La muséification du passé récent en Hongrie post-communiste : deux mises en spectacle de la mémoire - article ; n°3 ; vol.37, pg 97-112
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Description

Revue d’études comparatives Est-Ouest - Année 2006 - Volume 37 - Numéro 3 - Pages 97-112
Storing the recent past in a museum in post-Communist Hungary:
Two forms of exhibiting memory
This comparative analysis of two recent cases in Hungary of fitting the Communist past into a museum (National Park of Statues, 1992, and House of Terror, 2002) proposes the hypothesis that obliterating the past by storing it in a museum is one of the seldom analyzed functions of museological strategies. In the current debates that set memorials opposite history, this storing of a traumatic past in memory, far from preventing historicity, often represents an intermediate phase in the claim for an alternative history. This study of these two forms of exhibiting the past in a museum confirms that the patrimonial sense of memory in contemporary secular societies is a form of worship.
À travers une analyse comparative de deux muséifications récentes du passé communiste en Hongrie (Parc National des Statues, 1992, et Maison de la Terreur, 2002), ce texte propose de considérer l'oblitération d'un passé par la mise à l'écart muséale comme l'une des fonctions peu analysées des stratégies de mise en musée. En second lieu, dans les débats actuels qui opposent constructions mémorielles et historicité, il montre que la « mise en mémoire » d'un passé trau- matique, loin d'empêcher toute historicité, constitue souvent une étape intermédiaire dans la revendication d'une historicité alternative. L'étude de ces deux formes de mise en spectacle muséal du passé confirme, en outre, la nature cultuelle des mémoires patrimoniales dans les sociétés contemporaines sécularisées.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2006
Nombre de lectures 43
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madame Anne-Marie Losonczy
La muséification du passé récent en Hongrie post-communiste :
deux mises en spectacle de la mémoire
In: Revue d’études comparatives Est-Ouest. Volume 37, 2006, N°3. Mémoire à l'Est. pp. 97-112.
Abstract
Storing the recent past in a museum in post-Communist Hungary:
Two forms of exhibiting memory
This comparative analysis of two recent cases in Hungary of fitting the Communist past into a museum (National Park of Statues,
1992, and House of Terror, 2002) proposes the hypothesis that obliterating the past by storing it in a museum is one of the
seldom analyzed functions of museological strategies. In the current debates that set memorials opposite history, this storing of a
traumatic past in memory, far from preventing historicity, often represents an intermediate phase in the claim for an alternative
history. This study of these two forms of exhibiting the past in a museum confirms that the patrimonial sense of memory in
contemporary secular societies is a form of worship.
Résumé
À travers une analyse comparative de deux muséifications récentes du passé communiste en Hongrie (Parc National des
Statues, 1992, et Maison de la Terreur, 2002), ce texte propose de considérer l'oblitération d'un passé par la mise à l'écart
muséale comme l'une des fonctions peu analysées des stratégies de mise en musée. En second lieu, dans les débats actuels
qui opposent constructions mémorielles et historicité, il montre que la « mise en mémoire » d'un passé trau- matique, loin
d'empêcher toute historicité, constitue souvent une étape intermédiaire dans la revendication d'une historicité alternative. L'étude
de ces deux formes de mise en spectacle muséal du passé confirme, en outre, la nature cultuelle des mémoires patrimoniales
dans les sociétés contemporaines sécularisées.
Citer ce document / Cite this document :
Losonczy Anne-Marie. La muséification du passé récent en Hongrie post-communiste : deux mises en spectacle de la mémoire.
In: Revue d’études comparatives Est-Ouest. Volume 37, 2006, N°3. Mémoire à l'Est. pp. 97-112.
doi : 10.3406/receo.2006.1776
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/receo_0338-0599_2006_num_37_3_177610
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la muséification du passé récent
en Hongrie post-communiste
Deux mises en spectacle de la mémoire
Anne-Marie LOSONCZY
Directeur d'études à l'École Pratique des Hautes Études, Genèse et Transformation
des Mondes Sociaux (EHESS-CNRS), Paris (losonczy.menget@skynet.be)
Résumé : À travers une analyse comparative de deux muséifications récentes du
passé communiste en Hongrie (Parc National des Statues, 1992, et Maison de la
Terreur, 2002), ce texte propose de considérer l'oblitération d'un passé par la mise
à l'écart muséale comme l'une des fonctions peu analysées des stratégies de mise
en musée. En second lieu, dans les débats actuels qui opposent constructions
mémorielles et historicité, il montre que la « mise en mémoire » d'un passé trau-
matique, loin d'empêcher toute historicité, constitue souvent une étape interméd
iaire dans la revendication d'une historicité alternative. L'étude de ces deux
formes de mise en spectacle muséal du passé confirme, en outre, la nature cultuelle
des mémoires patrimoniales dans les sociétés contemporaines sécularisées. 98 Anne-Marie Losonczy
Une dimension relativement peu présente dans les analyses des nouv
elles stratégies de muséification du passé récent dans un contexte pos
tcommuniste est leur rôle en tant que dispositifs majeurs du réaménage
ment des limites sociales et politiques entre visible et non visible, entre
privé et public, entre caché et exposé. Trois stratégies se déploient, soit la
fragmentation et l'éparpillement d'objets et d'images auparavant assignés
au même univers de discours par la muséographie socialiste (par exemp
le, le Musée du Mouvement ouvrier international à Budapest), soit le
regroupement et le « donner à voir » public d'objets auparavant cachés,
délégitimés ou interdits de visibilité, considérés comme les supports
privés de mémoires condamnées au silence, soit encore la mise en patr
imoine muséographique pour éliminer de l'espace public urbain les traces
d'un passé récent, représenté comme un dérapage tragique de l'histoire
nationale orchestré de l'extérieur. Si la mise en patrimoine, notamment
muséographique, apparaît généralement comme une forme spatialisée
d'institutionnalisation d'une mémoire valorisée, signe d'un certain rap
port des sociétés modernes à l'histoire, elle crée un type paradoxal de
muséification du social, situé entre mémoire et oblitération, qui semble
viser à enfermer, figer et soustraire à la visibilité obligatoire les emblèmes
encombrants d'un passé ayant perdu toute légitimité.
Ainsi les muséifîcations du passé récent, qui réaménagent les limites
entre espaces publics, privés et secrets (cachés), aboutissent à une nouv
elle configuration du temps historique et social. La présentation con-
tinuiste d'éléments sélectionnés en tant que muséification socialiste du
passé faisait de l'histoire, toujours linéaire et chronologique, une succes
sion d'étapes menant nécessairement au présent et à l'avenir socialistes.
Grand producteur de nouvelles figures héroïsées, le temps muséal social
iste fusionnait le présent et le futur en un seul bloc qui capturait le passé.
En revanche, les formes récentes de la muséification construisent un autre
modèle du temps historique, celui du dérapage, de l'arrêt, de la suspens
ion, puis de la reprise : après la rupture, on renoue avec le fil de l'histoire.
De quinze ans de post-communisme, ont émergé plusieurs modèles de
réaménagement de l'espace-temps du passé, qui s'élabore par une mise en
patrimoine muséographique. Ils mettent en œuvre tour à tour l'oblitéra
tion de certains objets-traces du passé délégitimé, que l'on soustrait à la
visibilité publique, puis le dévoilement iconographique d'une « vérité his
torique » par la transformation de mémoires privées et de documents
cachés en mémoire-témoignage, commemorative et justicière.
Volume 37, septembre 2006 La muséification du passé récent en Hongrie post-communiste 99
Cependant, le socle commun sur lequel semble s'édifier les deux muséifi-
cations budapestoises présentées ici, le Parc-Musée des Statues et la
Maison de la Terreur que dix ans séparent, est une même idée-force : celle
de la clôture définitive de ce passé, d'une coupure totale, d'un isolement
complet par rapport au présent, à l'avenir et à d'autres passés antérieurs.
L'oblitération en patrimoine : l'enfermement des statues
Le « cimetière des statues » (appellation populaire du Parc du même
nom) est un lieu muséal nouveau, en plein air, à la périphérie de la ville
et en marge de ses réseaux, qui regroupe depuis 1992 certaines statues
monumentales de la période socialiste enlevées de leurs socles urbains.
Avant la naissance de ce singulier site muséal, dans les années 1989-
1991, s'amorcent des polémiques et actions civiques, anonymes ou méd
iatisées, autour de ces statues in situ. Des actions se déploient : les sta
tues sont maculées de graffitis (« Russes hors d'ici »), peintes ou drapées
de rouge-sang, dégradées, mutilées ou même déboulonnées. Cette effe
rvescence de discours et d'actes ritualisés à l' encontre des supports massifs
d'un régime et d'une idéologie dictatoriaux, vaincus et discrédités, semb
le impliquer deux questions sous-jacentes : faut-il recouvrir le « socia
lisme réel » d'un voile d'oubli, le transformer en objet de dérision, en
combat posthume ou en objet d'histoire ? Faut-il inscrire cette transfo
rmation du passé dans le registre des actions rituelles de désaveu, officielles
ou civiques, dans la pe

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