Etude des emplois non injonctifsrevuDP
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Etude des emplois non injonctifs de l’impératif en russe Denis PAILLARD Laboratoire de linguistique formelle (UMR 7110) Université Denis Diderot – Paris 7 La description de l’impératif en russe soulève deux questions difficiles. Comme pour les autres modes, l’alternance imperfectif / perfectif y joue pleinement, ce qui n’est pas sans poser de sérieux problèmes aux aspectologues, car il n’est pas facile, même si la tentation est grande, de rendre compte de la variation de la forme du verbe par une simple transposition des notions et distinctions introduites pour rendre compte de l’imperfectif et du perfectif au passé. L’impératif en tant que forme verbale, loin d’être limité à l’expression de l’injonction (de l’ordre à la prière en passant par le conseil et la demande polie) possède toute une série d’emplois hors injonction, parmi lesquels nous mentionnerons : l’impératif de nécessité, l’impératif de narration, l’impératif à valeur concessive, l’impératif conditionnel. Dans un article écrit avec A. Culioli (Culioli, Paillard : 1987) nous avons proposé une hypothèse concernant l’alternance imperfectif / perfectif du verbe à l’impératif pour les valeurs injonctives. Le présent article aborde l’autre facette de l’impératif, à savoir les emplois non injonctifs de l’impératif. Il s’agit de déterminer dans quelle mesure notre hypothèse, formulée à propos des emplois à valeur injonctive peut être généralisée à ces emplois hors injonction. Les emplois non ...

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Etude des emplois non injonctifs de l’impératif en russe  Denis PAILLARD Laboratoire de linguistique formelle (UMR 7110) Université Denis Diderot  Paris 7  La description de limpératif en russe soulève deux questions difficiles. Comme pour les autres modes, lalternance imperfectif / perfectif y joue pleinement, ce qui nest pas sans poser de sérieux problèmes aux aspectologues, car il nest pas facile, même si la tentation est grande, de rendre compte de la variation de la forme du verbe par une simple transposition des notions et distinctions introduites pour rendre compte de limperfectif et du perfectif au passé. Limpératif en tant que forme verbale, loin dêtre limité à lexpression de linjonction (de lordre à la prière en passant par le conseil et la demande polie) possède toute une série demplois hors injonction, parmi lesquels nous mentionnerons : limpératif de nécessité, limpératif de narration, limpératif à valeur concessive, limpératif conditionnel.  Dans un article écrit avec A. Culioli (Culioli, Paillard : 1987) nous avons proposé une hypothèse concernant lalternance imperfectif / perfectif du verbe à limpératif pour les valeurs injonctives. Le présent article aborde lautre facette de limpératif, à savoir les emplois non injonctifs de limpératif. Il sagit de déterminer dans quelle mesure notre hypothèse, formulée à propos des emplois à valeur injonctive peut être généralisée à ces emplois hors injonction.  Les emplois non injonctifs de limpératif ne sont pas des emplois marginaux : les auteurs et grammairiens russes les mentionnent régulièrement. Certains emplois ont donné lieu à des études spécifiques, comme celle très détaillée que vedova (1974) a consacrée à limpératif de nécessité. Plusieurs slavisants étrangers, à commencer par J. Forsyth (1970) et J. Veyrenc (1980), ont également traité de la place quil faut faire aux emplois non injonctifs. Au cours des cinq dernières années, la question de ces emplois donné lieu à toute une série de travaux tant en Russie (Percov : 2000, Dobruina : 2006), quà létranger (Fortuin : 2000, Israeli : 2001, Jakab : 2003). Cest le travail du slavisant hollandais, E. Fortuin, (2000) qui, à ce jour, est létude la plus approfondie non seulement des emplois non injonctifs, mais aussi de limpératif en général.  Cet article est divisé en trois parties. Dans la première nous décrivons les propriétés distributionnelles de quatre classes demplois non injonctifs en les comparant aux emplois dits injonctifs. Dans la seconde, nous rappelons notre hypothèse sur limpératif. Enfin, dans une troisième et dernière partie, nous proposons une représentation des quatre classes demplois non injonctifs sur la base dune généralisation de notre hypothèse de départ.  1.  Quatre emplois non injonctifs  Les quatre emplois non injonctifs décrits ci-dessous nous intéressent dans la mesure où ils se définissent chacun par un ensemble de propriétés nettement stabilisées. Ces quatre emplois, tels que nous les isolons, ne prétendent pas couvrir lensemble des emplois non injonctifs. Et au sein de chaque classe il est possible de mettre en évidences des énoncés ou des séries dénoncés qui diffèrent de lensemble par un ou même plusieurs traits. Quant à la dénomination de ces emplois (impératif de nécessité, impératif narratif, impératif concessif et impératif conditionnel) nous ne faisons que reprendre ici les étiquettes utilisées le plus fréquemment dans la littérature, tout en précisant quelles ne sauraient être interprétées comme posant une quelconque hypothèse sur linterprétation de ces énoncés. En particulier, dans le cas des emplois dits conditionnels ou concessifs, nous ne partirons pas dune hypothèse dordre cognitif ou sémantique sur la condition ou la concession pour ensuite situer les énoncés à limpératif par rapport à dautres énoncés conditionnels ou concessifs. Dans chaque cas, nous partons de limpératif en tant que forme du verbe russe, en identifiant les facteurs qui interviennent dans lémergence de telle ou telle valeur. En même temps, le fait de concentrer notre analyse sur la forme impérative du verbe ne signifie nullement que nous cherchons, au nom de quelque invariance, à minimiser ou encore
réduire la spécificité de tel ou tel emploi. Notre objectif est bien de rendre compte de chaque emploi dans toute sa singularité. Les exemples que nous donnons pour illustrer les différentes valeurs sont, dans leur immense majorité, empruntés à des travaux dautres auteurs (nous donnons leur entre parenthèses). En reprenant ces exemples (dont beaucoup circulent déjà dun article à lautre) et en les analysant dans une perspective différente, nous souhaitons aussi rendre possible une confrontation des analyses.  1.1.  Impératif de nécessité 1 .   (1) Vse kurjat, a ja  vozderivajsja (I 2 , 2 ème sing) (Veyrenc) « Tous fument, et moi  il faut que je m’abstienne (de fumer) ». (2) Devica platok uronila  ty (tu)  podnimaj  (I, 2ème sing.),  ona vxodit -  ty (tu)  vstavaj  (I, 2ème sing.) i davaj  (I, 2ème sing.) ej svoj stul, uxodit -  ty (tu) provaaj  (I, 2ème sing.) Une jeune fille a laissé tomber son mouchoir, il faut que tu le ramasses , elle entre il faut que tu te lèves et que tu lui laisses ta chaise, elle sen va, il faut que tu laccompagnes 3  (3) Poezd prixodit v č etyre utra, i ja  (je) opjat ne spi ((I, 2 ème sing) vsju no č (vedova) « Le train arrive à 4 heures du matin et pour moi cest de nouveau une nuit sans sommeil » (litt. et moi de nouveau ne dors pas) (4) On u č itel, on (il) i u č i ((I, 2 ème sing) (vedova) « Il est enseignant, il doit enseigner   (5) On ves den gde-to propadaet, a ja  iz domu ne vyjdi (Fortuin) Il disparaît je nse sais où toute la journée, et moi  il ne faut pas que je sorte de la maison  Les énoncés relevant de ce premier emploi présentent un certain nombre de propriétés : Le sujet du procès est normalement exprimé et apparaît devant le verbe à limpératif ; -- Le sujet peut être réalisé par un pronom de 1 ère ou 3 ème personne du singulier ou du pluriel ou encore par un substantif (y compris un nom propre). Enfin, vedova (1974 : 112) donne plusieurs exemples où le sujet est au datif et non au nominatif. Lorsque le sujet est réalisé par un pronom de la seconde personne (cf. exemple (2)), mais aussi lorsquil ny a pas de sujet exprimé, le sujet sinterprète comme un sujet générique (parcours de la classe des sujets possibles) et ne saurait désigner le coénonciateur. - La forme du verbe est invariable : morphologiquement il correspond toujours à la deuxième personne du singulier. - Le verbe est régulièrement 4  un imperfectif, sauf avec la négation où cest le perfectif qui est normalement utilisé (cf. exemple (5)) 5 ; - Selon Fortuin, un impératif de nécessité peut apparaître en position enchâssée. Toutefois, lunique exemple quil donne (repris de vedova) diffère assez nettement des autres exemples illustrant cette valeur (on notera également que Vimp est un perfectif). (6) Ja govoril, č to prede Zemlej, vodoj i nebom ovladej ( P 2 ème sing) , č toby uznavat derevja po odede (vedova)                                                  1  J. Veyrenc le définit comme « impératif dinjonction récusée ». Cest larticle de vedova (1974) qui propose le corpus le plus large et le plus diversifié pour cet emploi. 2  Notations : I pour « imperfectif », P pour perfectif. (la séquence correspondant à limpératif est en gras dans le texte russe et la traduction française). 3 Merci à Rémi Camus pour cet exemple. 4 En écrivant « régulièrement » nous laissons la place à de possibles contre-exemples avec un verbe perfectif ; mais, dans ce cas, comme nous le verrons en 3 linterprétation doit prendre en compte leffet de sens spécifique lié à la forme du verbe. 5 Lexemple (3) avec ne spi (I) ne nous paraît pas devoir infirmer cette tendance à employer, dans les emplois non injonctifs le perfectif après la négation. Lutilisation de limperfectif tient, selon nous, à deux facteurs : a. spat  nentre pas dans une paire aspectuelle ; b. ne spi  désigne un procès « positif » (= « veiller ») et non la sortie du procès positif, quil soit visé ou actualisé, comme cela est le cas dans linterdiction.
Je disais qu il fallait commencer par maîtriser la terre, leau et le ciel, pour reconnaître les arbres à leur parure - Généralement, lénoncé à limpératif présente dans le contexte gauche une séquence qui, par des biais différents, est à lorigine de linterprétation du verbe à limpératif (désormais Vimp) comme désignant un procès non choisi par le sujet : dans (1), (2) et (5) on a un contraste marqué entre le sujet de Vimp et un sujet ou groupe de sujets concernant le procès que valident les uns et les autres : le plus souvent le procès à limpératif est présenté comme détrimental par opposition au procès par le sujet présent dans le contexte gauche immédiat. Dans (3) la validation par ja du procès « ne pas dormir » est présentée comme la conséquence directe de larrivée du train à une heure avancée de la nuit. Enfin, dans (4), le procès « enseigner » est la conséquence normale de la profession du sujet ; la présence de i tend à souligner que le sujet ( on ) est a priori le support de la valeur inverse. Par delà leur diversité (et le corpus recueilli par vedova montre à quel point cette diversité est importante), les exemples (1)  (6) ont un point commun : en raison dune situation explicitée contextuellement, un sujet (le sujet de Vimp) se trouve amené à valider un procès quil na pas choisi ou quil ressent comme détrimental.  1.2.  Impératif de narration  (7) Poloil na stol, č toby emu sdelat operaciju, a on  vozmi  (P, 2 ème sing) i umri  (P 2 ème sing) u menja pod xloroformom (Veyrenc) « Je lai placé sur la table pour lopérer, et le voilà, comme çà, qui me claque entre les mains sous son masque à chloroforme ». ème (8) Stala sosedok rasspraivat, č to Katja bez menja delaet, a oni  mne vse i  rasskai (P, 2 sing) Je me suis mise à interroger les voisines sur ce que Katia faisait en mon absence et les voilà qu’elles me racontent tout (9) My s nim nedelju ne razgovarivali, a v č era on mne vdrug i skazi (P, 2 ème sing) (Percov) Toute la semaine nous ne nous sommes pas parlé, mais hier, tout dun coup, le voilà qui  me dit…  (10) Podxou ja k Igorju, a on vozmi i udar  (P, 2 ème sing) menja po ple č u (Percov) Je mapproche dIgor et le voilà qui me frappe à lépaule (11) Ja ue zasypal, a on vozmi i stukni (P, 2 ème sing) po stolu (Percov) Je mendormais déjà et le voilà qui tape du poing sur la table (12) Ego dut, a on voz mi   i opozdaj (P, 2 ème sing) na celyj č as On lattend, et le voilà qui a une bonne heure de retard   Les propriétés caractéristiques de limpératif de narration sont les suivantes 6 : - Le sujet est régulièrement exprimé et il peut être réalisé par un pronom 1 ère  et 3 ème  personne, sing. et pluriel, par un substantif (à commencer par un Npropre). Le sujet est au nominatif. Comme pour limpératif de nécessité, le pronom 2 ème personne, lorsquil est employé, ne désigne  pas le coénonciateur (personnellement, nous navons pas rencontré dexemple de ce type). - Il ny a pas daccord en nombre entre le sujet et le verbe qui se présente toujours sous la forme de la deuxième personne du singulier. - Le verbe à limpératif est régulièrement un perfectif ; souvent il est précédé de la forme impérative du verbe vzjat (cf. exemples (7), (10) et (11)) 7 . Nous ne traiterons pas dans le détail de ce point.                                                   6  Rémi Camus a attiré notre attention sur le fait que la présence de i  est une propriété que lon retrouve de façon systématique dans tous les exemples dimpératif de narration. 7 On trouvera dans Fortuin (2000 : 149 - 160) une description détaillée des emplois narratifs avec ou sans le verbe vzjat . Mentionnons également un emploi du verbe prendre  en français qui présente sur le plan de linterprétation des affinités avec cet emploi de vzjat : je ne sais pas trop ce qui lui a pris de traverser la rue / mais quest-ce quil te prend de crier comme ça ?   
- La séquence comprenant le verbe à limpératif est prise dans un enchaînement discursif : laction est présentée comme soudaine, immédiate et « échappant aux actants présents dans le contexte » (Veyrenc), à commencer par le narrateur (souvent protagoniste par ailleurs de la scène). - La séquence à limpératif peut être enchâssée : (13) Nam ved tak by vano, ne videl li kto ix, v vosmom č asu, v kvartire-to, č to I mne voobrazis (P, 2 è me sing)  i mne sej č as, č to vy toe mogli by skazat (Fortuin) Il nous importait tellement de savoir si quelquun les avait vu, à huit heures, dans lappartement, que je me suis pris à penser que vous aussi auriez pu me le dire  1.3. Impératif concessif  (14) Kakuju versiju ni razvivaj (I, 2 ème  sing) , ona moet legko byt perebita kakoj-nibud inoj (Fortuin) Quelle que soit la version que tu développes celle-ci peut facilement être surpassée par une autre  (15) Kuda on ni skryvajsja  (I, 2 ème sing) , on ot menja ne ubeit (Fortuin) Il peut se cacher où il veut, il ne méchappera pas (16) Č to on e č e u nas sdelal ?  sprosila ona Daku, vsem svoim vidom pokazyvaja, č to xo č et byt obektivnoj, no to č ego ona skazat ne xo č et, ona i ne skaet  xot re (I, 2 ème sing) ! Quest ce quil a encore fait ? demanda-t-elle à Dachka, signifiant par chaque détail de son expression quelle souhaitait être objective mais que ce quelle ne voulait pas dire elle ne le dirait pas, quoiqu’on lui fasse (litt. coupe la gorge) (17) Dod popolam s gradom lupit takoj, č to xot kri č i  (I, 2 ème sing) ni č ego ne uslyiI (Fortuin)  La pluie mélangée à la grêle fait un tel boucan que tu peux toujours crier, on nentend rien  Nous nous limitons ici à deux exemples pour les deux types de valeur concessive dont lémergence est liée dans un cas à la présence de xot , dans lautre à la présence de la particule négative ni . En dehors de la présence de ces deux marqueurs, la valeur concessive se caractérise par les propriétés suivantes : - Le sujet nest pas nécessairement exprimé. Sil peut correspondre à la 1 ère et à la 3 ème personne (sing. et pluriel), il peut aussi prendre la forme du pronom 2 ème  personne (sing. et pluriel) et renvoyer, dans certains cas, au coénonciateur. - Lorsque le sujet est exprimé, sa position est variable : il peut être soit antéposé soit postposé au Vimp.  - La séquence à limpératif est régulièrement suivie dune séquence qui sinterprète comme lapodose dune phrase complexe dont la protase est formée par la séquence à limpératif. La présence de cette seconde séquence est un facteur central dans lémergence de la valeur concessive. - Selon Fortuin, qui a fait un important travail sur corpus, le verbe à limpératif est souvent à limperfectif, mais on trouve des exemples avec le perfectif (avec une différence dinterprétation). Fortuin (p. 216) donne les exemples suivants : (18a) Vperedi  kuda ni gljan ( P, 2 ème sing)  voda, ravnina, ostrova  Devant nous, où que nous regardions , leau, la plaine, les îles (18b) V kakuju storonu ni gljadi  (I, 2 ème sing) , vyxoda net De quelque côté que tu regardes , il ny a pas dissue 8  - Comme pour les deux emplois précédents, la séquence à limpératif peut être enchâssée (cf. lexemple (17) ci-dessus).  1.4 Impératif conditionnel 9  
                                                 8 En 3.3 nous reviendrons sur une différence possible entre ces deux exemples.
 On distinguera ici encore deux types demploi : a. les contre factuels (ex. (19)  (22)) ; b.  les hypothétiques (23)  (24) : (19) Obratis  (P 2 ème sing) vy (vous) ko mne v č era, ja by ne uexal (Comtet) Vous vous seriez adressés à moi hier soir je ne serais pas parti ; (20) Sdelaj (P 2 ème sing) arxitektor ulicu podlinnee, dvorec smotrelsja by s Nevskogo melkovato  (Comtet) Si  l’architecte avait fait la rue plus longue, le palais vu de la prospekt Nevski aurait semblé petit (21) Otdoxni (P 2 ème sing) on  nemnoko on by dobeal do celi (Comtet) S’il s’était un peu reposé, il aurait couru jusquau but (22) No na č ni (P 2 ème sing) svoju izn Ivan teper, on, verojatno, by snova poel putem neuda č  Mais si Ivan avait recommencé sa vie aujourdhui, il aurait, vraisemblablement, pris de nouveau le chemin de léchec (23) Umri ja , č to s nim budet ? (Fortuin) Si je viens à mourir, quest ce quil va devenir ? (24) Vojdi on (P 2 ème sing) v komnatu, ja ego primu s udovolstviem (Veyrenc) Sil entre dans la pièce, je le recevrai avec plaisir  Comme les trois valeurs déjà évoquées, les impératifs conditionnels présentent un ensemble de propriétés caractéristiques : - Le sujet est ou non exprimé et peut désigner toutes les personnes (1 ère , 2 ème  et 3 ème ) sing et pluriel ; lorsquil est exprimé, il est postposé par rapport au verbe 10 ; - Comme pour la valeur concessive, la séquence à limpératif entre dans une phrase complexe  dont elle est la protase, lautre séquence (généralement à droite) sinterprétant comme lapodose ;  R.Comtet (1994) insiste sur le fait que lorsque lapodose contient la particule by  (qui peut -également apparaître dans la séquence à limpératif),  linterprétation est obligatoirement contre-factuelle ; - Le verbe à limpératif est régulièrement un perfectif, y compris avec la négation :  (25) Ne opozdaj oni (P, 2 ème sing) , my mogli by vyexat rane (Forsyth) S’ils n’avaient pas été en retard , nous aurions pu partir plus tôt (26) Ne prygni on s mainy, on by pogib (Forsyth) Sil navait pas sauvé de la voiture, il serait mort  - Une séquence à interprétation conditionnelle peut être enchâssée : (27) Mne kaetsja, č to vyskais (P, 2 ème  sing) my  i vse pojdet po staromu (Fortuin) Il me semble que si nous nous exprimons , tout repartira comme auparavant  1.5. Comparaison des emplois injonctifs et des emplois non injonctifs .  La comparaison des deux types demplois (injonctifs et non injonctifs) fait apparaître un ensemble de différences : Dans les emplois injonctifs, le sujet peut ou non être exprimé ; exprimé il peut être placé devant -ou après le verbe ; il renvoie toujours à la 2 ème  personne, sing ou pluriel, avec un accord en nombre et désigne le co-énonciateur. Dans les emplois non injonctifs, le sujet peut renvoyer à toutes les personnes, sing ou pluriel, avec une contrainte forte sur la 2 ème personne : à limpératif                                                                                                                                                              9  Signalons lexistence de séquences qui, du point de vue de linterprétation, se situent entre concessive et condtionnelle :  My govorim o raznom i, xot vek  prospor , ni o č em ne stolkuemsja  Nous discutons des sujets les plus variés, et, même si nous parlons un siècle, nous narrivons pas à nous heurter. 10 Comtet qui a travaillé sur un corpus important insiste sur le fait ue les énoncés avec la 2 ème personne sont très peu fréquents. 
de nécessité et à limpératif de narration le pronom de 2 ème personne, peu fréquent mais possible, ne peut pas désigner le coénonciateur 11 . Au sein des emplois non injonctifs, on observe une seconde différence concernant la position du sujet par rapport au verbe : normalement exprimé à limpératif de nécessité et à celui de narration, il est antéposé ; dexpression facultative pour limpératif conditionnel et concessif, il est le plus souvent postposé (surtout dans le cas du conditionnel). - Dans les emplois injonctifs le verbe peut être soit imperfectif, soit perfectif, chaque forme étant associée à des valeurs particulières sur lesquelles nous reviendrons brièvement en 2. Dans les emplois non injonctifs, deux emplois (nécessité et concession) ont des rapports privilégiés avec limperfectif, deux (narratif, conditionnel) avec le perfectif. Dans les énoncés négatifs, pour les emplois injonctifs le perfectif est limité à la valeur dite de mise en garde (cf. Ne zabud pro menja  « Ne moublie pas », Ne upadi  « Ne tombe pas ») pour les emplois non injonctifs, on a normalement le perfectif (y compris pour limpératif de nécessité qui à la forme positive demande limperfectif, cf. lexemple (5)) - Comme indiqué ci-dessus, deux emplois non injonctifs (concessif et conditionnel) ont en commun le fait de sinscrire dans une phrase complexe organisée autour de la distinction protase (séquence à limpératif) / apodose. - Avec les quatre emplois non injonctifs, la séquence à limpératif peut être enchâssée, ce qui est strictement impossible dans le cas des emplois injonctifs.  En résumé, les emplois non injonctifs apparaissent comme étant chacun soumis à un ensemble de contraintes, quil sagisse de lexpression du sujet ou de la forme aspectuelle du verbe. Au contraire, les emplois injonctifs ne sont soumis à aucune contrainte particulière (en dehors de la limitation du sujet à la deuxième personne du singulier ou du pluriel). En même temps, chaque variation fait sens.  2.  Pour une caractérisation unitaire de l’impératif.  Limpératif en tant que forme du verbe est défini par deux propriétés : (a)  La relation prédicative est simplement représentée. Comme lécrit Veyrenc (1980), elle nest déterminée ni sur le plan temporel, ni sur le plan modal, ni sur le plan de la personne. En tant que simplement représentée (ce que nous noterons < p >), la relation est associée à un ensemble de valeurs : p , non p , hors p  signifiant en deçà de p  ou encore non p . (b)  la relation prédicative est en relation avec deux pôles subjectifs : un S const  qui construit (introduit) p dans lespace discursif ; un S valid .  qui est le valideur virtuel de p . S valid  est dans un rapport de séparabilité à S const : il peut suivre S const , et valider mais aussi ne pas le suivre soit en validant non p , soit en se maintenant en hors p  c.à.d. en deçà de la validation de p ou non p. Pour ce qui est de la relation prédicative S valid. constitue un pôle dindétermination, alors même que la validation repose sur lui.  La coexistence de ces deux pôles subjectifs est la source de déséquilibres au profit de lun ou lautre pôle. On peut privilégier soit S const  introduisant p  comme valeur de référence dans lespace discursif, soit celle de S valid. , ce qui revient à envisager p  mais aussi p’ . La forme du verbe (imperfectif ou perfectif) est un indice régulier concernant la position prépondérante.  
                                                 11  Pour les emplois non injonctifs il est essentiel de distinguer soigneusement pronom de seconde personne et coénonciateur : la mise en jeu de ce pronom ne signifie pas que le coénonciateur est impliqué dans le procès (cf ; ci-dessus lexemple (2)).
  
S const    p p’
   S valid     p ou p’   hors p
  2.1. Impératif et injonction (A. Culioli, D. Paillard, 1987)  Cette caractérisation dun énoncé à limpératif, comme mettant en jeu une relation prédicative prise dans une tension entre deux pôle subjectifs se sépare de façon très nette dune grande partie des travaux sur limpératif qui font de la notion de « force illocutoire » une notion centrale. Ainsi, dans sa thèse, qui est le texte de référence en grammaire générative sur limpératif, Han (1998) caractérise limpératif à laide de deux traits quelle nomme « directive » (en tant que mettant en jeu un acte de langage du type « command ») et « irrealis » en tant que spécification modale. Portner (2004a et b), qui se réfère à la théorie du dialogue, considère que « the function of an imperative is to add a requirement to the set of requirements held by the hearer (what we call the To-do-list » ), ajoutant que les différentes valeurs de limpératif « have to do with the pragmatic or sociolinguistic basis for the speakers attempt to add a property to the addressees To-do-list ».  La principale différence entre les hypothèses accordant une place importante à lacte de langage du type « commande » et notre hypothèse tient au statut des sujets : dans une perspective illocutoire, il sagit de sujets  individus, linterlocuteur étant rejeté dans lau-delà de lénoncé impératif (cf. la formulation de Portner ci-dessus). De notre point de vue, la polarisation de la relation prédicative sur deux sujets est constitutive de la représentation de lénoncé impératif en tant que tel : définies lune comme pôle de construction de la relation prédicative, lautre comme pôle de validation, ces deux positions nont pas de rapport a priori  avec les protagonistes (locuteur et interlocuteur) de la communication. Conséquence de cette différence, la diversité des valeurs de limpératif (même en se limitant aux valeurs injonctives) est faiblement prise en compte, comme le montre la citation de Portner ci-dessus, où il rejette la variation dans le domaine de la pragmatique 12 . Les valeurs injonctives peuvent être caractérisées par une interprétation des deux pôles subjectifs : S const  correspond à So (énonciateur) et S valid. à S1 (co-énonciateur). Insistons encore une fois sur le fait que, dans le cadre de notre hypothèse, So et S1 sont des repères énonciatifs et non des individus séparés (comme cest le cas dans la définition de linjonction en termes dacte illocutoire). La possibilité denchâssement (attestée pour les quatre emplois non injonctifs mais strictement bloquée avec les emplois injonctifs) est également un élément qui amène à considérer que les positions S const et S valid  ne sont pas nécessairement associées à lespace « énonciateur  coénonciateur » : leur référence varie bien au-delà de lespace intersubjectif Concernant lalternance perfectif (P) / imperfectif (I) nous reprenons la formulation de notre article de 1987. Traditionnellement on dit pour caractériser P quil présente le procès comme un tout non fragmentable. Cette caractérisation concerne habituellement le plan temporel mais elel nous semble généralisable au plan subjectif. En tant que valeur stabilisée (compacte, homogène, non différentiable) le procès au perfectif échappe à toute modulation tant sur le plan temporel que sur le plan subjectif. Rapportée au double statut de p  dans le cadre de linjonction, cette                                                  12 Jakab (2003), qui se réclame de lhypothèse de Han, propose de rendre compte de la valeur conditionnelle en termes de pondération sur les traits : limpératif conditionnel se caractériserait par un ( ?) affaiblissement du trait « directive » au profit du trait « irrealis » : la modalité lemporterait sur lillocutoire.  
caractérisation place P du côté de So en tant que constructeur de p : pour So il ny a que p qui compte comme « bonne valeur » distinguée. Par comparaison avec P, I peut être considéré comme renvoyant à lintégralité du domaine complexe associé à < p > . Voici à titre dillustration deux exemples bie connus de I : (a)  On ee ubedal, no ne ubedil // I nakonec ee ubedil Il a cherché à la convaincre mais na pas réussi / et finalement a réussi (b)  Ty č ital ètu knigu ? (à comparer avec Ty pro č ital ètu knigu ?  As-tu lu ce livre ? Dans (a) la valeur conative de I signifie quapriori on ne sait pas si dans le domaine de /convaincre/ où /convaincre/ symbolise libntégralité du domaine des valeurs possibles (« convaincre », « ne pas convaincre ») cest (finalement) p ou non p qui sera validé. Comme le montre la deuxième partie de lénoncé, les deux issues sont possibles. Dans lexemple (2) I  marque que dans le domaine de /lire/ on ignore quelle est la valeur (« lire » ou « ne pas lire ») qui valide la relation prédicative et lon parcourt tout le domaine des possibles. [] Si lon envisage cette caractérisation de I en relation avec le schéma proposé ci-dessus, il est clair que I renvoie à S1 . (1987 : 529  530)    Lopposition perfectif / imperfectif sinterprète donc comme marquant une pondération sur la position de S const (= So) avec p visé (perfectif) ou sur celle de S cvalid  (= S1 ) avec p ou non p  (imperfectif). Avec limperfectif il y a décentrage sur S valid.  ce qui signifie le retour à une position où p nest pas la seule valeur possible : doù une redélimitation de p par rapport à non p  (redélimitation signifie soit réintroduction pure et simple, soit redéfinition).  2.2. Bref retour sur quelques valeurs injonctives.  Afin dillustrer notre hypothèse de départ nous reprenons quelques exemples demplois injonctifs avec un bref commentaire : -dans les exemples (28) et (29) la variation aspectuelle se fait entre construction de p visé (perfectif : ordre simple) vs (ré)actualisation de p  déjà pris en compte (imperfectif : on a p  en attente) : (28) Boris Mihajlovi č , ja priel dat zajavlenie ob uxode. Ja ne mogu zdes rabotat () -postojte  (P), ne toropites. Bumagu vozmite  (P) nazad. Sloite (P) v č etvero, sunte  (P)  v karman. A teper rasskazyvajte  (I) « B.M. Je suis venue donner ma démission. Je ne peux pas travailler ici.  -Attendez ((P), pas de précipitation. Reprenez (P) votre lettre de démission. Pliez (P) la en quatre. Mettez (P) la dans votre poche. Et maintenant racontez (I) moi vos problèmes ».  (29) Naberi (P) nomer telefona. Sej č as ja ego tebe skau. Vot on, nabiraj (I, 2 ème sing)   « Fais (P) le numéro. Je te le donne tout de suite. Le voilà, fais (I) le »  - dans (30) et (31) S1 est le support de non p dans le temps : (30) Alea, ty zabyl. Tebe nuno zvonit. Zvoni  (I, 2 ème sing) skoree    « Aliocha, tu as oublié. Il te faut téléphoner. Téléphone (I) au plus vite »  (31) Vyvernite P 2 ème  sing) karmany. Nu ivo. Č to ja vam govorju. Vyvora č ivajte  (I 2 ème pl)  « Videz vos poches. Plus vite que çà. Vous mécoutez. Videz vos poches » - dans (32) So incite S1 à reprendre une action interrompue par un événement extérieur : (32) Ivan vsko č il.  Sidite, sidite (I, 2 ème pl)  milostivo ostanovil ego Petja. « Ivan se leva dun bond.  Restez assis (I, litt. “ être assis), Restez assis (I, litt. “ être assis) lui dit Petia en le retenant avec bienveillance ». - dans (33) où lon a la valeur de permission , So  a priori  bloque p  visé par S1 ( So qui est le support de non p remet p dans le champ de S1 ) ;  (33) Ladno, tak i byt, prixodi  (I, 2 ème sing) segodnja « Bon daccord, quil en soit ainsi. Viens  aujourdhui ».  
- dans le cas du souhait et de la politesse : So nest pas constructeur de p : il se contente de distinguer p  par rapport à non p  (doù I) en seffaçant devant un autre sujet ( S1 , politesse) ou devant une force sur laquelle il na pas de prise (destin, souhait) : (34) Sadites (I, 2 ème sing) « asseyez-vous » (35) Bud (I, 2 ème sing) zdorov ! « porte toi bien »  -Avec la négation , on a un emploi systématique de limperfectif  pour exprimer linterdiction : par rapport à p actualisé / visé ( S1 ) So introduit non  p . Le perfectif est limité à la valeur de mise en garde : So est le constructeur de non p en tant que valeur visée ( non p est la bonne valeur).  3. Retour sur les valeurs « non injonctives ».  Dans cette dernière partie, nous considérons les quatre classes demplois non injonctifs à la lumière de notre hypothèse générale concernant limpératif . Comme pour les emplois injonctifs, deux questions sont cruciales : 1. Lidentification des sujets correspondant à S const et S valid ; la possibilité denchâssement de la séquence impérative avec ces quatre emplois, mais aussi les contraintes sur linterprétation du sujet du Vimp comme 2 ème  personne (sing ou pluriel) signifient que S const et  S valid ne renvoient pas de façon univoque à lespace intersubjectif que définissent, en tant que repères, lénonciateur et le coénonciateur. 2. Linterprétation de lalternance Imperfectif / Perfectif. Comme nous lavons vu pour les valeurs injonctives, la forme « aspectuelle » du verbe est un indice concernant la pondération entre les deux positions subjectives : le perfectif entretient des relations fortes avec la position S const et limperfectif avec la position S valid .  4.1. Impératif de nécessité  En 1. nous avons vu que le sujet de Vimp est associé à une contrainte très forte : le sujet ne peut pas désigner la 2 ème  pers. sing ou pluriel, autrement dit le co-énonciateur. Par ailleurs, limperfectif, qui est la forme régulière de Vimp, correspond ici à ce que nous appelons la redélimitation de p par rapport à lactualisation de p’ . Cette actualisation de p’ prend des formes variées. Dans les exemples (1), (2) et (5) on a un contraste entre le sujet de Vimp et un sujet ou un groupe de sujets présents dans le contexte gauche ; ce contraste porte précisément sur le procès exprimé par Vimp. Le groupe de sujets du contexte gauche est présenté comme ne  validant pas  p  (autrement dit, ils valident p’ qui, de façon directe ou indirecte, sinterprète comme la négation de p ). Le sujet de limpératif est donc présenté comme appelé à valider ce que les autres ne valident pas : dans lexemple (1) on a « ils - fumer » vs « moi - ne pas fumer » ; lexemple (2) est construit sur un triple contraste entre une jeune fille libre de ses gestes et un garçon condamné à réagir à ces gestes (ni le garçon ni la fille ne désignent des individus particuliers). La réintroduction de p par le biais de Vimp se fait compte tenu du fait que cest le procès assimilé à p’ qui est le procès de référence, objet dune valuation positive. En dautres termes, p est la contrepartie « négative » (car imposée) de p’. Les exemples (3) et (4) ne diffèrent des deux précédents que sur un point : le mode de donation de p’ . En (3) larrivée du train à une heure avancée de la nuit) est synonyme pour le sujet de nuit sans sommeil. Le fait quil se trouve en situation de devoir valider « ne pas dormir » est présenté comme échappant à toute visée de sa part, car cest p’ = « dormir » qui est visé. Le caractère détrimental du procès est encore renforcé par la présence de opjat marquant que p sinscrit dans une série à laquelle le sujet narrive pas à échapper. Dans (4) la présence de i  marque la réintroduction de p  par rapport p’ 13 : lénoncé à limpératif marque que le sujet (qui exerce la profession denseignant) na pas dautre choix que celui denseigner, que cela lui plaise ou non ; la présence de i tend à signifier que pour le sujet
                                                 13 Sur cet emploi de i i est assimilé à une particule (cf. Č itaj  Ja i č itaju «  Lis  Cest ce que je suis en train de faire ! »), cf. Paillard (1984).
cest p’ qui est la bonne valeur. Dans tous ces exemples, linterprétation de p  comme procès imposé au sujet découle de la prise en compte de façon variable de p’ valeur de référence.  Le fait que le sujet valide le procès contraint et forcé, signifie quil nen est pas le constructeur  ce nest pas lui qui le met en jeu. On retrouve ici la polarisation du procès entre deux pôles « subjectifs ». Ce qui vient dêtre dit concernant le rapport (négatif) du sujet, relayé par lemploi de limperfectif, permet de donner une réponse concernant lidentité de S const et  S valid . S const est une situation résultant de laction dun ou plusieurs sujets (ex. (2)), déclenchée par un événement (ex. (3)) ou encore suscitée par dautres choix du sujet lui-même (ex. (4)). S valid  correspond au sujet du procès impératif : il est mis en demeure de valider p  alors même que pour lui la valeur visée est lautre valeur, soit p’ . Limperfectif signifie que ce qui est focalisé cest le sujet présenté comme contraint et forcé de valider un procès dont le constructeur est une situation qui lui échappe. La place centrale quoccupe le sujet de Vimp peut être mis en relation avec le fait quil est régulièrement exprimé et placé devant le verbe.   4.2. Impératif de narration  Dans le cas de limpératif de narration, nous avons vu que le procès impératif désignait une action inattendue, en rupture avec le cours des événements précédents. Tout se passe comme si le narrateur se trouvait littéralement dépossédé de son récit avec lirruption dun événement non seulement imprévu mais qui, très souvent, réoriente le cours des événements dans un sens non-conforme aux attentes / désirs / souhaits du narrateur. Cette « contrariété » du narrateur est renforcée par le fait que, dans de nombreux exemples, le narrateur est lui-même un protagoniste du récit. Le procès à limpératif débouche sur une situation où le narrateur protagoniste se trouve privé de sa position de maître du cours des événements. Comme indiqué en 1, dans de nombreux cas, Vimp est précédé du verbe vzjat  à limpératif (cf. ci-dessus les exemples (7), (10) et (11)). Tout se passe comme si un sujet (celui du procès à limpératif) avec lévénement désigné par le verbe sortait de son statut de simple protagoniste du procès et se constituait en « site de stabilisation du récit » 14 quil sapproprie.  Nous faisons lhypothèse que, dans ce cas, le sujet de Vimp, présenté comme détournant le cours des événements 15 , est le constructeur de p ; il occupe donc la position S const , ce qui signifie quil est celui qui introduit le procès dans lespace du récit (doù cette « dépossession » du narrateur). Le sujet de Vimp correspond aussi à S valid en tant quil est celui dont relève la validation du procès. Du point de vue de notre hypothèse sur limpératif qui associe le procès à deux pôles subjectifs distincts, ayant chacun leur logique propre, limpératif de narration marque paradoxalement que le sujet valideur dun procès dont la mise en jeu dépend dun sujet constructeur, sérige lui-même en « constructeur » du procès, se substituant à lénonciateur  narrateur. Lemploi régulier du perfectif montre que cest ce pôle de construction  introduction de p usurpé par le sujet du procès qui est privilégié 16 .  4.3. Impératif concessif  Limpératif concessif correspond à deux types dénoncés : lun avec la particule négative ni (exemples (14) et (15)), lautre avec le marqueur xot  (exemples (16)  (17)). Certains auteurs, dont Fortuin, ont souligné, à juste titre, les affinités que cet emploi entretient avec la valeur de permission, où So, momentanément détenteur de p  visé par S1, replace p  dans lespace de S1,                                                  14 Cette formulation renvoie à notre hypothèse sur lidentité sémantique de brat / vzjat : vzjat / brat associe à un terme un site de stabilisation qui est le sujet agent déclencheur de cette stabilisation. 15 Comme le montre lexemple (7) avec umri (« meurs ») laffirmation selon laquelle le sujet sapproprie le cours des événements ne doit pas sinterpréter comme supposant une quelconque visée de ce sujet : il sagit dun mode de narration où le cours des événements est présenté comme échappant au (contrôle du) narrateur. 16 Cet emploi narratif de limpératif se retrouve dans dautres langues : pashtoo (Vogel, ) , turc, bulgare, etc. (il serait intéressant de pouvoir disposer davoir un inventaire précis des langues où cet emploi est attesté).
laissant à ce dernier toute liberté de valider (ou non) p - So sen désintéresse. Ce qui est en jeu dans le cas de la permission, ce nest pas lintroduction de p dans lespace intersubjectif (il est déjà présent en tant que visé par S1) mais bien la réintroduction de p suite à sa mise en suspens par So (cette mise en attente peut être assimilée à une actualisation de p’ ) . Dans le cas de limpératif dit concessif, la séquence à limpératif est la protase dune proposition q ; lénonciateur se désintéresse du procès p ; pour lui, seul q importe.  La validation de p est laissée à la discrétion de celui qui, contextuellement, en est le support. Pour So ( S const ) l e mode de validation de p , quel quil soit, ne changera rien, compte tenu du fait quen tout état de cause on a q ; et cela, alors même que le sujet support de p , lui, considère que la réalisation de p  peut influer sur q . A lexemple (13) on peut associer la glose : « je te laisse toute liberté pour valider telle ou telle version, (sache que) quelle que soit la version que tu retiennes, elle ne pourra quêtre dépassée par une autre ». En dautres termes, So ne sefface derrière le sujet valideur de p , que pour mieux souligner limpuissance de ce dernier à peser sur le cours des choses. Dans le cas des énoncés avec xot , marqueur qui en lui-même véhicule lidée de concession, lindifférence de lénonciateur pour ce qui est de la validation de p passe non pas par un parcours des valeurs possibles, comme cest le cas avec ni , mais par la prise en compte dune valeur limite sur un domaine : un sujet est représenté comme libre de valider y compris une valeur extrême / maximale, et cela uniquement pour signifier que tous ses efforts visant à modifier q  sont et resteront vains. Limpératif concessif correspond donc à une configuration centrée sur le sujet ayant le statut de S valid  pour ce qui est de Vimp, la position de S const étant occupée par lénonciateur So. Limperfectif correspond à ce décentrage sur la position de S valid .   Dans le cas de la permission, le décentrage sur S valid  (S1) signifie que pour So p nest pas / plus un problème. Dans le cas de limpératif concessif, le décentrage sur le sujet pris comme S valid  signifie que pour So p  nest pas / plus un problème, dans la mesure où limportant est ailleurs : seul q compte.  Concernant la forme du verbe, il existe également des énoncés avec xot au perfectif : (36) Xot ubej (P, 2 ème sing) ne skau  Tu peux me tuer je ne dirai rien En fait, des énoncés comme (36) occupe une place intermédiaire entre limpératif concessif et limpératif conditionnel, comme le montre la glose / traduction possible : « même si tu me tues / tu peux me tuer, je ne dirai rien ». Ici, So ne laisse aucune autonomie à S1 (sujet fictif). Le perfectif signifie quon se limite à lintroduction de p, valeur extrême, sans considérer la position que le valideur est susceptible dadopter ; la prise en compte de p nest quun procédé rhétorique pour conférer à q une valeur absolue. La différence dinterprétation entre (18a) avec le perfectif et (18b) avec limperfectif peut être traitée dans des termes analogues : simple absolutisation de q en (18a), affirmation que tout effort est vain en (18b)  ici encore, avec limperfectif, lespace de S valid  a une réelle consistance 17 .   Forsyth (1970 : 221) donne une autre série dexemples dimpératif avec xot et le verbe à limperfectif :  (37) Vra č i ot nee otkazalis. B ob č em, xot grob zakazyvaj . Les médecins considèrent quil ny a plus rien à faire, il n’y plus qu’à commander le cercueil.  
                                                 17 On notera à côté de xot ubej (P) la possibilité davoir xot ubivaj(te) (I) comme dans lexemple suivant relevé sur Internet (où lon a plus de 1000 occurrences de ubivaj(te) ) : Vot xot ubejte (P, 2 ème  pl) , no xo č u stat mutantom. Vse ! Xot ubivajte (P, 2 ème pl) vse ravno xo č u (« vous pouvez faire tout ce que vous voulez y compris me tuer, je veux être un mutant. Point à la ligne. Allez y, tuez moi, de toute façon je le veux »). S. Kodzassov (Institut de la langue russe) à qui nous avons soumis cette séquence, insiste sur la différence de prosodie avec le perfectif et avec limperfectif : avec P, simple cliché, lintonation est plate (comme sil ny avait pas denjeu), alors quavec I on a un fort marquage prosodique, exprimant un engagement marqué de lénonciateur (ce qui rejoint notre commentaire des exemples (18a) et (18b)).
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