L entrepreneur moral atypique - article ; n°3 ; vol.9, pg 267-289
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Description

Déviance et société - Année 1985 - Volume 9 - Numéro 3 - Pages 267-289
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Sébastian Scheerer
L'entrepreneur moral atypique
In: Déviance et société. 1985 - Vol. 9 - N°3. pp. 267-289.
Citer ce document / Cite this document :
Scheerer Sébastian. L'entrepreneur moral atypique. In: Déviance et société. 1985 - Vol. 9 - N°3. pp. 267-289.
doi : 10.3406/ds.1985.1450
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ds_0378-7931_1985_num_9_3_1450Déviance et Société, Genève, 1985, Vol. 9, No 3, pp. 267-289 DÉBAT
L'ENTREPRENEUR MORAL ATYPIQUE
S. SCHEERER*
Tandis que les sociologues se querellent pour savoir si les parlement
aires verts et alternatifs sont à classer plutôt à gauche ou plutôt à droite (cf.
Offe 1983), si les Verts sont en quelque sorte plutôt «rouges» ou «bruns»,
la question autrefois si importante de la valeur de tout parti politique, mesu
rée selon une sorte d'« échelle d'autoritarisme» (cf. Adorno et al. 1973) est
reléguée à tort à l'arrière plan. Mais si reste pertinente la question du
potentiel d'autorité d'un courant politique, et cela précisément à une épo
que où son attractivité croît auprès d'importantes catégories d'électeurs, il
faut cependant se demander pourquoi les protestataires libertaires actuels,
tout comme les anciens, expriment aujourd'hui leur « malaise au contact et
dans la modernité» (Berger et al. 1975) de préférence en revendiquant qu'il
soit institutionnalisé, et comment leur «cadre institutionnel» (Marzahn
1983) est mis en valeur dans une attitude différente vis-à-vis des formes
répressives institutionnalisées du contrôle social.
Déjà l'analyse cursive des «nouveaux mouvements sociaux» (cf. Roth
1982) et de leur représentation parlementaire montre le champ politique de
la législation pénale, caractérisé par le nombre symboliquement élevé de
conflits thématisés (cf. Hassemer et al. 1978), atteste d'un «renversement»
par rapport aux anciens courants de protestations contre l'État et la culture.
Les nouveaux mouvements se révèlent en outre les protagonistes d'une
poussée de criminalisation, qui met fin à la phase de décriminalisation réelle
et apparente (Naucke 1984) et renverse les conceptions qui prévalaient
antérieurement, favorables au retrait du droit pénal du domaine des délits
en matière de communication et de morale.
Se développe donc le type de l'« entrepreneur moral atypique », évolu
tion légitimée par une criminologie qui se réfère aux valeurs des nouveaux
mouvements sociaux et qui, par rapport à ses « entrepreneurs » et si l'on se
réfère à Brodersen (1984), peut être caractérisée comme «un participant
silencieux ».
I. L'entrepreneur moral : le type classique. moral est connu dans la littérature sociologique
comme l'acteur central des «mouvements orientés vers la norme et les
valeurs» (Smelser 1972, p. 242 ss, p. 274 ss), lesquels constituent un sujet
Goethe Universitàt, Frankfurt am Main.
267 favori de recherche dans le cadre des théories du comportement collectif.
La tentative de procéder à partir des études à notre disposition (par exemp
le Sinclair 1962, Gusfield 1963, Becker 1973, p. 133 ssf
Zurcher/Kirkpatrick 1976, Treiber 1984) à une définition du «type parfait»
ou «idéal» de l'entrepreneur moral, nous conduit dans une première
démarche vers les plaines fertiles du centre de l'Ouest nord- américain et
nous fait revenir au début de ce siècle, à une époque où il y avait là-bas
d'innombrables campagnes non seulement contre la consommation d'alcool
(bien que ce soit le cas le plus connu), mais aussi contre les vices du tabac,
de la traite des blanches, des jeux de hasard, de la danse et de la musique de
jazz. Globalement, nous dirons avec Steinert (1976, p. 354) que les instiga
teurs de ces croisades morales étaient généralement des représentants des
petites villes américaines, qui, effrayés par l'urbanisation et les vagues
d'immigrants provenant des pays catholiques (donc non puritains et où on
boit de l'alcool) de l'Europe du Sud et de l'Est et par les moeurs douteuses
des ouvriers de l'industrie, aspirent en quelque sorte à une restitutio ad inte-
grum, exigeant qu'on généralise sous forme de loi, avec obligation qu'on s'y
soumette, leurs conceptions de la morale, mais qui, cependant, ne purent à
la longue s'affirmer contre la force du changement social. En raison de la
position ambiguë qu'ils avaient adoptée vis-à-vis de l'Etat, de la vision
dichotomique qu'ils avaient du monde et de leur engagement hautement
empreint de morale pour les « petits » contre les « grands » on peut les consi
dérer comme les représentants typiques du populisme (cf. Puhle 1983).
Le portrait type de l'entrepreneur moral est celui du petit-bourgeois,
qui, en raison du manque de clarté des processus de transformation socio
culturelle, réagit par un sentiment très profond de menace (peur névroti
que), et se concentre sur les signes marquants des groupes qu'il considère
comme des concurrents ou comme une menace. Le caractère limité de son
horizon et son incapacité à procéder à l'analyse des processus sociaux, dont
l'acteur est l'entrepreneur moral — on peut dire aussi qu'il pose naïvement
son monde, celui dans lequel il vit, comme étant tout simplement le monde
(le seul et exact) — permet facilement au sociologue de prendre une dis
tance ironique vis-à-vis de l'objet de son travail de recherche.
Cela apparaît clairement dans la façon dont Howard S. Becker (1973,
p. 133) décrit le prototype de «celui qui établit des régies», le réformateur
qui entreprend des croisades. « Les règles établies ne le satisfont pas parce
qu'il y a en elles quelque chose de mauvais qui le dérange très profondé
ment. Il a le sentiment que l'ordre ne peut régner dans le monde tant que ne
sont pas créées des règles qui viennent corriger le mal. » Le choix des mots
exprime la distance qui sépare l'intellectuel libéral du local yokel de
l'arrière-pays, la non- identification manifeste avec le membre indigne d'une
secte qui, à Middletown, aux U.S.A., brise la vitrine d'un sex-shop. Au lieu
de cela, on lui reproche, puisqu'il est prisonnier de son propre monde qu'il
ne remet pas en question, son manque de connaissance du et le
manque de relativité de ses valeurs : « II procède avec une éthique absolue ;
ce qu'il voit est vrai et est totalement mauvais, sans réserve. Le croisé est
passionné et juste, très souvent pharisien. »
268 Une autre caractéristique de l'entrepreneur moral réside dans le désé
quilibre entre les fins et les moyens. Comme ce qui l'intéresse en premier
chef c'est la fin, il n'est pas rare qu'il utilise des méthodes douteuses ou
même des méthodes contre-productives. Sa devise secrète est : « anything
goes», «peu importe la manière». Pour les questions concernant l'exécution
dans le détail, c'est-à-dire l'expertise et par exemple les détails de l'élabora
tion des lois, il s'appuie volontiers et fréquemment sur des experts ou sur
des «experts», ce qui ne le dérange pas tant qu'il parvient à reconnaître
l'objet de ses intentions dans leur production techniquement hautement éla
borée (par exemple les lois pénales). «Des avocats expérimentés jouent très
souvent ce rôle en élaborant des lois acceptables» (Becker 1973 p. 135).
Les acteurs, tels qu'ils viennent d'être décrits deviennent des entrepre
neurs quand ils essaient d'éveiller des besoins moraux, quand « d'une part ils
essaient d'accroître la prise de conscience générale des troubles de l'ordre
social en thématisant officiellement les problèmes sociaux — ou pour le
dire autrement, quand ils s'efforcent de susciter des 'besoins moraux' — et
quand, d'autre part, ils recommandent qu'on s'occupe au niveau profession
nel de ces problèmes et en particulier quand ils proposent que le produit de
leur travail professionnel ou celui de l'organisation dans laquelle ils s'int
ègrent soit une couverture de leurs besoins moraux ». Pour cela, ils doivent
«s'imposer sur le marché des réalisations

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