Idéologies du développement et développement de l idéologie - article ; n°57 ; vol.15, pg 5-30
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Idéologies du développement et développement de l'idéologie - article ; n°57 ; vol.15, pg 5-30

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Description

Tiers-Monde - Année 1974 - Volume 15 - Numéro 57 - Pages 5-30
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1974
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Guy Caire
Idéologies du développement et développement de l'idéologie
In: Tiers-Monde. 1974, tome 15 n°57. pp. 5-30.
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Caire Guy. Idéologies du développement et développement de l'idéologie. In: Tiers-Monde. 1974, tome 15 n°57. pp. 5-30.
doi : 10.3406/tiers.1974.1983
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1974_num_15_57_1983DE L'IDÉOLOGIE PERTINENCE
IDÉOLOGIES DU DÉVELOPPEMENT
ET
DE L'IDÉOLOGIE
par Guy Caire*
L'idéologie est à la mode; c'est là une relative nouveauté dans le
domaine des sciences humaines (i). Mais la diffusion du concept n'en
facilite guère la compréhension qui demeure ambiguë (2). Gurvitch
n'en distinguait-il pas naguère au moins quatorze significations possibles ?
En simplifiant outrancièrement, on peut cependant mettre l'accent sur
trois connotations, privilégiées parce que finalement complémentaires.
— L'idéologie est d'abord un ensemble de représentations : « concept
ion du monde qui se manifeste dans toutes les manifestations de la
vie individuelle et collective » (3), « doctrine des plus générales ne laissant
aucune part du réel hors de son atteinte et prétendant enfermer tout
l'essentiel de celui-ci dans la cohérence de ses concepts » (4), « système
* Professeur à l'Université de Paris X Nanterre.
(1) Dans son utile plaquette M. Vadée note que ce ne sont que les plus récents diction
naires et encyclopédies qui réparent les silences de leurs prédécesseurs (U idéologie, Presses
Universitaires de France, « Dossiers Logos », 1973, p. 5).
(2) Cette ambiguïté nous paraît devoir être la conséquence de trois phénomènes. Le
premier est la multiplicité des définitions dont la recension, pour intéressante qu'elle puisse
être, donnerait vraisemblablement d'une manière rapide l'impression d'entrer dans le domaine
des travaux à rendements décroissants. Le second est la diversité des disciplines concernées
qui, de l'ethnologie à la psychanalyse, charrient chacune leurs préoccupations propres. Le
troisième, de loin le plus essentiel, est la variété des problématiques qui conditionnent
l'approche des champs idéologiques et constituent aujourd'hui autant de strates géologiques
pour l'enquêteur : au courant marxiste, le plus profond et aussi le plus fécond, s'ajoutent
en effet le courant irrationnaliste (Niet2sche, Sorel, Pareto), le courant freudien et l'apport
de Mannheim.
(3) Gramsci, Œuvres choisies, Editions Sociales, 1959, p. 47.
(4) M. David, Les travailleurs et le sens de leur histoire, Cujas, 1967.
5 GUY CAIRE
global d'interprétation du monde historico-politique » (i), « complexe
d'idées ou de représentations qui passe aux yeux du sujet pour une
interprétation du monde ou de sa propre situation » (2). Dans cette
première perspective, l'idéologie qui se situe au niveau de la vision
schumpetérienne organise la totalité du discours de la société sur
elle-même; le principe de sa cohérence est à rechercher dans ce que
Althusser appelle la problématique du sujet.
— L'idéologie est ensuite, comme le mythe sorelien, une force de
mobilisation des énergies : ayant pour fonction de « donner des direc
tives individuelles et collectives » (3), « désignation efficace d'une
œuvre collective proposée consciemment à une élite politique » (4)
et, comme telle, substitut possible de la contrainte publique, « ensemble
d'assertions contenant des évaluations sur la distribution du pouvoir
au sein de la société » (5). Dans cette seconde perspective, l'idéologie est
finalisée par l'action vers laquelle elle débouche, apparaissant, de ce
fait, comme « un corps de doctrine destiné à parer d'une justification
d'apparence logique les sentiments qui inspirent l'action politique (6).
— L'idéologie est enfin opacification du réel : « discours
lacunaire » (7), « déguisement plus ou moins conscient de la nature réelle
d'une situation » (8), se caractérisant « moins par son contenu (son
aire de compétence) ou sa distribution (superstructure de communic
ation) que par sa capacité d'occultation du réel » (9). Apologétique
et automystificatrice, servant souvent à maintenir et justifier les struc
tures existantes, l'idéologie relève, dans cette troisième perspective,
du statut de la « fausse conscience » ainsi que l'admet, à la suite de
Lukács (10), tout un courant marxiste.
Doit-on choisir entre l'une ou l'autre de ces conceptions ? Il ne le
semble pas pour plusieurs raisons. Tout d'abord il serait dangereux
de vouloir privilégier telle ou telle acception, ce qui conduirait les
(1) R. Aron, Trois essais sur l'âge industriel, Pion, 1966.
(2) K. Jaspers, Origine et sens de l'histoire, Pion, 1954.
(3) M. Rodinson, Sociologie marxiste et idéologie marxiste, Dogène, octobre-décem
bre 1968.
(4) F. Perroux, Economie et société, Presses Universitaires de France, i960, p. 89.
(5) N. Birnbaum, Toward a critical sociology, Oxford University Press, 1971, p. 34.
(6) G. Perrin, Sociologie de Pareto, Presses de France, 1966, p. 172.
(7) F. Chatelet, Science et idéologie, in Dialectique marxiste et pensée structurale, Les
Cahiers du Centre d'Etudes socialistes, n08 76-81, p. 186-188.
(8) K. Mannheim, Ideology and Utopia, Roulledge and Kegan, 1954, p. 49.
(9) D. Vidal, Essai sur l'idéologie (Ed. Anthropos, 1971, p. 24).
(10) Histoire et conscience de classe, Ed. de Minuit, i960. DU DÉVELOPPEMENT IDÉOLOGIES
uns à ne voir que « prédilections » là où d'autres pensent tenir un véri
table discours scientifique. Ensuite il convient de remarquer que,
dans une vision du monde comme le marxisme, ces trois acceptions sont
compatibles entre elles à un certain niveau d'analyse. Enfin les trois
orientations qui se trouvent esquissées et qu'on nous pardonnera de
baptiser effets de structuration, de polarisation et de travail de la pensée
nous paraissent toutes trois indispensables à la compréhension du
phénomène. Ambiguë sans doute (i), englobante cependant et per
mettant, de ce fait, de faire les frais d'une idéologisation de l'idéologie,
mais sans toutefois se référer à un impossible idéal-type synthétique (2),
l'idéologie sera entendue provisoirement et sans formuler de jugement
de valeur a priori sur sa portée véritable comme un « système possédant
sa logique et sa rigueur propres de représentations (images, mythes,
idées ou concepts suivant les cas) doué d'une existence et d'un rôle
historiques au sein d'une société donnée » (3). C'est l'idéologie entendue
en ce sens qu'il faut essayer d'appliquer au domaine du développement (4).
Les termes étant situés, il reste à déterminer une problématique.
(1) On ne peut que reprendre à son compte les remarques de Y. Benot : « II faut reconn
aître l'ambiguïté que revêt dans la période actuelle le terme même d'idéologie dont nous
avons jusqu'ici usé sans précaution : l'idéologie peut tout aussi bien être l'édification de
constructions théoriques strictement destinées à masquer les déceptions d'une réalité poli
tique trop lente à se mouvoir, ou la déformation de cette réalité, un effort pour détourner
l'attention des failles et des échecs, ou au contraire l'élaboration du système de pensée politique
qui exige une orientation révolutionnaire, avec tout ce que cette élaboration comporte à la
fois de recherche scientifique et de projection, dans l'avenir proche, d'un idéal » {Idéologies
des indépendances africaines, Maspero, 1972, p. 27), et encore « Idéologie est un mot employé
dans ce livre avec quelque approximation, dans des sens différents; mais on ne risque pas
de confondre l'idéologie, ensemble d'objectifs et de valeurs idéaux, assurant la cohésion
d'un groupe en lutte et qui sont une anticipation à partir des données scientifiques acquises
et l'image mystifiée, déformée, renversée de la réalité renversée dans un miroir intellectuel
truqué. Au demeurant, quelque désinvolture à l'égard de la terminologie n&#

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