L'usine des Batignolles à Nantes - article ; n°1 ; vol.112, pg 661-673

Jacky Réault

Description

Norois - Année 1981 - Volume 112 - Numéro 1 - Pages 661-673
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: NOROIS
• Publié le: 01 janvier 1981
• Nombre de lectures: 385
• Langue: Français

Extrait

Jacky Réault
L'usine des Batignolles à Nantes
In: Norois. N°112, 1981. pp. 661-673.
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Réault Jacky. L'usine des Batignolles à Nantes. In: Norois. N°112, 1981. pp. 661-673.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/noroi_0029-182X_1981_num_112_1_4006n° 112, Poitiers, octobre-décembre 1981 Norois,
L'USINE DES BATIGNOLLES A NANTES
Par Jacky REÂULT
Sociologue, Université de Nantes
L'HISTOIRE D'UNE USINE DU XXe SIECLE
Tentative d'une vue chronologique et multidimensionnelle
LA « VIE » L'USINE
Fondation de la Société LBC — 1917 (Ménage, Résidence, Voisinage)
projet d'une usine de construc
tion-réparation de locomotives.
1918-
1919 Construction de l'usine pour LBC
(Société des Locomotives Bati-
gnolles Chatillon) - 640 machines,
60 ponts roulants.
1919-
1920 Début de la production avec des 1920 Tandis que le Directeur s'installe
prisonniers allemands, puis cont au Château un peu plus loin, aux
rats liant travail et résidence portes de l'usine : CONSTRUC
avec des polonais et des portugais TION DES « CITES OUVRIE
dirigés par les techniciens de Bel- RES PROVISOIRES », sur le
fort. 700 salariés le 1-1-1920. modèle rapporté des USA par la
« mission des Frères Gouïn » en
1920 GREVE DES CHEMINS DE FER. 1918.
Embauche de licenciés du dépôt « 450 baraques en planches al
de Périgueux. ignées comme des boîtes d'allu
mettes, deux mètres de terre dans
un quadrillage d'allées (numérot1921 Première action, avec la Cons
ées, sans nom). Deux ménages truction navale : refus de travail
par pavillon séparés par une au-delà des huit heures par jour.
(mince) cloison de bois. » Participation : 30 % maximum.
1920- 1921 Sortie de la première locomotive.
1922 Stabilisation du salariat sur un 1963
mode pluriel unique en Basse- (env.) La Cité : système de surveillance
Loire : prolétaires « étrangers » et de chantage à l'emploi, pour
des cités, professionnels de Nant les plus démunis, isolés entre
campagne hostile! et ville lointaine. es, ouvriers ruraux. 3500 salariés
Les Nantais : qualifiés et organi- (maximum historique). 662 DOCUMENTS
1922 Août-septembre ses autour de la Bourse du Tra
leie grève contre les heures sup vail à 7 km de l'usine.
plémentaires, solidaire des chô Les ruraux : dispersés dans le v
meurs de « la Navale » nantaise ignoble principalement dans le
malgré la « modération de la mode de vie de la propriété de
CGT » monopolisant la négociat la maison familiale, du lopin, de
ion. Premières armes des clan la convivialité du Muscadet, de
destins CGTU. Isolement des la paroisse.
nantais, lock-but, 193 licenci Beaucoup viennent travailler en
ements après l'intervention poli sabots ; la majorité des ouvriers
cière. ne quittent leurs « bleus » que les
jours chômés.
1923- 1923-
1935 « Une dizaine seulement de mor 1935 L'âge de fer des cités ouvrières
dus de la CGTU débraient et pas dans le ghetto paternaliste misé
souvent ». MAIS, exception en rable mais sécurisant.
Basse-Loire, la CGT inactive, « On peut pas dire qu'on était
mais seule signataire des contrats, pauvres on avait quand même
est plus faible encore. de quoi manger ».
Irrégularité structurelle de la pro « C'était pas des taudis, intérieu
duction : rement... mais en hiver ça payait
200 locos en 1919, rien en 1920, pas de mine ».
60 en 1922, 10 en 1923. Ainsi de « Dans la cité on cachait moins
suite jusqu'en 1939... des années bien son indigence que ses idées,
complètement creuses : 1935, en entrant, on savait qu'il con
1936, 1939. viendrait de parler bas ».
Recherche permanente de tr Trois ensembles : Le Ranzai, La
avaux de substitutions. Baratte, La Halvèque « corre
spondaient en gros à une qualifi
cation ouvrière ». Unification par
l'Eglise, l'école, le dispensaire, la
salle des fêtes, les œuvres... de
l'usine.
1924-
1929 Transfert à Nantes des ateliers
parisiens de mécanique (product
ion d'armement terrestre et de
matériels de marine).
1925-
1939 Arrivée de réfugiés anti-fascistes,
italiens, espagnols, tchèques.
1932 Suppression de la prime de vie
chère (acquise autour de 1922
dans la métallurgie de Basse-
Loire). Réduction des salaires de
40 % en moyenne soit, désor
mais, salaires compris entre 2,70
et 4 Francs de l'heure.
— Immobilisme de la CGT.
— « Pétition » de la CGTU. DOCUMENTS 663
1934 Fabrication de tours après ra
chat de ERNAULT.
1935- 1935 « Pour la première fois on a
réussi à entraîner tout le monde, 1936 Le système de freinage des luttes
dans l'usine, dans l'unité ». fondé sur les cités et la division
« calotins » - « laïques » éclate.
1935 Décembre
« Fondation d'une belle section
syndicale CFTC, à cette occa
sion ». Unification syndicale de
la métallurgie CGT et CGTU.
1936 3 mai 1936 A partir de cette année, retourne
Victoire de la coalition de* FRONT ment des fonctions des cités.
POPULAIRE aux élections légis L'intégration autoritaire et « so
latives. ciale » aux fins du patronat fait
place à une dense coopération 12 mai
Première occupation d'usine. de voisinage qui culmine dans
25 mai les luttes de l'usine.
Généralisation des grèves en « Dans les cités quand on était
France. en grève ça valait le coup ».
3 juin
Les représentants des Batignolles
imposent leur grève au syndicat
CGT de la métallurgie nantaise.
4 juin
Le conseil syndical de la métal
lurgie de Nantes dénonce la con
vention collective.
3-12 juin 13 juin
Grève avec occupation avec, La fanfare patronale des Cités
semble-t-il, la participation de la défile en jouant l'Internationale
CFTC. Résultats : la Convention devant les grévistes rentrant vic
de la métallurgie nantaise ; les torieux de l'usine.
salaires remontent pour les pro Les femmes ravitaillent, celles qui
fessionnels à 6 F, 6,50 F. viennent de Chantenay ou du
Pour mémoire : Marchix font « 10 km à pied sans
7 juin : Accords Matignon. argent pour le tram ». 6000 parti
11: Thorez : « II faut sa cipants à la FETE SPECTACLE
voir terminer une grève ». organisée par les « gars des Ba
12 juin : Accord national de la tignolles » le 8 juin.
métallurgie.
1936- L'OCCUPATION, LA GREVE
1938 Intense politisation à thématique MEME, RESTE QUASI-UNIQUE
DANS LA METALLURGIE essentiellement communiste. Dé
NANTAISE : La Direction ex- bauche d'investissements symbol
CGTU de la CGT n'estime pas iques, chants, drapeaux, défilés,
meetings solidarité collective aux nécessaire et même combat
républicains espagnols. (chez Carnaud à Basse-Indre) le
Mais, dans les cités, sinon dans fort mouvement inverse chez les
ouvriers. Les Batignolles : usine- les quartiers anciens, la politisa
tion n'efface pas le pluralisme ; emblème tant de la pugnacité que
le progressisme chrétien se dévede la sagesse disciplinée, les mét
allos nantais vivent partiellement loppe parallèlement au commun
isme et sur une base spécifique : leur Front Populaire ainsi par 664 DOCUMENTS
procuration alors qu'à Saint-Na- employés techniciens et ouvriers,
zaire la base anarchisante déborde les moins; qualifiés.
toutes les organisations en juillet
et se plaint amèrement du lâchage
des nantais.
1938 Dernière convention collective
mentionnant la catégorie « Ouv
rière toute » dont le
salaire culmine à 71 % du salaire
masculin le plus bas (« manœuvre
ordinaire »).
Novembre
Dans une Basse-Loire qui se dé
fend bec et ongles dans la lutte
défensive la plus dure et la plus
puissante (malgré l'abstention de
la CFTC) jamais menée, les Ba-
tignolles, base depuis 1936 de la
plus forte section de la CGT,
occupée en camp retranché, di
ssuade la police d'employer la
force et obtient après une nouv
elle occupation la ré-intégration
d'un leader syndical licencié.
1939 Octobre
Les syndiqués de la métallurgie
nantaise refusent à