Edition de l histoire/histoire de l édition. Le cas Michelet - article ; n°47 ; vol.15, pg 73-84
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Description

Romantisme - Année 1985 - Volume 15 - Numéro 47 - Pages 73-84
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

David Bellos
Edition de l'histoire/histoire de l'édition. Le cas Michelet
In: Romantisme, 1985, n°47. pp. 73-84.
Citer ce document / Cite this document :
Bellos David. Edition de l'histoire/histoire de l'édition. Le cas Michelet. In: Romantisme, 1985, n°47. pp. 73-84.
doi : 10.3406/roman.1985.4714
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1985_num_15_47_4714BELLOS David
Edition de l'histoire/histoire de l'édition. Le cas Michelet
« Je suis l'éditeur véritable et l'exploitation des livres ne peut
m'être étrangère », écrit Michelet dans un brouillon de lettre inédite
de 1852 (1). Et, dans une note sans date mais probablement de la
même époque : « Mr Michelet, éditeur de son livre, l'a imprimé à ses
frais »2 . Il ne s'agit pas du tout de métaphores : comme le laisse
démontrer le dossier 1563 de la Bibliothèque historique de la ville de
Paris3, intitulé par approximation « Michelet et ses éditeurs », l'hi
storien cumula les fonctions d'archiviste, de professeur et d'écrivain
avec la gestion d'une véritable industrie de l'édition de ses propres
ouvrages. Pourquoi ? Aujourd'hui, un tel cumul semblerait aberrant
— ou plutôt, puisqu'il existe quand même bon nombre d'auteurs pu
bliant à leurs propres frais, peu sérieux. La question pour Michelet se
posait en termes inverses : pourquoi pas ? Et ce ne fut qu'en 1869,
tout à la fin de sa carrière, qu'il se laissa persuader par le raisonnement
d'un grand aventurier de l'édition, Albert Lacroix (celui des Misérables
et du plan remis par Zola)... qui fit faillite en 1870. Dans cet article,
nous nous limiterons à expliquer le fonctionnement du système de
publication chez l'auteur jusqu'aux premières années du Second Emp
ire, en exposant une partie des documents inédits du dossier 1563.
Nous aurons affaire avec, d'une part, une structure commerciale dispa
rue, celle des libraires-commissionnaires dénoncés par Balzac dans
Illusions perdues* et, d'autre part, avec le développement de la plus
puissante structure de l'édition française moderne, l'éclosion de la mai
son Hachette5 . Et cet essai dans l'histoire de l'édition jettera aussi
une lumière que nous croyons neuve sur l'extraordinaire phénomène
qu'était Jules Michelet.
(l)BHVP1563,fo. 350.
(3) Nous remercions vivement M. Paul Viallaneix d'avoir attiré notre attention sur
ce dossier, dont la signification n'est pas évidente à un coup d'œil rapide (Voir, par
exemple, B. Leuilliot, « Michelet en travail. Genèse et alentours de YHistoire du
XIXe siècle », Tralili 19 ( 198 1), p.3 10, où l'auteur parle de la « vente et l'édition »
de l'ouvrage, alors qu'il s'agit de la vente de l'édition déjà fabriquée).
(4) H. de Balzac, La Comédie humaine, ta. P.-G. Castex, «Pléiade», t.V, p.301-303.
(5) Nous regrettons de n'avoir pu vérifier les documents Hachette du dossier 1563
par les archives de la maison Hachette elle-même. En 1978, pourtant, nous avons je
té les yeux sur un registre contenant une copie de tous les contrats avec les auteurs
signés de 1826 jusqu'en 1864. 74 David Bellos
Michelet, fils d'imprimeur et fier de l'être6, commence sa carrière
d'auteur à un moment de crise dans la librairie française7 , et quel
ques mois avant l'ouverture sous l'enseigne Quos quoque docebo de la
première boutique de Louis Hachette. Nous n'avons pas (du moins
dans le dossier 1563) de renseignements directs sur le financement du
Tableau chronologique (1825), du Précis d'histoire moderne (1827), de
YHistoire romaine (1831), mais la lettre du libraire Renouard en répons
e à la proposition de Michelet pour sa traduction de Vico, donne une
idée assez précise des capacités de l'édition française en 1826. En effet,
Renouard offre soit de publier à compte d'auteur, soit « de compte à
deux », c'est-à-dire avec un partage égal des frais entre auteur et librai
re. « Si ces conditions étaient agréées, nous serions charmés de com
mencer avec [l'auteur] des relations dont, autrement, nous serions
forcés de nous priver »8 . Nous nous croyons ainsi fondés de dire
que tous ces ouvrages avant YHistoire de France ont été imprimés aux
frais de Michelet et que les noms d'éditeurs qui figurent sur les pages
de titre et dans la Bibliographie de la France sont les noms des déposit
aires, autrement dit dans le vocabulaire de l'époque, des libraires-
commissionnaires ou grossistes. Etant donné que ces noms sont impri
més et annoncés, il faut penser que Michelet était lié par des accords
ou traités avec Colas, Renouard, Hachette, etc.
V Histoire de France paraît de 1833 à 1844 sous le nom editorial
de Hachette, mais il est évident, de par le traité du 14 mai 1852, que la
maison de la rue Pierre-Sarrazin ne remplissait que le rôle de conces
sionnaire. Comment expliquer autrement le fait que par ce traité de
1852, Michelet vend à Hachette tous les volumes qui lui restent des
t.3, 5 et 6 de YHistoire de France (art. 1er, fo. 4) ? On savait que la
seconde édition des t.l à 6 de YHistoire de France était une édition
en partie factice ; nous pouvons en donner maintenant les raisons
véritables. Michelet faisait fabriquer les volumes au fur et à mesure
de sa création, et à un prix qui allait jusqu'à « 25 ou 30 sols » (lettre
à Hachette, mai 1852 ; fo 8) ; il les vendait par lots à Hachette, à un
prix que nous ne savons pas mais que l'on peuť penser égal au prix des
volumes de YHistoire de la Révolution fran qaïse, c'est-à-dire environ
3 francs ; Hachette les vendait au public 5 francs, et aux autres libraires
avec une remise — normalement, le 13e exemplaire gratis et 1,25 F par
volume (fo. 350). Ainsi, en supposant une bonne prévision du débit
et un tirage approprié, l'auteur-éditeur participait pour une grande par
tie dans les bénéfices et recevait, après déduction des coûts de fabrica
tion, 30 % du prix fort ou, si l'on préfère, un bénéfice net sur son
investissement de 100 %. La combinaison paraît bonne, et l'était
peut-être, sauf la difficulté de prévoir les débits différents des divers
volumes de la série. Presque vingt ans après le début de cette entre-
(6) « Avant de faire des livres, j'en ai composé matériellement ». Le Peuple, éd.
Viallaneix, Flammarion, 1974, p. 58.
(7) Pour les détails de cette crise (de crédit et de viabilité), voir notre chapitre
« La Production et ses données, 1780-1830 » dans Histoire de l'Édition française,
t.2,éd. D. Roche, Promodis, 1984.
(8) Michelet, Oeuvres complètes, éd. Viallaneix, Flammarion, 1. 1 , p. 264 n. Edition de l'histoire I histoire de l'édition 75
prise, il restait, dans les magasins de Miche let, 16 ex. du t. 2, 1 689 ex.
du t.3, 1 030 du t. 5 et 1 319 du t.6 (fo 16 ;note au crayon de la main
de Michelet, certifiée le 15.5 [1852] par Louis Hachette). C'est ce rel
iquat qui est enfin vendu par le traité de 1852, mais à perte : 3 000
francs seulement pour 4 200 volumes (le calcul du traité, qui contient
d'ailleurs une erreur d'arithmétique, utilise des chiffres ronds un peu
différents de la note de l'inventaire). Par ce même traité (art. 2), Hachett
e acquiert le droit, contre 3 000 francs supplémentaires, de réimprimer
les 1. 1, 2 et 4 de Y Histoire de France à 1 050 exemplaires, et ainsi la
« seconde édition » est constituée9 .
Les deux premiers articles de ce traité concernent ainsi non la pro
priété intellectuelle de Y Histoire de France, mais une édition de l'ou
vrage conçue comme un bien matériel. L'article 3 souligne, de sa façon,
le rôle temporaire et limité de « l'éditeur » Hachette. Il interdit à
Michelet de rééditer YHistoire de France avant l'épuisement des 1 035
exemplaires complets sauf que, si, dans un délai de 2 ans, l'édition
n'était pas épuisée, Michelet pourra racheter les volumes qui restent.
Ce « droit » au rachat est en effet une obligation, comme nous le
verrons à la suite d'autres traités du même genre10. Ici, le prix de
rachat est, sinon ruineux, du moins un obstacle sérieux à toute réédi
tion prématuré

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