Croissance, redistribution et inégalités dans un modèle de fuite des cerveaux - article ; n°3 ; vol.50, pg 499-510

Hillel Rapoport, Frédéric Docquier

Description

Revue économique - Année 1999 - Volume 50 - Numéro 3 - Pages 499-510
Croissance, redistribution et inégalités dans un modèle de fuite des cerveaux
Dans cet article, nous étudions dans un cadre analytique unifié l'effet global de la fuite des cerveaux sur la croissance et les inégalités dans le pays d'origine des migrants. Dans un contexte d'incertitude et d'hétérogénéité des aptitudes des agents, nous précisons les conditions dans lesquelles une situation de fuite des cerveaux peut s'avérer favorable à la croissance et/ou à la réduction des inégalités selon l'ampleur de la redistribution et l'importance des mouvements migratoires. Nous endogénéisons ensuite le taux de redistribution à travers différentes confi­gurations politico-économiques envisageables : un système « démocratique », dans lequel l'électeur médian joue un rôle central, et des systèmes soit « élitiste » soit » progressiste », dans lesquels l'obtention de privilèges est conditionnée par l'appartenance à un groupe spécifique.
The effects of brain drain on growth, redistribution and inequalities
In this paper we examine the total effect of brain drain on economic growth and inequalities in the country of origin. Introducing heterogeneity in individual abilities and uncertainty we first derive the conditions under which brain drain may be beneficial in terms of growth and lower inequality for any exogenous rate of redistribution. We then introduce political economy specifications which lead to an endogenous rate of redistribution. Three regimes are distinguished: a democratic system in which the median voter plays a central role, a progressive and an elitist system in which the government privileges the situation of a social group.
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: REVUE_ECONOMIQUE
• Publié le: 01 janvier 1999
• Nombre de lectures: 36
• Langue: Français

Extrait

Monsieur Frédéric Docquier
Monsieur Hillel Rapoport
Croissance, redistribution et inégalités dans un modèle de fuite
des cerveaux
In: Revue économique. Volume 50, n°3, 1999. pp. 499-510.
Résumé
Croissance, redistribution et inégalités dans un modèle de fuite des cerveaux
Dans cet article, nous étudions dans un cadre analytique unifié l'effet global de la fuite des cerveaux sur la croissance et les
inégalités dans le pays d'origine des migrants. Dans un contexte d'incertitude et d'hétérogénéité des aptitudes des agents, nous
précisons les conditions dans lesquelles une situation de fuite des cerveaux peut s'avérer favorable à la croissance et/ou à la
réduction des inégalités selon l'ampleur de la redistribution et l'importance des mouvements migratoires. Nous endogénéisons
ensuite le taux de redistribution à travers différentes confi-gurations politico-économiques envisageables : un système «
démocratique », dans lequel l'électeur médian joue un rôle central, et des systèmes soit « élitiste » soit » progressiste », dans
lesquels l'obtention de privilèges est conditionnée par l'appartenance à un groupe spécifique.
Abstract
The effects of brain drain on growth, redistribution and inequalities
In this paper we examine the total effect of brain drain on economic growth and inequalities in the country of origin. Introducing
heterogeneity in individual abilities and uncertainty we first derive the conditions under which brain drain may be beneficial in
terms of growth and lower inequality for any exogenous rate of redistribution. We then introduce political economy specifications
which lead to an endogenous rate of redistribution. Three regimes are distinguished: a democratic system in which the median
voter plays a central role, a "progressive" and an "elitist" system in which the government privileges the situation of a social
group.
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Docquier Frédéric, Rapoport Hillel. Croissance, redistribution et inégalités dans un modèle de fuite des cerveaux. In: Revue
économique. Volume 50, n°3, 1999. pp. 499-510.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reco_0035-2764_1999_num_50_3_410094Croissance redistribution
et inégalités dans un modèle
de fuite des cerveaux
Frédéric Docquier
Hillel Rapoport*
Dans cet article nous étudions dans un cadre analytique unifié effet global de
la fuite des cerveaux sur la croissance et les inégalités dans le pays origine des
migrants Dans un contexte incertitude et hétérogénéité des aptitudes des
agents nous précisons les conditions dans lesquelles une situation de fuite des
cerveaux peut avérer favorable la croissance et/ou la réduction des inégalités
selon ampleur de la redistribution et importance des mouvements migratoires
Nous endogénéisons ensuite le taux de redistribution travers différentes confi
gurations politico-économiques envisageables un système démocratique
dans lequel électeur médian joue un rôle central et des systèmes soit elitiste
soit progressiste dans lesquels obtention de privilèges est conditionnée par
appartenance un groupe spécifique
THE EFFECTS OF BRAIN DRAIN ON GROWTH REDISTRIBUTION
AND INEQUALITIES
In this paper we examine the total effect of brain drain on economic growth and
inequalities in the country of origin Introducing heterogeneity in individual abilities
and uncertainty we first derive the conditions under which brain drain may be ben
eficial in terms of growth and lower inequality for any exogenous rate of redistribu
tion We then introduce political economy specifications which lead to an endog
enous rate of redistribution Three regimes are distinguished democratic system
in which the median voter plays central role progressive and an elitist
in the government privileges the situation of social group
Classification JEL 015
CADRE Université Lille II et SES ministère de la région wallonne
** Department of Economies àï University et CADRE Université Lille II
Correspondance Frédéric Docquier CADRE Université Lille II place Déliot
59024 Lille
Le texte révisé bénéficié des commentaires de Bruno Amable Thierry Verdier et de
participants la session Croissance et inégalités de AFSE 1998 et au Séminaire
inter-universitaire de théorie économique SIUTE de Lille
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Revue économique vol 50 mai 1999 499-510 Revue économique
INTRODUCTION
Les théories de la croissance endogène ont au cours des années quatre-vingt
insisté sur le rôle fondamental joué par des facteurs tels que les effets appren
tissage ou éducation dans le processus de développement et de croissance
long terme partir des années quatre-vingt dix incidence de facteurs moins
conventionnels été explorée En particulier le rôle des politiques redistribu
tives été mis en évidence dans divers cadres économie politique afin de
modéliser le lien entre inégalités et croissance de ce point de vue la pers
pective retenue dans la tradition de Kuznets 1955] et visant analyser effet
de la croissance sur les la fameuse courbe en cloche ou loi selon
laquelle au cours du processus de développement les inégalités tendraient
augmenter lors des phases initiales avant de se résorber progressivement été
en quelque sorte inversée pour privilégier la relation inverse savoir impact
causal des inégalités sur la croissance intuition de cette relation selon la
vue conventionnelle est relativement simple une réduction des inégalités
induite par des politiques redistributives progressistes des riches vers les
pauvres) modifie la structure des incitations et peut entraîner une désincitation
investissement productif en capital humain ou physique préjudiciable la
croissance même si cette relation récemment pu être contestée tant un point
de vue théorique empirique Saint-Paul et Verdier 1996])
Simultanément une autre série de travaux cherché rendre compte de
impact des migrations sur la croissance des pays origine des migrants no
tamment lorsque la composition des flux migratoires est biaisée au profit des
plus qualifiés phénomène communément désigné sous le terme de fuite des
cerveaux Dans un premier temps la position traditionnelle de Bhagwati et
Hämada 1974] assimilant la fuite des cerveaux une extemalité négative
imposée la population restante est sortie renforcée des premières contributions
théorique sur ce thème Miyagiwa 1991 Haque et Kim 1995] Cependant
en mettant accent sur le fait que les perspectives de migration favorisent
accumulation un capital humain susceptible in fine de rester au pays des
travaux tout récents ont au contraire suggéré la possibilité une fuite des cer
veaux au total favorable la croissance Docquier et Rapoport 1997 Mount-
ford 1997 Stark et al 1997 Vidal 1997]) dont il ressort au vu
des premières estimations empiriques elle constitue bien plus une simple
curiosité théorique Beine et al 1998])
Le modèle développé ici se situe au carrefour des deux lignées de travaux
évoquées ci-dessus Dans un contexte incertitude et hétérogénéité des ap-
Cf. par exemple Perotti 1993 et pour une revue de la littérature sur le renouveau
de économie politique de la croissance Benabou 1996 et Verdier 1994]
Selon Saint-Paul et Verdier 1996] la vue conventionnelle en économie politique
se résume par les deux présupposés suivants des sociétés plus inégalitaires tendent
redistribuer plus et plus de redistribution est préjudiciable la croissance Bien
évidence les connexions entre inégalité redistribution et croissance sont sans doute
plus subtiles et complexes que ce que suggère le point de vue conventionnel ibid.
726) nous admettrons ici une redistribution accrue décourage investissement en
capital humain
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Revue économique vol 50 mai 1999 499-510 Frédéric Docquier Hillel Rapoport
titudes des agents nous nous pla ons dans la situation initiale une économie
qui en absence de perspectives de migration est caractérisée par une situation
proche une trappe de sous-développement savoir une situation dans laquelle
une proportion faible des agents investit en capital humain Dans un tel
contexte et comme nous avons montré ailleurs Beine Docquier et Rapoport
1998]) ouverture du pays aux migrations engendre nécessairement un effet
total favorable sur la croissance
En calibrant le modèle en conséquence nous endogén