Ethnologie de la Mélanésie. Critiques et autocritiques - article ; n°94 ; vol.25, pg 73-95
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Description

L'Homme - Année 1985 - Volume 25 - Numéro 94 - Pages 73-95
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 112
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jean Guiart
Ethnologie de la Mélanésie. Critiques et autocritiques
In: L'Homme, 1985, tome 25 n°94. pp. 73-95.
Citer ce document / Cite this document :
Guiart Jean. Ethnologie de la Mélanésie. Critiques et autocritiques. In: L'Homme, 1985, tome 25 n°94. pp. 73-95.
doi : 10.3406/hom.1985.368564
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1985_num_25_94_368564Guiart Jean
Ethnologie de la Mélanésie
Critiques et autocritiques
Jean Guiart, Ethnologie de la Mélanésie. Critiques et autocritiques. — Cet
article, à la fois ethnographique et méthodologique, illustre et démontre
la pertinence de la notion de « réseau » pour la compréhension des sociétés
et des institutions en Nouvelle-Calédonie. Cette notion est celle d'un
système qui gouverne les relations d'échanges entre clans et renvoie aux
anciens et multiples mouvements de ceux-ci, dont les itinéraires peuvent
encore aujourd'hui être suivis. Les frontières entre les divers réseaux, que
seule une attention patiente, méticuleuse et prenant en compte la totalité
des informations disponibles permet de reconnaître, sont mouvantes et se
chevauchent, si bien qu'un immense filet semble ainsi jeté sur toute l'île
et même au delà.
Des recherches en Mélanésie, et plus particulièrement en Nouvelle-
Calédonie et aux îles Loyauté, il ressort qu'il n'est pas d'analyse véritable
qui ne prenne en compte la totalité de l'information existante ; comme
Claude Lévi-Strauss l'a montré il y a bien longtemps, elle est la condition
de validité de toute réflexion théorique.
Une des caractéristiques des sociétés mélanésiennes est l'existence de
structures formalisées, fondées sur des relations d'échanges. Les travaux
de B. Malinowski aux îles Trobriand, que personne ne conteste sur ce
point, ont mis en évidence la superposition d'un système sophistiqué
d'échanges de biens à valeur symbolique (colliers contre bracelets) et de biens utilitaires (ignames, porcs, lames d'herminettes,
pierres volcaniques de four n'éclatant pas à la chaleur, pigments, coques
de pirogues, dégraissant pour argile à poterie, etc.). Cependant, la formul
ation malinowskienne, devenue classique, d'une double circulation, en
sens contraire, d'objets en coquillage comporte deux lacunes graves.
L'une est d'avoir ignoré la présence d'un système parallèle pour la société
féminine ; l'autre d'avoir en quelque sorte coupé la kula aux deux bouts
pour en améliorer la présentation, alors que C. G. Seligman (1910), qui
avait déjà analysé et décrit l'institution, mais que personne ne cite plus,
L'Homme 94, avr.-juin 1985, XXV (2), pp. 73-95. JEAN GUIART 74
montre qu'elle se raccrochait au sud-est, au nord-est et au nord à des
systèmes d'échanges plus vastes, tout aussi formalisés, mais qui ne pré
sentaient pas ce double mouvement circulaire qu'expliquait la position
d'impasse géographique des îles prolongeant vers l'est la Nouvelle-Guinée.
Le même mouvement en cercles inversés se retrouve entre la Nouvelle-
Calédonie et les îles Loyauté, sous la forme du « cycle vert et blanc » décrit
par Maurice Leenhardt, et concernant d'une part les haches-ostensoirs
(à lames plates, en forme de disque, obtenues à partir d'une roche de se
rpentine de bonne qualité) et les colliers en perles de la même pierre verte,
d'autre part des objets en coquillage (monnaies de perles, ovules blancs
appareillés avec des tresses en « poil de roussette ») . Certes, le système des
échanges était en réalité beaucoup plus complexe et ne consistait pas
simplement à faire tourner les objets blancs dans le sens des aiguilles
d'une montre et les objets verts dans le sens inverse (Leenhardt, 1937),
mais on pourrait en dire autant pour les Trobriand. Reste qu'un mouve
ment général fonctionne bien dans les sens indiqués, à partir du moment
où l'on prend en compte l'aire géographique pour les habitants de laquelle
il constitue le modèle global des relations inter-îles. Dans l'un et l'autre
cas, ces échanges ne se font pas au hasard, mais entre partenaires success
ifs occupant un ensemble de positions formalisées, cartographiables de
façon précise, auquel convient mal le terme « cycle », puisque le recouvre
ment est décalé dans le temps et selon différentes directions.
Ces systèmes, que je désigne sous le nom de « réseaux » parce que le
terme fait image, ont été mis en évidence bien avant Malinowski, tout
d'abord par le savant russe Miklouho-Maclay (1982), puis par des spécial
istes allemands qui avaient entrepris de les cartographier avant 1914
(Tiesler, 1969). Ces données anciennes ont été confirmées récemment par
les travaux de Tibor Bodrogi (1979), Philip Dark (1979) et François
Lupu (s.d.) pour la Nouvelle-Guinée, entre la côte nord et l'archipel
Bismarck, où les itinéraires stables parcourus tant par des objets fabriqués
que par des traits culturels ont pu être repérés. L'un d'entre eux, qui
mériterait d'être aussi connu que la kula, comportait une navigation en
haute mer, sur des pirogues multicoques (de dix à trente) à voiles, trans
portant des poteries produites à la chaîne, à l'est, par les femmes et
échangées à l'ouest du golfe de Papouasie contre des cargaisons de sagou.
Cet échange, appelé hiri (Seligman, 1910), qui mettait en branle, une fois
l'an, des milliers d'hommes et de femmes, était technologiquement éton
nant et apportait une réponse à un problème aigu de survie en zones de
savanes sèches, très pauvres en sols fertiles. Mis en lumière, lui aussi, et
en détail, par Seligman, il n'a jamais eu la faveur de la réflexion ethnolo
gique. Pourtant, l'analyse théorique, en particulier marxiste, y aurait
trouvé matière à affiner les schémas proposés. Ethnologie de la Mélanésie 75
Ce n'est donc pas une invention personnelle (Guiart, 1963, 1966) et
nul ne saurait nier l'existence, dans tout l'arc mélanésien, de systèmes
géographiquement définis, gouvernant les relations d'échanges, en pro
longement des systèmes plus localisés, fondés sur les relations de parenté
ou leurs extensions conceptualisées, pseudo-généalogiques ou non. Tout
homme dispose ainsi, là où il peut effectivement aller, de correspondants
chez qui il est assuré d'être reçu, nourri, en application d'un lien hérité
auquel peut s'ajouter ou non une relation matrimoniale. Par rapport
à un Ego, ces relations multiples d'échange, d'identité et d'alliance
prennent un aspect de constellation ; les cas de polygamie en fournissent
les exemples les plus éclatants. Ces constellations se rattachent les unes
aux autres. A les suivre, d'île en île, de proche en proche, on ne se heurte
jamais à une solution de continuité : elles tournent lorsqu'il n'y a plus de
terre disponible. Ainsi y a-t-il toujours un nouveau point de l'espace où
l'on peut faire étape. Si l'on approfondit cette notion de réseau — recou
vrement de systèmes locaux, au moins dualistes, et qui se transforment
sur les marges en systèmes à trois facteurs, ou, si l'on préfère, à trois
axes — , on aboutit à une constatation peu originale. La première monog
raphie anthropologique traitant du Pacifique, Eaglehawk and Crow
(Mathew, 1899), mettait déjà en évidence l'existence d'un système de
moitiés s 'intermariant, et qui se plaçaient au delà de la parenté stricto
sensu, comme le font d'ailleurs aussi tous les systèmes matrimoniaux aus
traliens à sections ou à sous-sections, qui constituent un langage formalisé
entre groupes, permettant entre autres l'accueil de l'étranger auquel un
statut passager ou définitif est accordé par la simple référence à un lexique
de quatre ou huit noms se retrouvant très semblables sur des distances de
plusieurs centaines de kilomètres (Elkin, 1934 ; Radcliffe-Brown, 1930).
Le choix du terme « réseau » — que l'on me conteste - — est destiné à
faciliter l'analyse du phénomène, mais ne conduit pas à affirmer l'existence
d'un système prescriptif. Il aide à

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