Exégèse de désastre. Iéna, la crise de l état prussien et la genèse du romantisme - article ; n°4 ; vol.1, pg 306-313
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Exégèse de désastre. Iéna, la crise de l'état prussien et la genèse du romantisme - article ; n°4 ; vol.1, pg 306-313

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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1946 - Volume 1 - Numéro 4 - Pages 306-313
8 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1946
Nombre de lectures 23
Langue Français

Extrait

Henri Brunschwig
Exégèse de désastre. Iéna, la crise de l'état prussien et la
genèse du romantisme
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 1e année, N. 4, 1946. pp. 306-313.
Citer ce document / Cite this document :
Brunschwig Henri. Exégèse de désastre. Iéna, la crise de l'état prussien et la genèse du romantisme. In: Annales. Économies,
Sociétés, Civilisations. 1e année, N. 4, 1946. pp. 306-313.
doi : 10.3406/ahess.1946.3236
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1946_num_1_4_3236EXÉGÈSE DE DÉSASTRE
IÉNA, LA CRISE DE LÉTAT PRUSSIEN
ET LA GENÈSE DU ROMANTISME l
L'effondrement de la Prusse après Iéna : une surprise pour toute-
l'Europe. On s'étonna du manque de cohésion d'une armée célèbre par
sa discipline, de la désorganisation d'un système administratif réputé
pour la valeur de ses fonctionnaires et, surtout, des signes de désaffec
tion donnés par un peuple dont le loyalisme était proverbial. Comment
s'expliquer cet effondrement, sinon en reconsidérant l'édifice, dont,
après Kover, toute une génération d'historiens a minutieusement étudié
les rouages ? Puis en décrivant les principaux aspects d'une crise qui,
s'attaquant à l'économie et à l'équilibre social, transforma la mentalité
populaire et s'exprima, par la plume des intellectuels, en un langage
nouveau. ♦
En apparence, ce sont l'armée et l'administration qui caractérisent
l'Etat prussien à la fin du xviir3 siècle. Mais, ce qui le rend incompar
able aux autres puissances, c'est un dépouillement méthodique de la
presse, des mémoires, des études politiques ou économiques publiées
entre la fin du règne de Frédéric II et la catastrphe de 1806, — qui,
seul, permet d'en prendre lentement conscience.
Le trait le plus étonnant est le partage qui s'est opéré dans les
esprits, d'une part entre l'administration et l'armée, — c'est-à-dire le
gouvernement de l'Etať, — et, d'autre part, les autres domaines divers
de l'activité humaine.
Fait du roi, le gouvernement suppose la pratique d'un ensemble de
techniques auxquelles la majorité des citoyens ne s'intéresse pas Qu'une '
institution fonctionne mal, on ne se gêne pas pour le proclamer, mais
on laisse le prince y remédier. C'est son rôle. Frédéric II a trop sou
vent revendiqué son « métier de roi » pour qu'on ne le lui abandonne
1. Notre collalborateur Henri Brunsohwig a soutenu brillamment ses thèses
en Sorbonně, en avril 1946. Les rigueurs du temps font que son travail n'a pas
encore <pu être imprimé. A défaut de compte rendu critique, nous insérons dans
les Annales l'exposé qu'a fait M. devant son jury de thèse. Il donnera
une juste idée die ce que renferme son livre en cours d'impression Livre qui
pose bien des questions : celle des rapports de la littérature avec la vie politique
et sociale ; mais aussi, en dernière analyse, celle des contrastes de Ha mentalité
prussienne et de la mentalité française. (iNote de la Direction.) IENA E'T LA CFxISE DE L'ETAT PRUSSIEN 307
pas. Un exemple illustre admirablement cette attitude : dans l'Europe
entière l'opinion s'inquiète des réformes économiques urgentes ; les
physiocrates, en France, et. les militaristes, en Angleterre, poussent
les particuliers à changer de 'méthodes ; la révolution agricole trouble
les classes populaires ; le progrès de l'industrie et du commerce enfièvre
les bourgeois de tout l'Occident ; seuls, les Prussiens ne songent pas à
discuter le mercantilisme traditionnel. S'ils déplorent l'insuffisance des
méthodes appliquées à l'économie, ce n'est point pour agir en se substi
tuant au roi. Ils lui font confiance. Jamais d'initiative : ceci paraît vrai
de l'Allemagne entière. Le pays des Fugger et des Hanšéates est de\emi
un ensemble de petites mécaniques fonctionnant en vase clos. Personne
en Prusse ne s'élève au-dessus du cercle de ses occupations, de l'artisanat
local ou du petit commerce. Si le pays possède des industries nouvelles,
soieries, horlogerie, porcelaine, c'est que le roi les a créées. Si les com
pagnies de commerce et de navigation s'organisent, si les banques et le
crédit se développent, c'est que le gtouvernèment les impose eť les
subventionne Rarement, très rarement, ses appels sont entendus par les
particuliers. Et si, en dernière analyse, la banque et le commerce tombent
1 aux mains des Juifs ou des Huguenots, c'est parce que le gouvernement
possède des moyens de pression plus efficaces sur des sujets de catégorie
inférieure, auxquels la législation interdit la plupart des autres activités,
ou sur les immigrés qui importent précisément les industries de luxe,
dont les masses populaires n'ont pas besoin.
Cette indifférence aux problèmes de la politique, cette discipline et
cette confiance dans le souverain sont peut-être dues aux nombreux réfugiés
accourus de toutes parts depuis le début du siècle. Ils ont été bien
accueillis par les Hohenzollern. Leur loyalisme est inébranlable. Et,
d'autre part, ils ont émigré 'pour conserver leur foi ; ils vivent surtout
pour faire leur salut Ils ont tendance à dédaigner les contingences, les
réalités concrètes Et cela, même quand leur idéal n'est pas spécifiqu
ement religieux, mais philosophique, même quand leur activité les oriente
vers les industries nouvelles.
Or, de par la supériorité de leur culture, leur influence est incon
testable sur les élites des villes où ils se sont établis La bourgeoisie
prussienne n'est pas capitaliste ; elle est morale, intellectuelle. Elle
gravite autour des cures, des universités, des académies.
Les campagnes sont dominées par des hobereaux, peu cultivés et
généralement habitués à la discipline militaire ; on n'y rencontre pas
davantage d'opposition aux pratiques administratives, lorsqu'elles ne
heurtent pas de front les privilèges traditionnels Vers 1800, 27 pour 100
seulement des propriétaires de la Marche électorale n'ont pas servi dans
l'armée ou dans l'administration Us régissent leurs paysans, en partie
anciens « cantonistes », et poursuivent une existence isolée dans le
cercle des occupations saisonnières. ^
Les pratiques administratives d'ailleurs, pour être défectueuses, ne
sont pas scandaleuses à la façon des épices ou de l'hérédité de charges
sans cesse multipliées et vendues
Ce partage et cette passivité dans le domaine de la technique admin
istrative définissent le despotisme éclairé. C'est parce qu'il admet la
lumière de la critique que l'État prussien n'est pas tyrannigue. Mais
cest aussi parce qu'il n'est pas tyrannique que la critique ne s'attaque ses* Elle a son domaine propre, que les princes institutions. guère à 308 ANNALES
respectent Le loyalisme des Prussiens a pour corollaire une activité
passionnée sur le terrain moral et religieux.
II
Frédéric H l'a dit et répété : « II est de toute évidence que le
souverain n'a aucun droit sur la façon de penser des citoyens. » Dans
son Essai sur tes formes de gouvernement et les devoirs des souverains,
il précise admirablement ce partage entre l'État et ses sujets : « Les
hommes, écrit-il, ont dit à un homme, leur semblable : Nous avons
besoin de vous pour maintenir les lois auxquelles nous voulons obéir,
pour nous gouverner sagement ; du reste, nous exigeons que vous
respectiez notre liberté. »
Même idée chez les hauts fonctionnaires Et pas seulement chez des
théoriciens, — Kant, professant à Koenigsberg le double devoir de
chacun, devoir du citoyen qui obéit et de l'homme qui juge, qu Hertz-
berg, dissertant devant l'Académie de Berlin, — mais aussi chez ceux
qui collaborent avec le roi dans le règlement des affaires quotidiennes.
Tel >on Heinitz, ministre des Mines et membre du Cabinet royal, qui
proteste contre une décision du souverain en expliquant : « C'est mon
devoir d'obéir Mais mon serment m'engage aussi à dire ce que j'aurais
dit si je n'étais pas ministre, mais simple particulier. » Cette conception
est si répandue

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