Classification des nations et classification des sciences. Trois exemples andalous du Ve-XIe siècle - article ; n°1 ; vol.20, pg 83-114
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Mélanges de la Casa de Velázquez - Année 1984 - Volume 20 - Numéro 1 - Pages 83-114
32 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 30
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Gabriel Martínez-Gros
Classification des nations et classification des sciences. Trois
exemples andalous du Ve-XIe siècle
In: Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 20, 1984. pp. 83-114.
Citer ce document / Cite this document :
Martínez-Gros Gabriel. Classification des nations et classification des sciences. Trois exemples andalous du Ve-XIe siècle. In:
Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 20, 1984. pp. 83-114.
doi : 10.3406/casa.1984.2412
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/casa_0076-230X_1984_num_20_1_2412CLASSIFICATION DES NATIONS ET CLASSIFICATION DES
SCIENCES.
TROIS EXEMPLES ANDALOUS DU Ve-XIe SIECLE.
Par Gabriel MARTINEZ-CROS
Membre de la Section Scientifique
Trois textes : le "Kitab tabakât al-umam"1 ("Catégories des Nations") de
Said b Ahmad b 'Abd-Er-Rahman b Muhammad b Sârid al-TaglabT, connu
sous le nom de Sa id al Tulaytalîou plus simplement de Sa id al-AndalusT, cadi
de Tolède sous la dynastie des Banû DT-1- Nûn, né en 1029 et mort en 1070. Le
"Kasd wa - 1-amamjT- 1- ta*nj bi - usûl ansàb al€Arab wa - l-'agam wa man
awwal man takallama bi - 1 -'arabiyya min al - umam"2 ("Le dessin et le projet
de faire connaître les origines des races arabes et étrangères, et qui parla le
premier l'arabe parmi les nations"), d'Abû Umar Yûsuf b 'Abdallah bcAbd El
- Barr al - Namiârï ou al Numayri (978-1070). Enfin la "Risâla marâtib al-
<ulûm"i ("Epître sur les degrés des sciences") d'Abû Muhammad AlTb Ahmad
b Said b Hazm (994-1064). Trois hommes auxquels contemporains et
postérité ont accordé un sort bien différent : du premier Sâ'id, il ne nous reste
que ce court traité qui connut cependant une diffusion appréciable après sa
Edité par le Père Cheikho - Beyrouth 1912. Traduit par Régis Blachère - Paris 1935. Sur
SaTd, voir d'autre part l'introduction à la traduction des Tabakât par R. Blachère.
Edité Le Caire 1350 H (1931). Traduit par Abderrahman Mahdjoub Revue Africaine 1955
(p.78-97) et 1957 (p.45-65). Sur Ibn*Abd-El-Barr généalogiste, voir l'article de Manuela
Marin : "La obra genealôgica de Ibn"Abd-El-Barr" dans Actas de las jornadas de cuhura
arabe e islâmka. 1978. Madrid 1981, p.205-229.
Edité par Rashid lhsan Abbas- Le Caire, sans date, dans le recueil des Rasa //d'ibn Hazm,
p.59-90. Sur cette risâla voir d'autre part l'article d'Husayn Munis dans la Revista del
Institute) de Estudios Islâmicos. XIII 1965-66, p.7-16; S. Gonzalez Nogales "Teoria y
clasificaciôn de la Ciencia segûn Ibn Hazm". 84 GABRIEL MARTINEZ-CROS
mort. Ibn 5\bd El-Barr, issu d'une illustre famille cordouane, salué comme le
meilleur traditionniste de son temps, passe au contraire pour l'un des maîtres
andalous les plus importants de ce Ve/XIe s. Il est aujourd'hui presque oublié.
Quant à son ami Ibn Hazm, cordouan lui aussi, auteur du "Collier de la
Colombe" et du monumental "Fisal", c'est pour nous l'écrivain le plus célèbre
de l'Espagne des "taifas". Moins heureux qu'Ibn Abd El-Barr, il n'eut
pourtant pas, de son vivant, le succès qu'il escomptait et mourut, dit-on, dans
la solitude et l'amertume. Tous trois disparaissent presque en même temps
entre 1064 et 1070. Et sans qu'on puisse parler d'une même génération (Ibn
cAbd El-Barr avait près de cinquante ans quand Sâ'id naquit) ces trois vies sont
inscrites, totalement ou largement dans ce demi-siècle qui va de la guerre civile
(fitna) et de la chute du Califat (1010-1031) à ces premiers symptômes de la
Reconquête (entre 1064 - chute de Barbastro et 1085 - chute de Tolède) dont
deux au moins de nos trois textes se font l'écho4. Epoque inquiète, favorable
aussi à l'activité intellectuelle -Sa id le dit- où pour la première fois peut-être
depuis la Conquête, le savant andalou pense et se pense hors du contrôle, qu'il
soit soupçonneux ou bienveillant, du pouvoir politique. Dans ce monde plus
libre, mais plus incertain, l'attrait du classement, des hommes, des Nations, ou
des Sciences, dont ces trois textes sont des exemples, est d'autant plus
impérieusement ressenti que Bagdad en propose les modèles éprouvés.
Imitation et infléchissement du modèle, c'est aussi, ne l'oublions pas, ce jeu du
lettré que pratiquent nos trois classifications.
Classification des sciences, classification des Nations. Le lien n'est pas
évident, hors le souci de classer. En soi, c'est une première indication. Classer,
c'est tenter de donner un ordre à ce qui n'en a pas a priori, c'est concilier la
diversité de sources d'information hétérogènes, c'est viser à une connaissance
encyclopédique dans la mesure que l'homme peut atteindre, en deçà du
fatidique Allah a lam ("Dieu sait mieux"). Les classifications, si
caractéristiques du Ille et surtout du I Ve s. de l'Hégire (IXe-Xe s.) marquent la
position centrale que l'Islam et sa culture s'attribuent dans le monde alors
connu. Elles relèvent du même projet que la Géographie ou l'Histoire
Universelle dont nous retrouverons les traces plus loin. Les unes et les autres
assument le privilège et le fardeau de penser cet Univers dont l'Islam seul tient
les clés, à la croisée de toutes les routes de l'Espace et du Temps.
Donner un sens donc, ou retrouver le sens dont Dieu n'a pas pu manquer
de laisser les signes dans sa Création. Débrouiller l'écheveau, en remontant le
Sâ^id (Tabakât): Edition, p.67, Traduction p. 127. Ibn Abd-El-Barr (Kasd) Trad. p.60. CLASSIFICATION DES NATIONS ET DES SCIENCES 85
cours du temps. Cette recherche est généalogique, comme le montrent déjà les
titres de nos ouvrages : Vsïïl (principes, origines), ansâb (lignages), Tabakât
(générations), marâtib (degrés) : partout la même tendance à éclairer le réel en
le hiérarchisant depuis les origines qui le fondent. Une telle démarche ne
surprendra pas si on se souvient du soin jaloux que mettaient déjà les Arabes
d'avant l'Islam à distinguer leurs lignées et à garder le souvenir de leurs pères.
Un peuple, une communauté (umma) se définit par ses ancêtres: voilà une
affirmation banale dans l'histoire sémitique. Mais une même logique de
l'ascendance domine les sciences du hqdît et éufikh, capitales dans la vie de la
cité musulmane. Le vrai, le sain (SahTfj) y est assuré par une chaîne de témoins
qui, de génération en génération l'ont rapporté depuis sa source: les
Successeurs, les Compagnons, ou l'envoyé de Dieu lui-même. Que le
classement des Sciences obéisse aux mêmes règles que celui des Nations ne
surprendra donc guère; moins encore à l'examen des principales
"Classifications des Sciences" que l'Orient avait déjà léguées à l'Espagne:
celles de Fârâbî, des IhwSn, d'Ibn Al-Nadïm, de TawKîdT, de Hwârizmîenfin.
Sans qu'il puisse être question d'en faire ici l'analyse, on peut relever, dans la
plupart des cas, outre l'influence du modèle aristotélicien, la solution de
continuité qui sépare les sciences héritées de l'Antiquité de celles de la
communauté arabo-musulmane. L'évolution est portée à son terme dans les
Mafâtlh al^ulum5 de Hwârizmî: sciences de la langue et de la Loi religieuse
d'une part, sciences étrangères de l'autre. D'un côté la jurisprudence (Jïkh) la
"théologie défensive" ( Kalâm), la grammaire, la science de la correspondance
administrative (Kitâba), la poésie et l'histoire; de l'autre la physique (et la
médecine) les mathématiques (y compris l'astronomie et la musique) la
métaphysique, la morale, l'économie et la politique. Entre ces deux ordres de
sciences, ni lien, ni transition ; une simple juxtaposition qui semble refuser
l'unité, comme on sépare les biens de deux époux dans un contrat
matrimonial. Déjà les sciences sont respectivement affectées aux peuples qui
les ont créées ou reçues en dépôt, selon la coupure des Arabes et des étrangers
qui restera désormais classique. Mais, précisément, c'est ici que nos ouvrages
andalous commencent à diverger de leurs modèles orientaux. Sa id, Ibn Hazm
insistent au contraire à

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