L affiche révolutionnaire soviétique (1918-1921) : mythes et réalités - article ; n°4 ; vol.59, pg 719-740
27 pages
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L'affiche révolutionnaire soviétique (1918-1921) : mythes et réalités - article ; n°4 ; vol.59, pg 719-740

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Description

Revue des études slaves - Année 1987 - Volume 59 - Numéro 4 - Pages 719-740
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 45
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monsieur François-Xavier
Coquin
L'affiche révolutionnaire soviétique (1918-1921) : mythes et
réalités
In: Revue des études slaves, Tome 59, Fascicule 4. Tome 59, fascicule 4. pp. 719-740.
Citer ce document / Cite this document :
Coquin François-Xavier. L'affiche révolutionnaire soviétique (1918-1921) : mythes et réalités. In: Revue des études slaves,
Tome 59, Fascicule 4. Tome 59, fascicule 4. pp. 719-740.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1987_num_59_4_5690L'AFFICHE REVOLUTIONNAIRE SOVIÉTIQUE (1918-1921)
MYTHES ET REALITES
PAR
FRANÇOIS-XAVIER COQUIN
Qui ne connaît les affiches de la Révolution et de la guerre civile, objet ces
derniers temps, à l'étranger, d'une attention renouvelée1 ? Surgies, nous assure-t-on,
dès les premiers jours d'octobre, et constamment vénérées depuis lors en U.R.S.S.
comme « l'une des pages les plus lumineuses et les plus attachantes » de toute
l'histoire de l'art soviétique, elles n'ont plus cessé d'être créditées ď« un rôle
d'agitateur et de propagandiste incomparable »2. Que l'on en juge : « collées dans
les rues et sur les places des villes et des villages, les affiches appelaient à lutter
activement contre l'Intervention étrangère et les gardes blancs, contre les profiteurs
et les tire-au-flanc [...] ; elles tournaient l'ennemi en dérision, renforçaient la foi en
la victoire, et, complétées d'un texte incisif, eurent une influence mobilisatrice
exceptionnelle3 ».
Mobilisé au service de la cause bolchevique, l'art descendait dans la rue et faisait
éclater les genres traditionnels : « pour la première fois dans l'histoire, l'affiche
n'était plus destinée à la réclame [commerciale], mais à la défense de la révolution
et des masses, [...] elle devenait l'expression de la propagande révolutionnaire et un
langage d'une féroce dérision4 ». Ainsi prenait naissance, au milieu de difficultés
sans nombre, un genre nouveau : l'affiche révolutionnaire, qui marquait l'avènement
1. Dont témoigne, entre autres, l'exposition organisée en 1982 par les soins dela Biblio
thèque de documentation internationale contemporaine. On trouvera dans le petit catalogue de
cette exposition (Affiches et imageries russes : 1914-1921) une bibliographie sommaire. Entre
tous, l'ouvrage de référence reste celui de B. S. Butnik-Siverskij, Советский плакат эпохи
гражданской войны : 1918-1921, M., 1960, qui donne un inventaire systématique de ces
affiches de guerre civile.
2. A. A. Fedorov-Davydov, Искусство советского плаката и политическая карика
тура в советском изобразительном искусстве (L'art de l'affiche soviétique et la caricature
politique dans les beaux-arts soviétiques), M.-L., 1948, p. 137.
3. A.G.Budrina, Уральский плакат времен гражданской войны (L'affiche de la
guerre civile dans l'Oural), Perm', 1968, p. 3. On n'oubliera pas que l'Oural avait été l'un des
premien terrains d'affrontement de la guerre civile, et le premier champ d'action de cette pro
pagande par l'affiche.
4. Ja. Tugendxoľd, Искусство октябрьской эпохи (L'art d'Octobre), L., 1930, p. 171.
Rev. Êtud. slaves, Paris, LIX/4, 1987, p. 719-740. 720 FR.-X. COQUIN
de l'art soviétique, tout à la fois démocratique, prolétarien et engagé. Tour à tour
« flambeau », « porte-parole » et « enfant » de la révolution, cette affiche s'assu
rait d'emblée le premier rang dans le monde, et servait aussitôt de modèle aux
socialistes allemands et, plus particulièrement, à travers Käthe Kollwitz, au mouve
ment communiste naissant. Par la richesse et la diversité de son contenu, cette
affiche soviétique « surclassait même infiniment » l'affiche bourgeoise tradition
nelle, en faisait éclater les cadres et contribuait, à en croire Lunačarskij, à sauver
l'art du formalisme et d'une décadence bourgeoise inéluctable1 .
Déjà, dans le passé, « les murs avaient pris la parole, et les pierres s'étaient
couvertes de réflexions » ; et le Paris de la Commune, «le Paris de la racaille, des
gueux et des prostituées, se tordait de rire devant les caricatures affichées sur les
devantures et les portes » des boutiques2 . Mais ces politiques étaient
restées l'œuvre d'initiatives privées, sans que les responsables de la Commune,
débordés par d'autres tâches, aient eu le loisir (ľeussent-ils même voulu) de prendre
les choses en main. D n'en allait plus de même avec Octobre 1917, où l'affiche
révolutionnaire était devenue « d'emblée une affaire d'État, visant, sous le contrôle
politique du Parti, à consolider la dictature de la classe ouvrière3 ».
Inutile de multiplier les exemples : depuis la fin de la guerre civile, il est admis
une fois pour toutes que ces affiches jouèrent, de pair avec la propagande imprimée,
un « rôle égal », sinon supérieur, « à la balle et à la mitrailleuse »4 , et contribuèrent
ainsi, de façon peut-être décisive, à la victoire finale. Légende ou réalité ? Est-il
possible à travers les témoignages dont nous disposons, d'évaluer le retentissement
de cette propagande par l'image et d'apprécier jusqu'à quel point l'affiche a effect
ivement rempli la mission mobilisatrice et « agitatrice » qui était la sienne ? La
question n'a que trop longtemps attendu d'être posée. Sans retenir ici les mérites
proprement artistiques de ces affiches ni leur valeur comme source, nous nous
efforcerons donc de préciser la mission confiée aux artistes et d'évaluer la diffusion
pratique de leurs oeuvres, avant de nous interroger sur Yécho que ces affiches trou
vèrent effectivement à l'époque au sein de la population.
A titre préliminaire, on notera que l'affiche n'avait guère connu dans la Russie
tsariste qu'un développement des plus modeste. Alors que l'affiche, commerciale
ou non, jouissait d'une faveur croissante dans les pays industriels dès la deuxième
moitié du XIXe siècle, il n'en allait pas de même en Russie, où l'exposition de 1897,
première en date, n'avait présenté que 28 dessins russes sur un total de 727 œuvres
exposées5 ; encore cette exposition avait-elle surtout favorisé la naissance (en 1898)
du Monde de l'art et la renaissance de l'art graphique, sans profiter réellement à
l'affiche. Aussi l'affiche russe continuait-elle — malgré le bref essor de la caricature
politique en 1905-1906 — à faire figure de parente pauvre aux expositions de
Saint-Pétersbourg (1912) et de Kiev (1913) où la décoration graphique et typogra-
1. A. V. Lunačarskij, Die Révolution und die Kunst, M., 1922, p. 27 (recueil collectif
paru pour le cinquième anniversaire de la révolution).
2. C. Mendès, les Soixante-treize Jours de la Commune, 6e éd., Paris, 1871, p. 159-160.
3. A. Guščin, « Политическая карикатура периода Парижской Коммуны » (La cari
cature politique durant la Commune de Paris), Искусство, 1934, II, p. 153.
4. V. Jagodnik, « Красноармейская печать на запфронте » (Publications de l'Armée
rouge sur le front occidental), Революция и война, XXVI, 1923, p. 106.
5 . R . Gotike, Международная выставка художественных афиш, SPb., 1 897 (catalogue
de l'exposition). LAFFICHE RÉVOLUTIONNAIRE SOVIÉTIQUE 721
phique continuait à donner le ton. La censure n'était pas seule responsable de cet
état de choses : lenteur du développement urbain et industriel, absence de clientèle
solvable, prépondérance des campagnes, acquises à l'imagerie populaire du lubok,
rien de tout cela ne jouait en faveur de l'affiche, à laquelle artistes et maisons d'édi
tion ne manifestaient qu'un intérêt distant. En dépit de quelques réussites indéniab
les, mais isolées, dont la Sylphide de Sérov, l'art russe de l'affiche restait toujours
dans l'enfance ; et les Chéret, Steinlen, Jossot,... Bradley ou Heine, n'avaient (pour
ne rien dire de Toulouse-Lautrec) guère trouvé d'émulés en Russie.
La guerre devait, à sa façon, entraîner un changement de décor : tout comme
chez les autres belligérants, elle n'avait pas tardé à susciter en Russie une prolifé
ration d'affiches en faveur soit des victimes de la guerre, soit des emprunts pour la

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