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« Les services de communication vocale surprotocole Internet (VoIP): une occasion uniqued’ouvrir la téléphonie locale à une véritableconcurrence »Une étude sur les conditions de succès de l’introduction decette technologie sur le marché des télécommunications auCanadaPréparée pour VidéotronparYves Rabeau, PhDProfesseur titulaireDépartement de stratégie des affairesÉcole des sciences de la gestionUQAMMai 20051Sommaire administratif.L’ouverture de la concurrence dans le secteur des télécommunications conjuguée à larévolution numérique et à l’arrivée d’Internet s’est traduite par l’arrivée de nouveauxjoueurs dans le marché, d’une baisse des prix de divers services et d’une multiplicationdes services offerts aux usagers. Dans cette évolution parfois tumultueuse du marché, cesont surtout les usagers qui sont sortis gagnants de ces transformations. Une nouvellevague novatrice, la communication vocale sur protocole Internet (VoIP) a commencé àenvahir l’industrie. En 2004, de nouveaux joueurs sont apparus avec une offre de serviceVoIP et les autres entreprises présentes dans le marché ont réagi en préparant à leur tourleurs offres. Comme il s’agit d’un nouveau service qui vient perturber l’équilibre existant dans lemarché, le CRTC à titre de régulateur de l’industrie s’est intéressé au phénomène et aprésenté quelques propositions touchant la mise en marché des services VoIP. Il a aussitenu des audiences au cours desquelles les divers intéressés dans ...

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« Les services de communication vocale sur protocole Internet (VoIP): une occasion unique d’ouvrir la téléphonie locale à une véritable concurrence »
Une étude sur les conditions de succès de l’introduction de cette technologie sur le marché des télécommunications au Canada
Préparée pour Vidéotron
par
Yves Rabeau, PhD Professeur titulaire Département de stratégie des affaires École des sciences de la gestion UQAM
Mai 2005
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Sommaire administratif. L’ouverture de la concurrence dans le secteur des télécommunications conjuguée à la révolution numérique et à l’arrivée d’Internet s’est traduite par l’arrivée de nouveaux joueurs dans le marché, d’une baisse des prix de divers services et d’une multiplication des services offerts aux usagers. Dans cette évolution parfois tumultueuse du marché, ce sont surtout les usagers qui sont sortis gagnants de ces transformations. Une nouvelle vague novatrice, la communication vocale sur protocole Internet (VoIP) a commencé à envahir l’industrie. En 2004, de nouveaux joueurs sont apparus avec une offre de service VoIP et les autres entreprises présentes dans le marché ont réagi en préparant à leur tour leurs offres. Comme il s’agit d’un nouveau service qui vient perturber l’équilibre existant dans le marché, le CRTC à titre de régulateur de l’industrie s’est intéressé au phénomène et a présenté quelques propositions touchant la mise en marché des services VoIP. Il a aussi tenu des audiences au cours desquelles les divers intéressés dans le marché ont fait connaître leur point de vue sur cette question. Enfin, le 12 mai 2005, le CRTC a rendu sa Décision de télécom CRTC 2005-28, ‘Cadre de réglementation régissant les services de communication vocale par protocole Internet’dans laquelle le Conseil en accord avec ses propositions préliminaires, et a exprimé son intention de réglementer les services VoIP offerts par les titulaires de monopole jusqu’à ce qu’une concurrence durable s’installe dans le marché de la téléphonie locale canadienne. Dans cette étude, nous passons brièvement en revue les principales composantes de la réglementation du marché des télécommunications mises en place au cours de la dernière décennie par le CRTC. En particulier, nous examinons les règles sur la concurrence locale puisque la technologie VoIP est une technologie qui devrait enfin permettre de rendre concurrentiel le marché local. Nous regardons aussi les effets que la réglementation a eus sur la concurrence dans le marché des télécommunications. Enfin, nous indiquons les conditions qui selon nous permettraient un déploiement des services VoIP qui soit le plus avantageux pour les usagers de la téléphonie tout en rendant possible une certaine pérennité des entreprises qui prennent le risque d’investir dans le marché. Dans le marché de l’interurbain, les nouveaux concurrents n’ont jamais réussi à être vraiment rentables. Diverses sociétés ont dû se protéger contre leurs créanciers en dépit de transactions visant à consolider le secteur. La présence de multiples revendeurs a créé une forme de concurrence artificielle qui a essentiellement contribué à faire baisser les prix sans vraiment créer de valeur dans le marché. Cette concurrence sur les prix a joué contre les nouveaux concurrents qui ont investi dans les infrastructures. Après plus d’une décennie de concurrence, les résultats suggèrent donc que les actionnaires des nouveaux concurrents sur le marché de l’interurbain ont dû en général essuyer des pertes et ce sont les usagers qui ont profité des baisses de prix et des nouveaux services offerts sur le marché.
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La baisse des prix sur l’interurbain a certes exercé une pression à la baisse sur la rentabilité des titulaires de monopole, mais leur présence et leur situation de quasi-monopole sur le marché local ont permis de stabiliser leur situation financière et de déployer divers moyens pour compenser les pertes de revenus provenant de l’interurbain. Notamment, le recours important aux regroupements de services est un instrument très puissant qui permet aux titulaires de maintenir leur position dans le marché ainsi que leur rentabilité. Très récemment, voyant venir la disparition de l’interurbain avec la pénétration de la technologie VoIP, les titulaires ont pu prendre des mesures défensives pour garder leur clientèle et rendre en même temps moins attrayantes les offres de services VoIP en proposant un prix très bas non réglementé pour les interurbains. Une telle offre n’est pas directement reliée à la téléphonie locale, mais le fait d’être dominants sur le marché local permet aux titulaires d’avoir un contact de proximité privilégié avec la clientèle et de faire beaucoup plus facilement la promotion de ces offres. Ceci illustre qu’il existe encore une asymétrie concurrentielle dans le marché de la téléphonie.
La domination des titulaires sur le marché local reste à peu près inchangée par rapport à la situation qui prévalait en 1997 au moment de l’ouverture de la concurrence. Les titulaires conservent près de 96% de l’ensemble du marché local. Dans le secteur résidentiel, cette proportion frôle les 98%.
Les titulaires arguent que la compétition provenant du sans-fil constitue la vraie concurrence au marché local. À terme, on prévoit qu’effectivement la concurrence sur le marché local sera de nature technologique alors que s’affronteront des entreprises possédant des infrastructures ayant leur propre technologie. Cependant, nous ne sommes pas rendus encore à ce stade de l’évolution de la technologie sans-fil et des marchés.
Le marché du sans-fil à l’échelle mondiale est en croissance alors que le filaire local est un marché à maturité. De plus, la progression très rapide d’Internet et surtout Internet haute vitesse, a contribué à ralentir la progression nette des lignes locales. Or, les titulaires au Canada sont aussi des joueurs majeurs dans le sans-fil et les services Internet. Ces derniers par leurs offres regroupées de services peuvent agir à la fois sur le marché local, interurbain, sans-fil, Internet et télévision par satellite. Les titulaires peuvent donc inciter leurs propres clients à migrer vers le sans-fil lorsque les conditions de marché rendent ce déplacement rentable pour l’entreprise. Dans un tel cas, il ne s’agit pas de concurrence entre les joueurs mais bien plutôt d’une gestion profitable de la clientèle.
En somme, les titulaires continuent de dominer sur la boucle locale et en l’absence de règles favorisant la concurrence de la part du régulateur, ils possèdent une gamme d’instruments de marché capables de créer d’importantes barrières à l’entrée dans le marché.
Le CRTC doit tenir compte dans ses décisions tarifaires du critère de l’accessibilité de la téléphonie de base pour tous les citoyens. Ce critère a amené le CRTC dans l’exercice de rééquilibrage des tarifs à fixer ces derniers au niveau le plus bas possible et donc près des coûts des titulaires. Ainsi, une façon d’interpréter le peu de concurrents que l’on retrouve sur le marché local canadien à ce jour serait que les tarifs sont près des coûts marginaux
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de sorte qu’à un tel niveau, l’équilibre atteint sur le marché en est un de concurrence et qu’il n’y a presque plus de profit à aller chercher pour de nouveaux joueurs qui utilisent une technologie comparable ou identique. Une bonne indication de ce phénomène est l’absence de chaque titulaire sur le marché résidentiel de l’autre titulaire. En revanche, dans le secteur d’affaires où les tarifs sont plus élevés et où il y a une perspective de profit, chaque titulaire a investi sur le territoire de l’autre. L’entrée sur marché local avec une autre technologie que celle des titulaires serait possible dans la mesure où les investissements requis permettent d’obtenir une rentabilité de marché en chargeant aux clients potentiels un tarif inférieur à celui des titulaires de façon à amener ces clients à changer de fournisseur de service local. Le prix est une dimension clef si on offre un service de qualité équivalente avec une autre technologie. Les tarifs près des coûts marginaux sur le marché canadien ont rendu difficile l’entrée dans le marché local de joueurs comme les câblodistributeurs qui misent sur une autre technologie que celle des titulaires. Aux États-Unis où les tarifs sur le marché local sont beaucoup plus élevés, les câblodistributeurs ont déjà une présence significative sur le marché local. Au Canada, de façon générale, les investissements requis étaient à ce jour trop coûteux pour que les câblodistributeurs obtiennent un rendement concurrentiel compte tenu des prix qu’ils auraient dû offrir pour attirer les clients des titulaires. Toutefois, l’expérience britannique démontre qu’il peut être possible comme le souhait le CRTC d’avoir une concurrence entre fournisseurs de réseau sur le marché local puisqu’en Grande-Bretagne, les câblodistributeurs sont devenus avec leurs infrastructures les principaux concurrents de l’ex-monopoleur BT. Après plus d’une décennie d’ouverture de la concurrence sur les divers segments du marché des télécommunications, la société Bell Canada est dominante avec 50% des revenus provenant de tous les segments du marché alors que Telus suit avec 20% du marché. À eux seuls, les titulaires représentent donc 70% du marché global des télécommunications au Canada alors que le reste du marché est réparti entre plusieurs entreprises. Au moment de l’arrivée de la technologie VoIP, on ne saurait parler d’une égalité des chances pour tous les joueurs. La présence du régulateur demeure donc encore essentielle pour définir pour un certain temps encore un cadre réglementaire permettant à divers intervenants de se faire une place dans le marché. Si l’objectif d’avoir un marché concurrentiel grâce à des investissements dans des infrastructures de nouveaux concurrents dans le marché local n’a pas été atteint, en revanche, la technologie VoIP vient changer la donne et rend maintenant possible la réalisation de cet objectif. C’est grâce à la technologie que la concurrence sur le « dernier kilomètre » du réseau de télécommunications pourra se développer. Si comme le souhaitent les titulaires, les services VoIP étaient déréglementés, ces derniers disposeraient de moyens puissants pour faire échec à cette concurrence et auraient le champ libre pour tous les pour les services VoIP et d’accéder à des services que les nouveaux joueurs pourront développer et adapter à la clientèle qu’ils compteront desservir. À court terme, la clientèle pourrait profiter d’une chute de prix notable.
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La concurrence éliminée, les titulaires pourraient rehausser leurs prix. À long terme, le manque de concurrence ne favorise pas chez les fournisseurs les gains de productivité et la baisse des prix.
Pour éviter un tel résultat qui viendrait accentuer l’échec de l’ouverture de la concurrence sur la boucle local, il n’est pas nécessaire d’alourdir le cadre réglementaire par l’introduction de nouvelles règles.le CRTC dans sa Décision 2005-Comme l’a confirmé 28, il suffit de maintenir les conditions déjà mises en place par ce dernier pour permettre l’arrivée de la concurrence dans le secteur de la téléphonie locale.
Il ne faudrait pas croire que le maintien de ces règles assurerait le succès des nouveaux concurrents dans le marché. En effet, les concurrents auront non seulement à faire des investissements dans des équipements et mais ils devront aussi livrer une coûteuse bataille de marketing pour attirer les clients des titulaires sur le marché local. Les usagers profiteront d’une telle bataille entre concurrents.
Enfin, lorsque la concurrence sur le service local aura atteint grâce à ces nouvelles technologies un niveau jugé suffisant et viable, le CRTC pourra se retirer du marché et laisser ce dernier déterminer les prix et les services offerts.services déréglementés qui incluraient le sans-fil, l’interurbain, la vidéo, l’accès Internet et les services VoIP. Dans un cadre déréglementé, leur position dominante dans le marché ne permettrait pas aux clients d’avoir un choix
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1. Une autre vague d’innovation dans les télécommunications : la technologie VoIP. Depuis plus de dix ans, le secteur des télécommunications au Canada a subi de multiples transformations. L’ouverture de la concurrence conjuguée à la révolution numérique et à l’arrivée d’Internet s’est traduite par l’arrivée de nouveaux joueurs dans le marché, d’une baisse des prix de divers services comme l’interurbain et les accès Internet et d’une multiplication des services offerts aux usagers. Dans cette évolution parfois tumultueuse du marché, ce sont surtout les usagers qui sont sortis gagnants de ces transformations. Alors que l’industrie n’a pas encore terminé sa consolidation au sortir des difficultés du début des années 2000, une nouvelle vague novatrice, la communication vocale sur protocole Internet (VoIP), a commencé à envahir l’industrie. Il s’agit d’une technologie qui était déjà connue depuis un bon moment mais, on n’avait pas réussi à résoudre divers problèmes techniques ni à bâtir un modèle d’affaires rentable pour l’offrir à des clients sur le marché. En 2004, de nouveaux joueurs sont apparus sur le marché avec une offre de services VoIP et les autres entreprises présentes dans le marché ont réagi en préparant à leur tour leurs offres. Comme il s’agit d’un nouveau service qui vient perturber l’équilibre existant dans le marché, le CRTC à titre de régulateur de l’industrie s’est intéressé au phénomène et a présenté quelques propositions touchant la mise en marché des services VoIP. Il a aussi tenu des audiences au cours desquelles les divers intéressés dans le marché ont fait connaître leur point de vue sur cette question. Enfin, le 12 mai 2005, le CRTC a rendu sa Décision de télécom CRTC 2005-28, ‘Cadre de réglementation régissant les services de communication vocale par protocole Internet’dans laquelle le Conseil en accord avec ses propositions préliminaire, et a exprimé son intention de réglementer les services VoIP offerts par les titulaires de monopole jusqu’à ce qu’une concurrence durable s’installe dans le marché de la téléphonie locale canadienne. Dans cette étude, nous discutons du cadre réglementaire qui devrait permettre un déploiement optimal de cette technologie au Canada, essentiel pour assurer la capacité concurrentielle de l’économie canadienne. Pour ce faire, nous passons brièvement en revue les principales composantes de la réglementation du marché des télécommunications mises en place au cours de la dernière décennie par le CRTC. En particulier, nous examinons les règles sur la concurrence locale puisque la technologie VoIP est une technologie qui devrait enfin permettre de rendre concurrentiel le marché local. Nous regardons aussi les effets que la réglementation a eus sur la concurrence dans le marché des télécommunications. Enfin, nous indiquons les conditions qui selon nous permettraient un déploiement des services VoIP qui soit le plus avantageux pour les usagers de la téléphonie tout en rendant possible une certaine pérennité des entreprises qui prennent le risque d’investir dans le marché.
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2. Bref historique des grands principes de la régulation ayant conduit à l’ouverture de la concurrence dans les télécommunications au Canada. Ouverture de la concurrence. C’est en 1992 que le CRTC a ouvert la concurrence sur l’interurbain. Deux grandes catégories de nouveaux concurrents vont faire leur entrée sur le marché : il y a les revendeurs qui louent de la capacité à des tarifs réduits aux titulaires de monopole1et la revendent aux utilisateurs. Comme ils ont peu de frais fixes, ils ont l’avantage de pouvoir offrir des tarifs inférieurs à ceux des titulaires de monopole. Il y a également des entreprises qui possèdent et aussi construisent des infrastructures et qui viennent concurrencer les titulaires avec leurs équipements. Ils doivent conclure avec ces derniers des accords d’interconnexion, notamment pour terminer les appels interurbains sur la boucle locale. Le CRTC va déterminer ces tarifs d’interconnexion qui vont reposer sur les coûts historiques des titulaires de monopole. C’est ainsi que Unitel provenant du réseau du CN et du CP devient une entreprise qui va s’attaquer au marché interurbain.
Décloisonnement de l’industrie. La Décision de télécom CRTC 94-19 (Décision 94-19) considérée comme historique va décloisonner l’industrie du transport de l’information en permettant aux câblodistributeurs de concurrencer les titulaires sur le marché de la téléphonie et à ces derniers d’offrir des services de distribution de contenu télévisuel. Le CRTC a aussi indiqué de façon plus précise les règles qui allaient prévaloir à l’ouverture de la concurrence sur les marchés des télécommunications et qui continuent aujourd’hui d’influencer le marché. Les plus importantes peuvent se résumer ainsi : ƒ sur le marché de la téléphonie devront payer auxLes nouveaux concurrents titulaires un tarif de service d’accès à leurs réseaux (TSAE), fondé sur le coût économique du réseau mais comportant aussi une contribution au financement du service local résidentiel. ƒ secteur résidentiel interfinancés par l’interurbain et les services auxLes tarifs du entreprises, seront ramenés progressivement à un niveau près des coûts de service (le « rééquilibrage des tarifs ») mais ils demeureront subventionnés, notamment par la contribution incluse dans le TSAE. ƒ Pour éviter des prix d’éviction, le CRTC impose des prix-planchers sur les tarifs sur l’interurbain des titulaires jusqu’à ce que la concurrence ait atteint un niveau suffisant pour laisser le marché déterminer les prix. Le CRTC énonce ainsi un principe fondamental de la régulation de la concurrence et qui joue encore un rôle
                                                1Strictement parlant, il s’agit des « ex-titulaires de monopole » puisque avec l’ouverture de la concurrence ils ne détiennent plus de monopole. Cependant, le CRTC continue de les désigner comme « les titulaires » (ou « incumbents » en anglais) et nous allons utiliser ce terme pour la suite de l’étude.
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important, soit celui du « retrait du régulateur »2lorsque le marché est jugé assez compétitif pour déterminer librement le prix des services. Avec l’arrivée de plusieurs concurrents dans le service de l’interurbain, le CRTC en 1998 s’est retiré de ce marché et laisse ce dernier déterminer les prix. Ainsi, aujourd’hui, les titulaires comme Bell et Telus n’ont plus à faire approuver leurs tarifs d’interurbain par le CRTC et peuvent donc offrir ces services librement sur le marché. Ouverture de la concurrence dans le marché local. La Décision 94-19 prévoyait l’ouverture de la concurrence dans le marché de la téléphonie locale et c’est la raison pour laquelle le CRTC a tenu de longues audiences sur les divers éléments qui allaient lui permettre de déterminer les règles qui allaient encadrer cette concurrence. Suite à ces audiences, le CRTC en 1997 rend une autre décision majeure (la Décision de télécom CRTC 97-8) sur l’ouverture de la concurrence dans le marché local. La décision du CRTC repose sur quelques grands principes qui sont encore fondamentaux pour les règles qui gouvernent la concurrence dans le marché local. Un premier principe est celui de la concurrence à travers des infrastructures plutôt que par des mécanismes tels que la revente de services loués aux titulaires. Le CRTC a plutôt favorisé une approche visant à créer de la valeur pour les utilisateurs et donc à inciter des entreprises à investir dans des installations pour desservir une clientèle sur le marché local. Notamment, le régulateur voyait la possibilité pour une entreprise d’offrir à travers le marché local, un groupement de services aux clients. Un autre principe est celui du co-transporteur, c’est à dire l’égalité entre les transporteurs qui s’adressent à la clientèle. Les nouveaux concurrents ont ainsi un statut égal à celui des titulaires et ne peuvent pas faire l’objet d’une discrimination. Par exemple, si un client change de transporteur, il peut conserver son numéro de téléphone. En plus, les appels téléphoniques qui doivent être échangés entre concurrents locaux pour arriver à leur destination sont échangés dans un contexte de compensation mutuelle, un modèle équitable qui retrouve son ultime expression dans le régime de facturation-conservation3 instauré par le CRTC. Enfin, un autre grand principe a trait à la neutralité de la technologie. Les concurrents peuvent utiliser la technologie de leur choix pour accéder à leur clientèle locale, par exemple en passant par un réseau de câble coaxial, un réseau sans-fil ou même en louant des boucles locales en cuivre des compagnies titulaires. Cette neutralité de la technologie s’applique aussi aux choix des méthodes de commutation et des protocoles de transmission sur le marché local. Ainsi, les titulaires peuvent avoir choisi certains types de commutateurs alors que les nouveaux concurrents qui desservent leur propre clientèle locale, peuvent choisir un autre fournisseur d’équipement avec une technologie
                                                2Le “forbearance principle” en anglais. 3Le « Bill and Keep » en anglais.
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différente. Ce principe demeure donc fondamental au moment où il devient possible d’offrir des services VoIP aux clients de téléphonie locale. Compte tenu de ces grands principes, le CRTC a toutefois reconnu que tout transporteur qui entre en concurrence dans le marché local reste dépendant dans une plus ou moins grande mesure des installations omniprésentes des titulaires, et donc aura besoin d’une certaine protection au niveau des tarifs qui leurs seront facturés de façon à éviter des pratiques anticoncurrentielles. Pour assurer cette protection pour tout transporteur qui utilise les installations des titulaires, ces derniers ont dû dégrouper leurs actifs de façon à identifier les coûts et leurs installations et équipements servant à offrir les services aux concurrents. Les principaux points de cette décision qui demeurent encore importants dans le contexte des offres de services VoIP peuvent se résumer ainsi : ƒ Contrairement à l’approche suivie par la FCC aux États-Unis et en conformité avec le principe de la concurrence à travers des infrastructures, le CRTC n’impose pas aux titulaires l’obligation d’offrir des tarifs de gros sur la boucle locale qui aurait favorisé l’apparition de revendeurs comme ce fût le cas sur le marché interurbain. La formule d’établissement des tarifs que les titulaires pourront charger aux nouveaux concurrents reconnaît que les titulaires peuvent récupérer une bonne partie de leurs coûts historiques. ƒ Les titulaires doivent ouvrir physiquement leurs installations locales à d’éventuels concurrents qui pourront ainsi mettre en place leurs équipements pour offrir des services locaux concurrents. ƒ Les prix que les titulaires peuvent charger à des nouveaux concurrents pour l’utilisation de leur réseau local sont soumis à un régime de prix-plafonds pour éviter des pratiques anticoncurrentielles. Le régime de prix-plafonds vient remplacer celui de la régulation du rendement des titulaires. ƒ De plus, les prix que les titulaires peuvent charger à leurs clients pour le service local sont soumis à un régime de prix-planchers pour éviter à nouveau des pratiques de prix d’éviction qui feraient en sorte que les nouveaux concurrents seraient incapables d’offrir des prix compétitifs. Les titulaires pourraient à travers les multiples services qu’ils offrent interfinancer des pertes sur des services sur la boucle locale en facturant des prix à leurs clients en dessous de leurs coûts de manière à bloquer l’entrée de nouveaux concurrents sur le marché local. Ainsi, les titulaires doivent se soumettre à des tests d’imputation qui visent à s’assurer que les tarifs facturés à leurs clients dans un contrat couvrent les coûts tels qu’établis devant le régulateur et approuvés par ce dernier. ƒ En vertu du critère de « l’accessibilité »4selon lequel la téléphonie est un service de base qui doit donc être abordable pour tout citoyen, le CRTC s’est refusé à ramener complètement les tarifs du service local résidentiel au niveau des coûts des titulaires de sorte que les tarifs résidentiels pour certains services locaux                                                 4» plus près de l’anglais « affordable ».On utilise aussi le terme « d’abordabilité
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demeurent encore interfinancés par des autres services des titulaires ou encore des autres fournisseurs de services. Les concurrents sur le marché interurbain continuent de participer à cet interfinancement en payant des frais de contribution. Ces contributions sont versées dans un fonds auquel auront accès les nouveaux concurrents dans le marché local qui offriront des services à des clients bénéficiant déjà d’un tarif interfinancé. Une formule complexe permet d’établir le montant auquel aura droit un nouveau venu sur la boucle local. Cette subvention tente à assurer des conditions d’équité pour les nouveaux concurrents dans le marché local. Ainsi, l’ouverture de la concurrence sur le marché local s’est faite à travers un processus assez complexe s’accompagnant de règles multiples. Ces règles visent à tenir compte de l’économique des réseaux découlant de la situation antérieure de monopole des titulaires. Elles visent aussi à donner aux entreprises qui veulent entrer dans ce marché des conditions équitables. C’est un équilibre qui est difficile à atteindre et la complexité des règles reflète cette situation. La suite des événements démontrera justement que même avec ces règles, pénétrer le marché de la téléphonie locale est difficile au plan économique puisque ceux qui ont tenté de le faire n’ont en général pas eu de succès. Au cours de cette période de déréglementation et de progrès technologique, le sans-fil a aussi fait des avancés importants, notamment avec l’arrivée de la technologie numérique et la possibilité de faire des échanges de données électroniques. Les tarifs dans ce segment du marché des télécommunications sont déterminés par les forces du marché. Toutefois, la terminaison des appels sur la boucle locale lorsque l’appelant communique avec un abonné au service filaire fait l’objet d’une réglementation. Le tarif d’interconnexion pour accéder à la boucle locale doit être approuvé par le CRTC et couvrir les coûts des titulaires présentés devant le CRTC. Les fournisseurs d’accès Internet. Après une certaine résistance face à la venue des fournisseurs de services Internet (FSI) au milieu des années 90, les titulaires vont conclure de gré à gré à la suite d’une invitation du CRTC des ententes d’interconnexion sur la boucle locale avec les FSI visant à éviter le processus coûteux d’audiences. Les titulaires vont aussi devant la poussée formidable de cette technologie lancer leur propre service d’accès à l’Internet. Les câblodistributeurs suite à la Décision 94-19 peuvent également offrir ces services. Leur technologie va leur permettre d’offrir rapidement des accès à haute vitesse plus performants que les lignes de cuivre des titulaires. Cette concurrence technologique va amener les titulaires à accélérer le déploiement de leur technologie haute vitesse (la ligne d’abonné numérique ou DSL) et va aussi contribuer à créer de la concurrence au niveau des prix. La communication vocale sur protocole Internet. Depuis la fin des années 90, on entendait dire que la communication vocale sur protocole Internet allait bientôt arriver, mais divers problèmes techniques devaient être résolus
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avant de lancer le service. Diverses expériences pilotes ont eu lieu, mais aucun transporteur au Canada n’avait offert le service. Puis, l’arrivée sur le marché de la petite compagnie Vonage, d’abord aux États-Unis puis au Canada, a eu l’effet d’un électrochoc sur l’industrie des télécommunications. Le modèle d’affaires de Vonage est semblable à celui d’un revendeur puisque l’entreprise ne possède pas d’infrastructures et compte sur les accès Internet haute vitesse offerts par les FSI pour offrir ses services. L’arrivée de Vonage a incité d’autres concurrents au Canada comme Primus à offrir des services VoIP comparables. Ces entreprises offrent un appareil ATA5qui se branche sur une connexion Internet haute vitesse et sur le téléphone conventionnel et permet au client de faire ses appels sur le réseau Internet. Il faut voir ici que les entreprises comme Vonage qui ne possèdent pas de réseau de transport sont à la remorque du rythme de déploiement des accès Internet haute vitesse. S’il n’y pas de transporteur qui offre aux usagers des accès Internet haute vitesse, ils ne sont pas en mesure d’offrir leur service. On peut donc parler ici defournisseurs de services VoIP sur le réseau Internet public. Ce modèle d’affaires semblable à celui d’un revendeur peut donc poser différents problèmes pour les clients dont nous parlons plus loin. Les entreprises possédant des infrastructures comme les titulaires ou encore les câblodistributeurs peuvent offrir des services VoIP sur leur propre réseau et gérer le développement du service par des investissements en équipements fournissant de la haute vitesse et peuvent aussi développer divers services en fonction des besoins de leur clientèle. Par exemple, on peut dire que les câblodistributeurs qui possèdent un réseau complet pour desservir leurs clients peuvent offrirdes services VoIP sur réseau géré. Il s’agit d’un modèle d’affaires complètement différent et qui connaît actuellement un développement important et dont nous examinons les implications plus loin. Vidéotron et Shaw offre déjà le service sur une partie de leurs réseaux. À cet égard, les autres entreprises possédant des infrastructures ont déjà réagi face à cette concurrence et ont annoncé à leur tour des offres de services VoIP, en particulier pour les services aux entreprises. Conséquences de la technologie VoIP. La technologie VoIP a plusieurs conséquences sur l’ensemble de l’industrie des télécommunications et sur l’utilisation d’Internet dans l’ensemble de l’économie. Les plus importantes conséquences peuvent se présenter ainsi : ƒ en raison de la technologie sur protocole Internet qui permetLes services VoIP, d’envoyer des messages par paquets, sont nettement moins coûteux que la téléphonie traditionnelle qui doit monopoliser une ligne entière pour permettre à deux intervenants d’échanger une conversation. Avec la technologie VoIP, il passe plusieurs conversations à la fois sur un segment du réseau et donc les coûts par octet échangé est plus faible. Après la concurrence dans l’interurbain, la technologie VoIP va donc à son tour imprimer une tendance à la baisse des prix de la téléphonie.                                                 5« Analogue Telephone Adaptor ».
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