait des aviateurs français notre transport
pour Bamako.
L'aventure commençait vraiment avec ce voyage à bord d'un avion
militaire bien différent du DC 4 Paris-Dakar : un de ces Junkers récupérés
sur la Luftwaffe, du même modèle que celui d'où sautaient les parachutistes
allemands sur la Crète en 1941. L'intérieur de la carlingue était occupé par
du matériel et des cantines ; on s'asseyait sur des petits strapontins le long
des parois. Nous volions très bas et étions terriblement secoués, au point que
même un des membres de l'équipage était malade. Mais, pour ma part, je ne
pensais pas à l'inconfort (qui faisait presque partie du plaisir) et je n'avais
pas assez d'yeux pour regarder le spectacle qu'on apercevait par les hublots :
la savane à perte de vue, dans laquelle couraient des antilopes, les villages
dont on distinguait le réseau de chemins rayonnant vers la brousse et dont
on pouvait compter les maisons et les greniers...
Bamako, à l'époque, m'apparut comme une jolie ville rouge, avec de très
grands arbres très verts. J'ai découvert l'existence des grandes chauve-souris
qu'on appelle roussettes ; après tant d'années, j'ai encore dans l'oreille,
comme un chant nostalgique, leurs cris nocturnes. Nous prenions nos
repas au buffet de la gare, dont les tables étaient disposées à même le quai.
Le spectacle ne manquait pas d'animation malgré la rareté du trafic,
car les jeunes cheminots s'amusaient à des manœuvres continuelles pour
passer le temps et les sifflets des locomotives résonnaient sans cesse. Cela
nous faisait beaucoup rire ; l'ambiance générale de l'équipe était toujours
très gaie.
Pendant ce court séjour à Bamako, j'ai commencé à me familiariser
avec le fichier de mots dogon que je transportais dans une petite valise de
cuir. Il avait été réalisé à partir des publications sur les Dogon (déjà nomb
reuses à l'époque) par les jeunes « chômeurs intellectuels » du chantier du
musée de l'Homme, où mon père avait abrité une douzaine d'étudiants
réfractaires au « Service du travail obligatoire » en Allemagne (STO) pen
dant l'occupation. Ce fichier était assez imparfait, la notation déjà parfois
douteuse dans l'original, parfois recopiée avec des erreurs, les traductions
souvent approximatives, mais il s'est révélé très utile. Les « adultes », je
pense, faisaient des démarches pour la suite du voyage. Une rencontre
Journal des Africanistes 71 (1) 2001 : 35-51 Germaine 37 Avec
importante a été celle de Dioddo Diallo, qui devait devenir l'informateur de
Germaine pendant toute la mission. Ce jeune Peul, élevé en milieu bambara,
parlait parfaitement ces deux langues et le français. D'abord engagé comme
interprète, il révéla vite des connaissances remarquables sur la religion et la
mythologie bambara et Germaine, comme elle le précise dans la réédition de
Y Essai sur la religion bambara, changea dès ce moment son programme de
travail et commença ses passionnantes enquêtes avec lui. Il devait nous
accompagner pendant tout le voyage. Je crois que c'est aussi à Bamako que
Koguem nous a rejoints. Ce jeune Dogon avait travaillé dès son enfance avec
Griaule lorsqu'il enquêtait sur les jeux. Vétéran de la deuxième guerre
mondiale malgré son jeune âge, il était sergent de carrière dans l'armée
française. Mon père, qui avait une grande affection pour lui et appréciait sa
collaboration, avait obtenu son détachement pour cette mission.
Illustration non autorisée à la diffusion
Fig. 1. — Le barrage de Markala (Sansanding)
(Photo Fonds Marcel Griaule, réf. : UPX-MAE-Labethno/FMG).
Une fois les bagages récupérés, nous nous sommes embarqués pour
Mopti sur le « Mage », un de ces vieux bateaux à aube qui naviguaient alors
sur le Niger jusqu'à Gao. J'ai découvert les charmes de la navigation fluviale,
du lent défilement des paysages, des pirogues chargées de familles et de
marchandises, des villages bozo que l'on visitait parfois ; sur la berge, en
Journal des Africanistes 71 (1) 2001 : 35-51 38 Geneviève Calame-Griaule
pleine brousse, de gros tas de bois attendaient les bateaux qui s'arrêtaient
pour refaire le plein de combustible. Cette période agréable se prolongea un
peu à cause d'une panne d'arbre de transmission dont il fallut attendre
plusieurs jours la pièce de rechange. Nous étions alors près du grand barrage
de Sansanding (Markala), ce qui nous donna l'occasion de le visiter. Marcel
Griaule expliqua alors au groupe de passagers l'erreur que représentait à ses
yeux ces constructions gigantesques et coûteuses qui ne profitaient qu'à la
colonisation. Ce barrage servait en effet essentiellement à irriguer les plan
tations de l'Office du Niger pour produire en quantité oranges et pample
mousses, alors que pour les pêcheurs bozo il était une gêne car il constituait
un obstacle aux migrations normales des poissons, qui ne pouvaient plus
remonter le fleuve malgré la construction d'« échelles à poissons ». Je me
suis demandé depuis si ce n'est pa

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