L expertise en écriture et l affaire Dreyfus. - article ; n°1 ; vol.13, pg 187-229
51 pages
Français

L'expertise en écriture et l'affaire Dreyfus. - article ; n°1 ; vol.13, pg 187-229

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
51 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

L'année psychologique - Année 1906 - Volume 13 - Numéro 1 - Pages 187-229
43 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1906
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Crépieux-Jamin
L'expertise en écriture et l'affaire Dreyfus.
In: L'année psychologique. 1906 vol. 13. pp. 187-229.
Citer ce document / Cite this document :
Crépieux-Jamin . L'expertise en écriture et l'affaire Dreyfus. In: L'année psychologique. 1906 vol. 13. pp. 187-229.
doi : 10.3406/psy.1906.1297
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1906_num_13_1_1297XIII
L'EXPERTISE EN ÉCRITURES
ET LES LEÇONS DE L'AFFAIRE DREYFUS
Deux mots d'histoire.
S'il était possible qu'une personne imitât parfaitement
l'écriture d'une autre, sans qu'aucun indice pût trahir la
fraude à un œil exercé, la sécurité de chacun serait menacée.
Mais, si habile que soit un imitateur d'écritures, malgré lui,
par des mouvements inconscients, il trahit dans la copie qu'il
tente, les caractéristiques de sa propre main, par des détails
typiques qui ne sauraient échapper à un examen attentif. Il y
a toujours, dans une imitation calligraphique, si parfaite
soit-elle en apparence, des dissemblances avec récriture
véritable dont elle se propose de donner l'illusion. Un savant
expérimenté ne devrait pas s'y tromper. C'est pourquoi,
lorsque, par suite de la diffusion de l'instruction, les docu
ments écrits prirent plus d'importance dans la vie sociale,
l'institution des experts en écritures s'imposa.
Les premiers vestiges de l'expertise en écriture se trouvent
dans un ancien recueil d'arrêts, du sieur Papon, au xve siècle,
et vise une affaire de faux concernant le seigneur de la
Rivière, premier chambellan du roi, en 1370.
Dans un autre livre d'arrêts de la même époque, Simon de
Pouvreau de Partenay donne plusieurs indications pour recon
naître les faux. Un écrivain juré, François Demelle, s'en inspira
pour publier un petit livre sur les inscriptions en faux, en
1609 ' . C'est le premier ouvrage connu sur les expertises en écri-
1. Advis pour juger des inscriptions en faux, ou comparaison des écri
tures et signatures, pour en faire et dresser les moyens, voir et discourir
toutes falsifications et faussetés, plans pour connaître et déchiffrer les
lettres cachées et occultes; édition troisième, revue, corrigée, augmentée,
et mise en meilleur ordre, par François Demelle, écrivain juré. A Paris
chez René Ruelle, 1609. Avec privilège du roi. Un volume in-18 de
12 feuilles préliminaires et 131 pages de texte. 188 MÉMOIRES ORIGINAUX
tures. Son intérêt est assez vif, malgré que l'auteur nous di
ssimule une partie de son savoir, « son desseing n'étant pas de
découvrir et donner l'invention à ceux qui ne connaissent rien
en fausseté, mais bien de donner les moyens de convaincre
les auteurs d'icelles ». Mauvaise raison, d'ailleurs, car celui qui
se charge de découvrir les faux a besoin de savoir comment
on les exécute.
L'auteur nous donne ensuite une indication intéressante :
« Pour se pouvoir mieux garantir et assurer de la malice de
ceux qui se voudraient servir de telles imitations, ou nier les
choses qu'ils auraient écrites ou signées, on se sert de deux
sortes de preuves. La première, c'est le témoignage de ceux
qui ont été présents à écrire et signer la cédule. La seconde
est la comparaison de lettres qui se fait par gens experts.
Jugé par arrêt du 7 janvier 1575, de laquelle comparaison
seule nous entendons parler à présent. » Cette date de 1575
paraît être celle de l'institution officielle des experts en écri
tures.
Quelques années après, en 1665, un maître écrivain,
Jacques Ravineau, publiait un Traité des inscriptions en faux1.
Ce livre curieux, et aussi rare que le précédent, fut défendu
par le parlement de 1682 comme pernicieux pour les per
sonnes qui en voudraient faire un mauvais usage. Il est, en
effet, plus explicatif que celui de Demelle. L'auteur connaiss
ait son métier et est amusant à lire.
« Cet art de vérifier (les écritures), dit-il, n'est pas toujours
infaillible ni assuré, comme le plomb dont se servent les
architectes et les maçons, ni comme le carat dont se servent
les orfèvres, à l'égard des perles, ni comme le compas fixe des
mathématiciens. Les derniers sont certaines gens qui pren
nent qualité d'experts, qui se sont introduits depuis quelques
années dans les vérifications, pour lesquels véritablement je
confesse que, lorsque je me suis trouvé engagé avec eux, dans
ces affaires, j'ai eu de la honte et de la confusion pour eux,
qu'ils devraient avoir eux-mêmes de se présenter en cet
emploi, vu le peu d'intelligence et d'expérience qu'ils ont pour
ces choses; et cependant ce sont des gens qui passent
1. Traité des inscriptions en faux et reconnaissances d'écritures et signa
tures par comparaison et autrement, dédié à Monseigneur de Lamoignon,
premier président, par Jacques Raveneau, maître écrivain juré à Paris,
employé au parlement et en toutes autres juridictions pour la vérification
des écritures et signatures. Paris, 1665. 24 feuillets préliminaires et
215 pages in-18. *■-"'. *■
CRÉPIEUX-JAMIN. — L'EXPERTISE EN ÉCRITURE 189
experts, dont souvent l'avis est bien contraire à la vérité, faute
d'expérience. »
Ravineau nous donne d'intéressants détails sur les experts
de son temps. On pourra rapprocher ses doléances des consi
dérations que nous ferons valoir tout à l'heure. « Pour
découvrir les faux, on se sert de personnes capables et expé
rimentées sur la connaissance de ces choses pour en rendre
témoignage. Ces personnes sont ordinairement maîtres-écri
vains-jurés, qui sont établis pour cet effet par plusieurs
arrêts de la cour, avec lesquels depuis quelque temps on y
adjoint des greffiers et des notaires, tous lesquels on nomme
experts. Les qualités d'écrivain, de greffier et de notaire ne
donnent pas avec elles l'expérience et la capacité pour faire
ces vérifications. Il y a des personnes qui ont ces qualités,
qui y sont fort peu entendues, et certainement c'est un grand
mal quand des parties s'engagent dans une affaire de faux par
les sentiments de telles gens, particulièrement lorsque le juge
ment de la vérité ou fausseté se renferme à l'inspection de la
pièce contentieuse.
« II y a bien de la différence entre enseigner à écrire, expé
dier un arrêt, ou sentence, faire des contrats ou autres actes
de notaires et entre la science de découvrir nettement des
imitations et des enlèvements d'écritures, rétablissement de
papier et autres espèces de faussetés... Aussi le parlement a
si bien reconnu que cette expression fût attachée à la
personne, pour lui donner la qualité d'expert en ces matières,
sans qu'il fût besoin d'autres titres ni approbation ou établi
ssement de maîtrise pour le faire retenir, tel que par son arrêt
du 7 septembre 1613 le savant sénateur, M. Petan, a entre
choses ordonné que, pour les vérifications d'écritures et
signatures, pourront à l'avenir être pris et nommés, soit par
les juges, ou par les parties, tant les greffiers, leurs clercs,
commis, notaires, qu'écrivains et autres personnes capables. »
Plus tard la profession fut réglementée, on institua une
Académie des maîtres-experts-écrivains-jurés, mais la Révolut
ion l'emporta.
De nos jours.
Le discrédit motivé d'une institution cependant nécessaire.
Le lecteur suppose qu'aujourd'hui les experts en écritures
sont choisis de façon à garantir le public contre l'ignorance et 190 MÉMOIRES ORIGINAUX
l'erreur. C'est le bon sens. Expert veux dire connaisseur; un
expert en écritures est évidemment un spécialiste éprouvé,
chargé par les tribunaux d'apporter un témoignage, souvent
décisif, dans les cas de contestations? Quel genre d'épreuves
subit-il? Le public ne le sait pas, mais il est persuadé qu'on
ne prend pas le premier venu pour éclairer la justice. Hélas!
il se trompe. En province, tout au moins, les juges choisissent
souvent les premiers venus dans leur entourage — c'est ainsi
que beaucoup de greffiers sont experts en écritures — ou bien
confèrent le titre d'exper

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents