Image picturale et image littéraire dans le nocturne romantique. Essai de poétique inter textuelle - article ; n°49 ; vol.15, pg 47-65
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Description

Romantisme - Année 1985 - Volume 15 - Numéro 49 - Pages 47-65
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 34
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Christian La Cassagnère
Image picturale et image littéraire dans le nocturne romantique.
Essai de poétique inter textuelle
In: Romantisme, 1985, n°49. pp. 47-65.
Citer ce document / Cite this document :
La Cassagnère Christian. Image picturale et image littéraire dans le nocturne romantique. Essai de poétique inter textuelle. In:
Romantisme, 1985, n°49. pp. 47-65.
doi : 10.3406/roman.1985.4731
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1985_num_15_49_4731Christian LA CASSAGNERE
Image picturale et image littéraire dans le nocturne romantique.
Essai de poétique inter-textuelle.
En épigraphe à cette étude sur l'image romantique, on invoquera ce
texte, à mi-chemin entre auto-analyse et poésie, inscrit par Coleridge
dans un de ses Carnets, une nuit d'avril 1805 :
« Quand, songeur, je regarde les objets de la nature, telle cette lune là-bas qui
luit obscurément à travers la vitre embuée, il me semble plutôt chercher, à vrai
dire solliciter, un langage symbolique touchant quelque chose en moi qui existe
déjà et à jamais, qu'observer quelque chose de nouveau. Et dans ce dernier cas,
j'ai toujours le sentiment obscur que ce phénomène nouveau est la vague résur
gence d'une réalité oubliée ou cachée de mon être intime ».
Remarquable théorie vécue de l'image, pertinente à l'ensemble du
romantisme, en ce sens qu'elle esquisse les traits fondamentaux d'un
genre essentiel du discours romantique : le nocturne. Dans la poétique
du nocturne, telle qu'elle est esquissée par la méditation coleridgienne,
l'image n'est plus convoquée par la parole souveraine et homogène
d'une conscience occupée à « illustrer » les signifiés de son discours (on
se rappelle l'esthétique néoclassique de néoclassique de Dryden ou de
Johnson et ses assertions sur la production raisonnée de l'image) : elle
va être rencontrée au détour d'une rêverie par un sujet qui n'en maîtrise
ni le surgissement ni le sens, et confrontée comme une énigme dans un
scénario poétique où le moi - le « je » évoluant dans le tracé sinueux
de la phrase coleridgienne — tente d'approcher un espace « oublié » ou
« caché » derrière l'image et qui se signifie à travers elle. Espace trouble,
ambigu — et c'est là l'autre intuition majeure que livre la note de Cole
ridge - puisque l'image lunaire qui le manifeste se présente au regard de
l'autre côté de la vitre embuée, comme un « là-bas » étranger au sujet et
à la chambre où il rêve, tout en renvoyant paradoxalement à un ici, une
immanence — « quelque chose en moi qui existe déjà ».
C'est dans l'intuition de ce là-bas intérieur, dans le sentiment de cet
te nuit derrière la vitre qui est à vrai dire moi-même en tant que dérobé
à moi-même, que prend racine le nocturne. Le nocturne est ainsi, avant
tout, ouverture — « vitre » — à cet espace ambigu, attente des images,
nouvelles et déjà-vues, qui en surgiront et dont la manifestation sera
(1) The Notebooks of S. T. Coleridge, éd. K. Coburn, vol. II, London : Routledge
and Kegen Paul, 1961, n° 2546. Christian La Cassagnère 48
donc toujours susceptible de se charger de cette qualité « fantastique »
qui est, nous a appris Freud, la marque du Unheimliche, à savoir l'an
goisse qui s'empare du moi lorsque celui-ci se trouve confronté à ce un-
heimlich pourtant heimlich, à l'étranger « de la maison » — dont Cole
ridge, il faut le noter, donne quasiment en 1 805 une définition prophé
tique — autrement dit (en termes analytiques) le « refoulé » ou le « su
rmonté » qui était autrefois partie intégrante du moi et qui, devenu
monstrueux du fait de son refoulement, provoque l'angoisse dès lors
qu'il fait retour sous forme fantasmatique ou par le détour des choses2.
La démarche du nocturne romantique est la mise en scène de ces
retours : sollicitation des fantasmes — que la sérénité néoclassique en
tendait maintenir en deçà du discours —, accueil de leurs scénarios et de
leurs monstres en des figures qui leur donneront forme et les offriront
au regard ; et finalement, par cela-même qu'il y a — fût-elle plas
tique ou verbale — et regard, maîtrise relative et jouissance de ces fan
tasmes à travers leur mise en scène dans le système d'images que cons
titue le texte linguistique ou le texte pictural : bref à travers une poéti
que du nocturne. Composer un nocturne, c'est aller « derrière la vitre »,
dans l'espace inquiétant du déjà-vu : c'est donc aller jusqu'au bout de
l'angoisse. Mais aller jusqu'au bout de l'angoisse, c'est aussi désigner par
l'image le monstre ou la scène qui la fait naître et, en la figurant, s'en
rendre maître, « désapprendre la peur ». On songe, à cet égard, à un
texte néo-romantique (de 1855), emblématique de ce travail du noctur
ne : le poème-cauchemar de Browning, « Childe Roland to the Dark To
wer Came »3, texte où le voyageur onirique, pris au piège de l'Inquié
tante Étrangeté, fera lever sur son parcours tous les fantasmes terrifiants
qui sommeillaient dans les objets familiers d'une banale campagne an
glaise, pour enfin les maîtriser par leur désignation dans une image ver
bale qui les subsume au bout du texte — celle de l'accès à la Tour Noire.
Mais à l'autre extrémité (chronologique) du romantisme anglais, il est
un autre cauchemar, très célèbre et devenu en son temps même, en Eu
rope, un modèle du genre : le Nightmare de Fussli, ou plus exactement
cette scène obsédante que l'artiste peint et repeint sur une période de
vingt ou trente ans (le catalogue scientifique de Tout l'Oeuvre Peint de
Fussli n'en produit pas moins de sept variantes)4 et dont on retiendra
ici la version conservée au Goethe Museum à Francfort-sur-le-Main, dont
la composition semble se situer entre 1 790 et 1791. Outre sa valeur de
paradigme, la nature picturale, visuelle, de l'œuvre et de ses images la
rend a priori plus proche que ne saurait l'être une production littéraire
— comme le comprendront si bien les peintres surréalistes — de l'oni-
risme originaire de cette fantasmatique que le nocturne s'emploie à ins-
(2) Voir S. Freud, « L'inquiétante étrangeté », dans Essais de Psychanalyse Appli
quée, Gallimard, 1933, p. 163-210.
(3) Browning, Poetical Works 1833-1864, Oxford University Press, 1970, p. 614-
21. Trad. L. Cazamian dans R. Browning, Hommes et Femmes, Aubier, 1938, p.
152-166.
(4) Voir Tout l'œuvre peint de Fussli, « Les Classiques de l'Art », Flammarion,
1980, n° 88 a, 88, 89, 188, 310, 311. nocturne romantique 49 Le
crire. C'est donc à travers un déchiffrement de cette peinture-cauche
mar que l'on pourrait fonder la description d'une poétique intertex
tuelle du genre.
D'emblée le tableau de Fùssli manifeste son essence fantasmatique
de par l'intense dramaticité, voire narrativité, dont il se charge en s'im-
posant comme « moment » d'un scénario, ce qui est précisément le pro
pre du fantasme qui est à la base, on le sait, une action de rêve jouant
l'accomplissement d'un désir (ou d'une angoisse) du sujet. Mais le sujet-
producteur du rêve est lui-même, semble-t-il, mis en scène dans le ta
bleau, en la personne de la dormeuse au premier plan. Et cette inclusion
de la rêveuse dans l'image picturale est déjà, au cœur de celle-ci, une
troublante transgression de toute logique narrative : car elle nous met à
même de voir, dans le même espace représenté, à la fois ce que voit la
dormeuse dans son rêve (les deux figures terrifiantes du Cauchemar, en
haut) et la dormeuse elle-même, qui semble donc tout à la fois, irration-
nellement, sujet, foyer narratif détenteur du « point de vue », et objet
de la vision laquelle semble donc renvoyer à un autre foyer qui ne serait
plus la dormeuse. Et ce trouble de la focalisation, qui constitue peut-
être le monstre (structural) le plus subtil du tableau de Fussli — monstre
d'autant moins réductible qu'il n'est pas, celui-là, dans le représenté du
champ plastique mais dans la représentation elle-même et dans le regard
impen

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