Le coq et l âne : du zapping comme symptôme d une nouvelle culture télévisuelle  - article ; n°1 ; vol.4, pg 95-113
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Le coq et l'âne : du zapping comme symptôme d'une nouvelle culture télévisuelle - article ; n°1 ; vol.4, pg 95-113

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Description

Quaderni - Année 1988 - Volume 4 - Numéro 1 - Pages 95-113
Le zapping - pratique qui consiste à utiliser fréquemment la télécommande pour changer de chaîne en cours de programme - semble traduire l'émergence d'un nouveau mode de relation à la télévision. L'agencement qu'il opère à la réception des contenus proposés renvoie à un modèle esthétique dont les matrices sont à chercher du côté du baroque, de la photographie, de l'exotisme et de la collection. Par ailleurs, rendant visible le travail de la réception, le zapping reflète la distance spécifique qui semble aujourd'hui s'installer entre le récepteur et le programme. Les fragments de programme modulés prennent un nouveau sens, qui ne se lit plus dans le contexte d'une continuité narrative déconstruite, mais dans celui de la compétence et de la culture télévisuelle gobale du téléspectateur moderne.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 38
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Chantal de Goumay
Pierre-Alain Mercier
Le coq et l'âne : du zapping comme symptôme d'une nouvelle
culture télévisuelle
In: Quaderni. N. 4, Printemps 1988. pp. 95-113.
Résumé
Le zapping - pratique qui consiste à utiliser fréquemment la télécommande pour changer de chaîne en cours de programme -
semble traduire l'émergence d'un nouveau mode de relation à la télévision. L'agencement qu'il opère à la réception des contenus
proposés renvoie à un modèle esthétique dont les matrices sont à chercher du côté du baroque, de la photographie, de
l'exotisme et de la collection. Par ailleurs, rendant visible "le travail de la réception", le zapping reflète la distance spécifique qui
semble aujourd'hui s'installer entre le récepteur et le programme. Les fragments de programme "modulés" prennent un nouveau
sens, qui ne se lit plus dans le contexte d'une continuité narrative déconstruite, mais dans celui de la "compétence" et de la
"culture télévisuelle gobale" du téléspectateur moderne.
Citer ce document / Cite this document :
de Goumay Chantal, Mercier Pierre-Alain. Le coq et l'âne : du zapping comme symptôme d'une nouvelle culture télévisuelle . In:
Quaderni. N. 4, Printemps 1988. pp. 95-113.
doi : 10.3406/quad.1988.1878
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/quad_0987-1381_1988_num_4_1_1878D O R
DU ZAPPING COMME LE SYMPTOME COQ D'UNE ET NOUVELLE L'ANE CULTURE TELEVISUELLE
CHANTAL DE GOURNAY
PIERRE-ALAIN MERCIER
Après les clips, le zapping marque une nouvelle étape de l'évolution de la
télévision. Il inquiète les créateurs, dérange les publicitaires, alimente les
rubriques des journaux (Libération). Prompte à récupérer ce qui lui paraît être
une contestation sinon une menace, la télévision a intégré le zapping à la production et
zappe pour ainsi dire à la place du téléspectateur, en segmentant ses émissions. Les
branchés découvraient le mot sans être bien certains d'en connaître la définition. On
zappait peut-être déjà sans le savoir. Porté par la fortune du mot, le phénomène s'est
étendu hors de sa place naturelle devant le petit écran. On zappe, paraît-il, dans le métro
Cet article a été écrit au (Tube), dans son auto (la radio) ou tout simplement en flânant dans la ville. En somme,
cours d'une recherche ex le zapping c'est du coq-à-1'âne appliqué au regard, le goût de l'assemblage hétéroclite,
ploratoire sur les pratiques la boulimie rétinienne.
de zapping, menée dans
le cadre du GRECO Aussi pouvait-il sembler arbitraire d'en limiter la définition à la seule modalité pratique
"PUCES" par une équipe et technique de réception des programmes télévisés : changements fréquents de chaîne
composite (Gisèle au cours d'une émission à l'aide de la télécommande. L'origine incertaine du mot «zap»
Bertrand-INAlRecherche explique son imprécision sémantique dans la langue courante. En américain, ce mot
Prospective-, Chantai de signifie «zigouiller» en argot, ou encore «hybrider un programme» dans le jargon
Gournay-CNETIU sages informatique. Les Québécois, plus francophones que les Français, disent «pitonner», ce
Sociaux de la Télécommun qui inscrit la pratique dans une interdépendance avec la technique, l'existence d'un
ication-, Pierre-Alain clavier. Les Américains, qui ont le souci de la précision, ont encore rétréci la définition
Mercier-CNRS/Modes de du zapping en lui trouvant un quasi homonyme : le zipping. Zipper c'est zapper
vie, Communication et Dé uniquement pour fuir la publicité, ce qui revient à dire qu'un vrai zappeur n'est pas
veloppement-). Ces pages publiphobe et zappe autant à l'intérieur des émissions qu'à l'intermède publicitaire.
portent donc la trace de ce
moment qui sépare la fin En France, le mot conserve une part d'indétermination (du fait qu'il désigne un
du "terrain" de l'analyse phénomène de dispersion de la perception et de la réception, concernant un récit quel
systématique des données qu'il soit, textuel, sonore ou visuel) qui lui confère une épaisseur culturelle, voire
recueillies. Le produit de existentielle. Pour les néopathes on est aujourd'hui zappeur comme on a pu être
cette phase est ordinaire autrefois téléphobe dans l'après soixante-huit, ou ensuite téléphage après que les
ment rarement matérialisé. intellectuels et les élites furent désinhibés par rapport à ce média. Pour les défenseurs
Son statut est bâtard : plus de la tradition humaniste élevés dans la sacralisation de l'écriture et de l'oeuvre, le
que des hypothèses, moins zapping ne peut être que l'expression la plus achevée de cette «nouvelle barbarie» qu'ils
que des résultats. Moins attribuent à l'essor des médias électroniques. Dans sa version positive, le zappeur est un
rigoureux, sans doute, rebelle à la «culture de flot», dans sa version négative il en est le produit, le nouvel
mais peut-être plus riche, analphabète ou l'autiste culturel. Bref, le zapping serait une attitude. Plus qu'une
plus aventureux, plus * pratique sectorielle relative à la consommation d'un média, il engloberait tout le rapport
ouvert que ces conclusions à la culture, renvoyant à une mutation structurelle des comportements qu'on attribue
prudentes auxquelles nous depuis une dizaine d'années à l'interactivité.
devrions "normalement"
aboutir. Aussi convient-il Dans la glose euphorisante sur la communication libérée, le zapping devint l'indice d'un
de prendre ces quelques nouveau pouvoir, ou plutôt d'un contre-pouvoir : le «final eut», privilège détenu par le
pages pour ce qu'elles * réalisateur est désormais confisqué par le spectateur en possession de la télécommande.
sont : brutes de décoffrage. Devant l'impossibilité ou la nullité du choix, il dispose encore de la sanction suprême :
95 .
couper. Mais cette coupure ne correspond pas à un arrêt de la communication, éteindre
son poste ou fermer un livre qui a perdu tout intérêt. Le «eut» du zappeur serait moins
l'expression d'une liberté que celle d'une impuissance : un acte purement réflexe et
manuel, du même ordre que le geste d'exaspération de la main qu'on agite pour chasser
les mouches auxquelles on ne peut cependant se soustraire. De même le zappeur
intoxiqué par la télévision ne peut-il se soustraire au flot d'images qui le submergent et
que pourtant il désavoue. «Pratique subliminale pour arrêter de regarder la télé, comme
d'autres arrêtent de boire ou de fumer», dit Virilio.
Alors faut-il voir dans le zapping le ressaisissement du regard hypnotisé par le petit
écran ? C'est oublier que cette pratique est étroitement dépendante d'un dispositif
technique, une boîte noire, la télécommande. Le zapping aurait-il existé sans son
invention ? Car, pour être vécu comme l'exercice d'une sanction et non comme
l'abandon frustrant d'une des mamelles asséchée de la mère télévision, le «zap» exige
la brutalité et la vitesse de la guillotine. Zapper sans télécommande est donc un non-sens.
Il s'agit de prendre de court l'image et de ne pas s'y laisser prendre. Le zappeur répond
à la quantité (de l'offre) par la vitesse : comment mettre en boîte un récit pour en faire
de l'instantané ou du condensé. C'est la logique du clip.
Au-delà de son intérêt sociologique, le zapping met en place une esthétique. Si l'on
considère le zapping comme une co-production de textes dont l'usager serait l'artisan
au même titre que le producteur du programme, on ne peut s'empêcher d'y voir une
syntaxe, même si la succession des images peut sembler aléatoire, même si leur
agencement obéit tout autant à une logique pulsionnelle qu'à un exercice volontaire.
L'ESTHETIQUE DU ZAPPING
Le zapping, mode d'agencement d'un contenu donné (le «programme disponible»),
peut être appréhendé comme une production de forme; aussi est-il tentant d'y rechercher
une esthétique. Différente

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